Fyctia
Face à face
Comme prévu, les gardiens nous séparent et me sortent de la cellule avant que je ne tue l'un de mes compagnons. Je dois avouer que j'accueille leur intervention avec un certain soulagement. En voulant attiser ma colère, j'ai provoqué en moi un véritable raz de marée, une vague de rage déferlante, insatiable et incontrôlable que je n'aurais probablement pas pu stopper seul.
Cependant, malgré ma force et ma hargne, les deux balaises me maîtrisent sans la moindre difficulté. Ce qui confirme mon intuition. Nous ne sommes pas les seuls loups dont James fait usage. Bien sûr, je savais qu'il employait les deux monstres qui m'ont transformé, mais je n'étais pas sûr qu'il y en ait d'autres. J'avais remarqué que l'odeur des gardes avait quelque chose de commun avec celle des garçons, mais de là à dire qu'il s'agit de loups... Je ne maîtrise pas assez mes nouvelles facultés pour pouvoir établir de telles conclusions. Mais je suppose que cette senteur omniprésente, animale et musquée, est caractéristique de notre espèce. Un mélange de chien mouillé et de bois de santal.
On me conduit dans une cellule à l'écart. Evidemment. Je me doutais bien que le chef ne me recevrait pas sous le simple prétexte que j'ai abîmé sa petite armée de génie. Il va me falloir être plus persuasif.
Balaise numéro quatre me repousse tandis que l'autre verrouille la porte. Cette pièce, bien plus étroite, est construite sur le même modèle que la précédente. Si j'avais su qu'en cassant la gueule de tout le monde, on m'offrirait la possibilité de rester seul et d'avoir un toilette privatif, je ne me serais pas privé d'user de mes poings. L'intimité mise à part, l'isolement qu'on m'impose à ses avantages. Depuis ma nouvelle résidence, j'ai une vue sur une extrémité du couloir qu'il m'était impossible d'entrevoir avant, et surtout, je peux réfléchir en paix, sans qu'on m'interrompe pour connaître les détails de mon plan. Plan que je n'ai pas encore élaboré, grâce aux geeks qui me collent aux fesses et à leur curiosité maladive.
Je tourne en rond dans ma petite geôle. J'essaye de trouver le meilleur moyen d'être amené devant James, sans me faire tuer dans la minute. D'après ce que j'ai pu comprendre, je suis suffisamment précieux pour qu'il veuille m'empêcher de mettre fin à mes jours, mais pas assez pour m'épargner. Puisque, selon les dires des garçons, il n'hésitera pas à me faire exécuter s'il estime que je représente une menace pour son entreprise. Pour résumer, il est le seul à décider de mon sort, et si je ne veux pas finir en trophée sur la cheminée, je vais devoir la jouer fine et agir vite. Je ne dois pas lui laisser le temps de se poser des questions sur mes motivations.
J'inspire un grand coup et me mets à gueuler. J'exige qu'on me conduise auprès de James, sans quoi je m'entaillerais à nouveau les poignets. Requête ridicule, mais surprenante, si j'en crois la réaction de mes gardiens. Pile ce que je visais. Je dois attiser la curiosité du Grand Chef.
Après une bonne dizaine de minutes à m'époumoner comme un cinglé, le connard à talonnettes débarque devant ma cellule. Le regard noir et la mèche folle. Une nouveauté pour lui qui ne se présente jamais sans avoir les cheveux huilés et plaqués. J'ai du l'interrompre pendant qu'il passait sa gomina. Il fait signe au détenteur des clefs qui lui marmonne une réponse timide et finit par abdiquer, il ouvre la porte et le laisse entrer. Ce connard prétentieux vient de se jeter dans la gueule du loup. Je dois prendre sur moi et refréner toutes mes pulsions qui me poussent à céder à la tentation et à lui planter un coup de croc dans la gorge, mettant fin à son règne despotique. Malheureusement ce n'est pas si simple. Pour ce que j'en sais, James ne pourrait être qu'un pion qu'on remplacerait dans la minute, sans verser la moindre larme.
L'objet de mes appels se déplace nerveusement autour de moi, il tourne autour de mon corps immobile en faisant claquer ses bottes, dans une vaine tentative visant à m'impressionner.
- Alors, Tyler ... Qu'est ce que tu veux?
- Bonjour, dis-je sur un ton timide
Pour me faire passer pour l'un des geeks, je dois user de toute ma créativité. J'essaye de penser comme Josh. Et je me dis que, même dans de telles circonstances, il n'en n'oublierait pas la politesse d'usage quand, moi, je dirais juste à James d'aller se faire enc...
- Tu te fous de ma gueule ? hurle le petit mafieux. Ça fait dix minutes que je t'entends gueuler depuis mon bureau, tu me réclame à corps et à cri, et quand je me pointe... Tu me dis bonjour ?
- Je.. je veux.. travailler pour vous
Il se fige, surpris, et se met à rire. Je décide de ne pas m'attarder sur le sentiment qui me bouffe, la frustration de ne pas pouvoir le buter, pour me concentrer sur l'information qu'il vient de me dévoiler. Son bureau est à portée de voix de ma cellule. Je ne sais pas encore dans quelle mesure ça va m'être utile mais c'est toujours bon à prendre.
- Dis moi pourquoi je voudrais de toi ? Alors que j'ai tout ce qu'il me faut comme main d'oeuvre
- Je ne sais pas.. mais vous m'avez sauvé
- Je ne l'ai pas fait parce que tu as une importance pour moi, mais pour que tu comprennes qu'ici c'est moi qui décide. Tu m'appartiens, lâche-t-il en plantant son index dans mon torse
L'expression sur son visage et sa posture changent, presque imperceptiblement, mais ça ne m'a pas échappé. Ce que je lis dans son langage corporel ne m'indique rien qui vaille. Il doute.
- Tu peux m'expliquer ce revirement ? Ce matin tu essayais de te suicider et maintenant, tu veux travailler pour moi ?
Merde. C'est exactement ce genre de questionnement que je voulais éviter.
- Je... je n'arrivais pas à supporter ce que j'ai fait. Tuer quelqu'un... C'était nouveau et ce que j'ai ressenti... Ça ne m'a pas paru normal.
- Développe...
- J'ai aimé la sensation que ça me procurait... celle du pouvoir
Une lueur passe dans son regard. Je crois que je touche au but.
- C'est vrai que je n'avais jamais vu aucun de tes petits copains se déchaîner comme tu l'as fait dans cet entrepôt...
- Je n'avais jamais ressenti un tel sentiment de puissance, de toute ma vie... avoué-je timidement
Il se frotte le menton, sa barbe naissante grésille sous le passage de ses doigts, pendant qu'il réfléchit à ce que je viens de lui dire. Pesant le pour et le contre, évaluant les bénéfices que je pourrais lui apporter.
- Montre-moi que j'ai quelque chose à gagner à t'embaucher, et j'y réfléchirai
Il sort de ma cellule sans fermer la porte, glisse quelques mots aux gardiens puis s'engage dans le couloir en se frottant les mains. Je reste figé, perplexe. Ce n'est qu'en l'entendant chantonner à l'intention des garçons, "Préparez vous, on part en ballade !", que je comprend. Les balaises me font signe de les suivre, ce que je fais sans rechigner. Un sourire idiot fiché sur les lèvres.
Sans le savoir, James vient de me donner les clefs pour infiltrer son réseau, et un moyen de prendre une petite revanche, par la même occasion
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Alexa Marcus
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