Fyctia
Chapitre 14
— M’enfermer ? m'exclamai-je, le cœur battant à toute allure.
Mes pouvoirs se déployèrent en un temps record. Je sentis l’Air se déplacer dans la pièce pour la cartographier. Une porte, deux fenêtres. Trois issues possibles. Mon sac toujours sur le dos, je viserais la seconde fenêtre qui, plus proche que la porte, me mènerait directement hors de l’Institut. Les plantes à l’extérieur n’attendaient plus que mon signal pour pousser et détruire les vitres. Enfin, la chaleur qui irradiait dans les paumes de mes mains m’indiqua qu’une troisième spécialité se préparait pour le combat.
Heureusement pour moi, seule l’agitation de l’Air était perceptible. Mes cheveux, ainsi que ceux d’Anthony et de la Directrice, voletaient, tout comme les documents éparpillés sur le bureau. Les sourcils froncés, Suzanne Van Heroltz me fixa étrangement de ses petits yeux en amande.
— Tu es très réactive.
— Vous voulez m’enfermer.
Elle soupira, sûrement agacée de me voir lui répondre. Anthony se tourna sur son siège, de sorte à se retrouver en face de moi.
— Comme je te l’ai expliquée, on ne peut pas te laisser livrée à toi-même. Tu es encore jeune et tu commences à peine à maîtriser tes pouvoirs. C’est aussi dangereux pour toi que pour les autres. Tu dois rester sous surveillance.
— Tu pourrais me garder avec toi, proposai-je avec un haussement d’épaules.
Entre Anthony et la Directrice Van Heroltz, le choix était vite fait. Cette femme ne m’inspirait pas confiance, au contraire du Capitaine qui avait su, dès le départ, comment se comporter avec moi pour éviter de me braquer.
— Je suis désolé, Amalie, ça ne marche pas comme ça. La loi stipule qu’en tant que mineure isolée, tu tombes sous la juridiction des Instituts.
— Très bien. Donc, en réalité, je n’ai pas vraiment le choix, ironisai-je, excédée. Soit j’accepte de me soumettre à l’autorité de l’Institut, soit on m’enferme comme une criminelle !
Je bondis de ma chaise, accompagnée d’une bourrasque involontaire. Mon cœur, affolé à l’idée d'être emprisonné d’une quelconque façon, refusait de se calmer et tambourinait à plein régime dans ma poitrine. Rien d’étonnant à ce que mes pouvoirs m’échappent.
Les poings sur les hanches, j’entrepris de faire le tour de la pièce en marchant, histoire de laisser la pression retomber.
— Mes parents ont été attaqués, ils ont disparu, et c’est moi qui risque de me retrouver en prison. Fantastique !
Je roulai mes épaules pour tenter de dénouer mes muscles raidis, avant d’en faire de même avec ma nuque rigide. J’étais autant énervée qu’exténuée. Fatigue et inquiétude semblaient me coller à la peau depuis le début de la semaine. Ma vie de sorcière cachée parmi les humains était bien plus simple.
Je me répétai les instructions de ma mère en boucle, dans l’espoir d'alléger la tension qui m’habitait. Les yeux fermés, j’inspirai profondément, puis expirai en comptant jusqu’à cinq. Mes mains se refroidirent. Lorsque je perdais pied, le Feu était toujours le premier élément que mon cerveau éteignait. D’après mon père, ma tête savait qu’il s’agissait du plus destructeur. Venaient ensuite l’Eau, l’Air et la Terre. À chaque fois dans cet ordre. Une chance que je ne pète pas les plombs si facilement.
Un raclement de chaise me signala que l’un des deux s’était levé. Arrivée à mon niveau, cette personne posa les mains sur mes épaules. Je devinai qu’Anthony m’avait rejointe. Je sentais sa chaleur traverser le tissu de ma veste. Je me résolus à ouvrir les yeux pour le regarder.
— Je ne suis pas d’accord avec la proposition de la Directrice, mais je ne peux rien faire, s’excusa-t-il d’une grimace désolée. En revanche, je peux te promettre de revenir te voir si tu décides de rester à l’Institut. Est-ce que ça te rassurerait ?
Je n’étais pas seule. Au milieu de tout ce bordel, je pouvais m’appuyer sur une personne. Un Capitaine de l’Armée du Nord que je ne connaissais que depuis quelques heures, mais qui, pour une raison que je ne comprenais pas, m’inspirait confiance. Il avait refusé de me blesser pendant l’attaque de ce matin, pris ma défense devant son collègue, m’avait rassurée pendant ma crise d’angoisse et, à présent, il était une fois de plus de mon côté, à essayer de trouver la meilleure solution vis-à-vis de ma situation pourrie et il ne voulait pas me laisser tomber. Cette constatation m’emplit de joie et mon cœur s’allégea.
— Voici ce que je te propose, nous interrompit la Directrice Van Heroltz, qui quitta la fenêtre pour se poster face à nous. Je te donne une semaine pour te décider. Pendant les sept jours qui viennent, je te demande de suivre les cours et de te comporter comme n’importe quel élève de mon établissement. Tu seras nourrie et logée avec les autres internes. Au bout de cette semaine test, tu auras suffisamment d’informations pour prendre une décision réfléchie. Qu’en dis-tu ?
Je jetai un coup d'œil à Anthony qui hocha la tête, m’encourageant à accepter sa proposition. Je devais admettre que cette femme était pleine de bon sens quand elle le voulait. En intégrant provisoirement l’Institut, ça me laisserait le temps de préparer la suite. Je ne comptais pas passer un long moment ici, mais, au moins, je n’aurais pas à m’inquiéter de trouver un refuge ou de la nourriture pendant sept jours. J’avais besoin de repos pour avoir les idées claires.
— Très bien. J’accepte.
Un grand sourire barra le visage d’Anthony. La Directrice se contenta d’acquiescer vaguement et, avant que je n’aie le temps d’ajouter quoi que ce soit, me demanda de sortir. J’obtempérai sans me plaindre et, une fois hors de la pièce, je laissai un filet d’air s’engouffrer sous la porte pour amplifier le son de leurs paroles. Nul besoin d’être un génie pour deviner que je serais le sujet principal de leur conversation.
— Vous semblez très proche de cette jeune fille, Capitaine.
— Elle a besoin d’aide. Toute sa vie vient de voler en éclats.
La voix d’Anthony intimait à la Directrice de ne pas trop insister. Je l’imaginais croiser les bras et serrer la mâchoire. Je m’adossai à côté de la porte.
— Je vous l’accorde. Mais nous ne savons rien d’elle. Ni de sa famille.
Je soupirai, agacée contre elle de lui rappeler ce point, mais aussi contre mes parents de m’avoir mise dans une telle situation. Leurs secrets risquaient d’empirer mes journées déjà bien chaotiques.
— J’ai fait des recherches après votre appel, enchaîna la Directrice. Je n’ai trouvé aucune mention du nom Montbasson dans les archives. Je me suis même rendue à Névrémésiel. Aucun sorcier de ce nom n’est référencé.
Que devais-je comprendre ? Il n’y avait que deux possibilités : soit Montbasson n’était pas mon vrai nom, soit je venais d’une famille qui se cachait depuis des années. L’idée de porter un faux nom me déplut, comme si une part de mon identité ne m’appartenait pas réellement.
— Êtes-vous sûr de pouvoir vous fier à elle ?
— Je n’ai pas de réponse. Une part de moi, bien plus forte que je l’aurais cru, veut la protéger. Alors je la protège.
1 commentaire
Sholaine77550
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Il y a 2 ans