Fyctia
Chapitre 15.1
Ivy
Vendredi 1er juillet 2022
Silverstone, Grande-Bretagne
Décidément les semaines passent et ne se ressemblent pas. Si quelqu'un m'avait dit lorsque j'ai débarqué en Italie, voilà de ça deux mois, que je partagerais le lit d'Alex. Je pense que je lui aurais rit au nez, tout simplement. J'ai hésité un long moment à rentrer chez moi et ne revenir que dimanche. Seulement demain c'est mon anniversaire et je n'ai pas envie d'être seule. Ella est à Los Angeles et Victoria bosse en studio. Mes choix étaient limités. Tu ne fais rien de mal, souffle la petite voix dans ma tête. Je n'ai plus partagé mon lit avec un homme depuis Logan. Alors me retrouver dans cette situation me fait bizarre. Mais je suis adulte, célibataire et deux amis peuvent partager le même lit !
J’inspire un grand coup, histoire de me donner du courage, puis me regarde une dernière fois dans le miroir. Ma tenue n’a rien de glamour, elle se résume à un short et un t-shirt, tellement usé qu’il est un peu troué. Un chignon complètement décoiffé vient compléter ce look approximatif. Je n'ai personne à impressionner de toute façon ! Tu ne fais rien de mal, tu ne trompes personne, je me répète une dernière fois avant de pénétrer dans la chambre. Alex est déjà installé dans le lit, lunettes sur le nez et son éternel carnet de courses à la main. Je me faxe de mon côté du lit et remonte la couverture jusqu’à mon menton. Je le vois ricaner.
— Tu peux enlever ta ceinture de chasteté, je ne vais pas te manger, déclare-t-il pince-sans-rire, les yeux toujours rivés sur son carnet.
— Hilarant, je réponds simplement. Tu aurais au moins pu me prévenir, je ne serai venu que dimanche !
— Et louper l’expression sur ton visage ? Jamais !
— Je ne savais pas que j’étais ton clown personnel ! je rétorque en m'enfonçant un peu plus dans le lit.
— Depuis le premier jour !
Quel petit impertinent ! Je lui tourne le dos et éteins la lumière du côté de mon lit. Je ferme les yeux et cherche le sommeil. C'est peine perdue, il est bien trop tôt pour dormir. Alex finit par déposer la télécommande sur ma joue, je l’ai reconnu aux touches rugueuses. Ca sert à quoi de se passer des crèmes et des sérums hors de prix, si c’est pour que cet imbécile mette une télécommande pleine de microbes sur mon visage ?
— Regarde ce que tu veux, je sais que tu ne dors pas.
— Même un film d’amour ? je demande en me redressant plus vite que mon ombre.
— J'ai été élevé avec trois filles à la maison je te rappelle. Alors ça ne me dérange pas, sourit-il.
— Logan ne voulait jamais regarder de films d’amour avec moi.
Je plaque la main sur ma bouche. Il est rare que j'évoque Logan. Bien que je pense à lui tous les jours, je ne le verbalise pas. Même pas avec mes amies. Alex me regarde sans bouger, aussi surpris que moi, se demandant très certainement à quel moment je vais partir en courant, pour fuir cette conversation.
— Ce qu’il détestait le plus c’était les films de noël que je pouvais regarder toute une journée, je me surprends à rajouter.
Il me regarde hésitant, ne sachant pas trop si il doit parler, ou me laisser continuer. Les minutes passent, sans qu'aucun de nous deux n'osent reprendre la parole. Je le vois poser son carnet et ses lunettes sur la table de chevet.
— Qu’est-ce qu’il s’est passé ? ose-t-il finalement.
— Une leucémie. Les pronostics n’étaient pas favorables. Il a tout essayé même ce qu’il ne voulait pas, je sais qu’il l’a essentiellement fait pour moi.
Contre toute attente, ma voix est calme et posée.
— J’ai été forte pour tous les deux, surtout les jours où il ne voulait plus y croire. Je me suis trouvée une force de caractère que je ne me connaissais pas.
Je n’oublierai jamais le jour où Logan a fermé les yeux pour la dernière fois. Cet après-midi de février où son cœur s'est arrêté et que le mien s’est brisé… Fissuré à jamais.
— Naïvement, j’y ai cru jusqu’au bout, attendant des jours meilleurs qui ne sont jamais venus.
Je tourne la tête vers Alex, qui me fixe, mais ne dit rien. Alors je continue de parler, comme si, une fois commencé, je ne pouvais plus arrêté de me confesser.
— Après sa mort je me suis plongée dans le travail, rester occupée pour ne pas penser. Quoi de mieux que de la romance pour vivre dans un autre monde ? Un monde où tout fini toujours bien.
Le seul moment de répit, face à tous ces bruits dans ma tête. Toutes ces pensées, qui n'arrêtaient jamais. Tous ces "et si…" , dont je n'aurais jamais la réponse. "Et si Logan avait guéri ?". "Et si cette greffe avait marché ?". "Et si il n'avait jamais été malade ?". Puis le dernier qui me hante encore "et si nous avions su la fin, aurions nous tout quitté pour profiter à fond de ses derniers mois ?". Le regard perdu dans le vide, je continue.
— Je sais que le drame fait partie de la vie, que je suis la seule personne qui puisse décider de me relever et faire le premier pas. Mais reprendre une vie normale n’est pas tous les jours facile. Je vois bien que j’ai fait des progrès. Seulement parfois, je me dis que si je passe à autre chose je finirais par l’oublier.
Je lâche cette dernière phrase non sans mal. Ma plus grande peur est de passer à autre chose et finir par oublier Logan. C’est irrationnel je ne l’oublierai jamais.
— Aller de l’avant ne veut pas dire que tu vas l’oublier. Continues de vivre, sourire, danser et chanter. C’est exactement ce qu’il aurait voulu.
— Tu ne l’as même connu, je rétorque.
— Peu importe, dit-il un peu mal à l’aise. C’est ce que tout le monde voudrait. Que les personnes que nous laissons derrière nous continuent de vivre.
Peut-être, voilà ce que j’aimerais lui répondre, mais je n’en fait rien. Je hausse simplement les épaules, sachant au fond de moi qu’il a raison.
— Comment est-ce que vous vous vous êtes rencontrés ? finit-il par demander.
— Ella. C’était un ami à elle. Un des seuls avec qui elle n’a pas couché !
Il rit à cette vérité.
— Elle m’a tanné pendant des mois pour que je rencontre ce garçon « parfait » pour moi. Je n’étais pas hyper chaude à l’idée de rencontrer quelqu’un. Mais tu connais Ella, elle est obstinée.
La vérité c’est que je ne voulais rencontrer personne parce qu’Alex était toujours dans ma tête. Logan a réussi, avec beaucoup de patience, à guérir cette obsession que j’avais encore envers lui. Evidemment je n’en dis rien.
— En le perdant, j’ai aussi perdu le seul homme qui ne m’avait jamais fait de mal, je déclare tout de même.
Je vois à son regard surpris qu’il comprend que je parle des hommes qui ont traversés ma vie. Mais aussi qu’il en fait partie. Alex m'a brisé le cœur et je ne suis même pas sûre qu'il s'en soit vraiment rendu compte.
23 commentaires
MARY POMME
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Il y a 9 mois
Miladie Delvreau
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Il y a 10 mois
MONTENOT Florence
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Il y a 10 mois
louanelugrezi
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Mélanie Nadivanowar
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Ines.m
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Livre_e
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Diane Of Seas
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Emeline Guezel
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Il y a 10 mois