Fyctia
Nous passons l’après-midi à
Nous passons l’après-midi à discuter. Enfin, lui avec la parole et en essayant de déterminer mes mots et moi armée de mon bâton.
Je suis heureuse de démontrer à Héra et à tous le monde que ma malédiction n’en est pas une si on sait bien la contourner. Narcisse est un homme très sympathique et riche en sujets de discussion. Je n’ai pas l’impression de perdre mon temps. Je lui fais visiter les environs, nous riions, malgré tout les caméras me mettent mal à l’aise. Je note dans un coin de mon esprit de demander à Héra de les désactiver après le show.
Deux points me perturbent cependant. Il ne m’a pas parlé de me rendre l’anneau et il ne fait pas mine de chercher la Biche. C’est pourtant le principe de la Chasse Éternelle mais lui préfère passer du bon temps avec moi. Non que je refuse ce bonheur… cela m’intrigue.
Pendant qu’il cueillait des mûres, je lui ai faussé compagnie pour rejoindre ma grotte, à deux pas du buisson. Fébrile, j’ai empaqueté dans un torchon de quoi dîner dehors.
Je le rejoins à pas de loup. Je compte lui faire peur. A trois mètres de lui, il ne m’a toujours pas détecté. Un volatile passe par là en hululant alors j’en profite pour lui voler son cri.
— Ouuuuh !
Il fait volte face, l’air menaçant et avec un poignard dans la main. A ma vue, ses traits se détendent et sa prise sur le manche se desserre.
— Voyons ! Quelle frayeur ! J’ai cru que tu étais un adversaire Écho !
Tiens, il vient sur le sujet. C’est l’occasion parfaite pour l’interroger. Et la biche ?
Il déchiffre le sol en terre.
— Nous avons le temps. Selon les pronostics il faut au moins un mois pour la trouver et finir le jeu.
Un mois ??? oh. La dernière fois, l'affaire avait été classée en cinq jours. Héra a décidément apporté de nombreuses évolutions à sa chasse. Cela explique la paresse de Narcisse. Mes sentiments sont heureux de cette réponse : un mois à profiter de lui…
Et le conseil d’Héra ?
— Il servira un jour. Je ne sais pas quand, conclut-il en haussant les épaules.
Je prends mon courage à deux mains pour poser la question fatidique. Est-ce que je peux récupérer mon anneau ?
Déjà ce matin, il avait ignoré mon interrogation. Là, il est obligé d’y répondre.
Narcisse ferme les yeux et prend une longue respiration. Il réfléchit à sa réponse et je peux mettre ma main à couper que ce n’est pas positif pour moi. Il se pose contre un tronc de bouleau et m’invite d'un geste de la main de le rejoindre. Nos épaules se touchent. Je frissonne.
— Tu as froid ? demande-t-il prévenant. Oui ?
—....
— Non ?
— Non.
Le calme revient. Quelques minutes plus tard, il rouvre les yeux et se penche vers moi. Épisode des secrets partie deux…
— Si Héra m’a indiqué ton anneau et ton habitat ce n’est pas pour rien. Je me doute qu’elle te déteste et qu’elle aimerait te voir traîner dans la boue, mais son conseil possède un véritable enjeu avec la Chasse Éternelle. Je dois garder l’anneau, je suis désolé.
Mais c’est le mien !
— Crois-tu que je ne le sais pas ? A ta place j’aurai tué pour reprendre ma boucle d’oreille d’orichalque.
Son ton monte dans les graves. Il semble contrarié. Il reprend :
— Ecoute, je vais te proposer un marché.
Il marque une pause. J’attends, impatiente.
— La biche n’a aucun intérêt pour toi. Pour moi, elle représente la gloire et l’honneur. Dans le monde l’aujourd’hui, il est très difficile de se faire une place en tant que héros. La vie est chère également. tu ne t’en rends sûrement pas compte dans ta grotte, mais le cours du nectar a doublé en deux ans ! Alors voilà : je garde l’anneau jusqu’à ce que je trouve la biche, puis je te le rends.
Le principe d’un marché c’est qu’il apporte des avantages aux deux. Bien sûr qu’à la fin de la Chasse je le récupère…
— Tu es dure en affaires.
Typique des hommes, ils pensent toujours à rouler la femme. Juste logique.
— Je, je ne sais pas quoi t’offrir. Je n’ai rien.
Et pourtant, il possède quelque chose que je veux. Enfin, je pense que je le souhaite.
Tu pourrais rester.
— Rester ?
— Rester.
— Ici ?
— Ici.
— Je ne sais pas.
Ce n’est pas difficile pourtant.
M’aime-t-il oui où non ? A défaut, je pourrai mettre à service sa force pour entreprendre quelques constructions. J’ai besoin d’un récupérateur d’eau de pluie pour l’eau courante.
Son visage se rapproche du mien. Je peux apercevoir tous les détails de sa peau. Les taches de rousseurs comme les constellations, ses iris noisettes, sa mâchoire carré. Avec mon index, je caresse la fine bande de poils qui a poussé. Il possède un vrai charme.
— D’accord.
Ses deux syllabes se perdent entre sa bouche et mon oreille. Le temps semble suspendu.
— Deal ?
— Deal, lâche-je.
Ses lèvres sont si proches… je n’ai qu’à me pencher… de quelques centimètres… un rien…
Il se retire brusquement. La tension retombe aussi rapidement qu’elle était venue. Gênée, je me couvre le visage pour ne pas laisser transparaître à la vue de tous les émotions qui me traversent.
Je tapote son épaule et désigne le panier.
Suis moi.
Je tends ma main qu’il saisit. Sa paume est chaude comme une bouillotte. Je l'entraîne plus loin, comme pour fuir ce contrat secret. Nous atteignons un pré rempli de mille espèces de fleurs. Au printemps j’ai l’habitude d’installer une tente au centre et d’observer toute cette belle nature qui s’ouvre au ciel.
Je secoue la nappe ( la classique à carreaux) et l’étale sur le sol. Nous sortons les aliments et les posons. Enfin, nous nous allongeons épaules contre épaule, ma tête calée contre la sienne.
Je crois rêver et pourtant c’est bien vrai. En quelques heures nous avons noué un lien indescriptible qui ne tend qu’à s’agrandir et je suis heureuse. Je ne rumine plus ma malédiction et je suis presque reconnaissante à Héra de m'avoir posé sur le chemin de Narcisse.
Nous passons la soirée à observer les constellations, à parler de tout et de rien, comme un duo insouciant des évènements du futur. Car ce que nous voulons, c’est profiter de l’instant présent comme si c’était le dernier.
1 commentaire
Cirkannah
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Il y a 3 ans