Fyctia
Chapitre 17.2
— D’après mon analyse, votre subconscient souhaite vous faire passer un message. Ce Matt est certainement la représentation onirique de votre père. Il a toutes les qualités que vous aimiez tant chez lui. Peut-être même que c’est vous qui avez un message à lui adresser afin d’avancer.
Cette déduction que je n’avais pas anticipée me laisse bouche-bée. Guidée par ma curiosité, je le laisse cette fois poursuivre sans broncher.
— La prochaine fois que vous le verrez, vous devrez lui dire tout ce que vous n’avez pas eu le temps de dire à votre père. Ce sera une première étape importante dans le processus de deuil.
Je ne suis pas certaine d’apprécier cette thérapie. J’avoue que je n’ai jamais autant progressé qu’au cours de ces deux séances, mais je trouve la démarche assez intrusive. Je suis forcée de le reconnaître, le Dr. Hall n’est peut-être pas si mauvais. Il est même peut-être bon. Très bon.
— Mlle Porter ? Vous souhaitez que nous fassions une pause ? me demande-t-il en me tendant un verre d’eau, servi à mon attention.
Je le remercie et avale quelques longues gorgées avant de poser le verre sur le petit guéridon situé à ma gauche.
— Très bien, continuons. Il y a un autre point qui m’interpelle. Vous m’avez dit avoir récemment rêvé de votre petit ami. Pouvez-vous m’en parler ?
Ressasser l’épisode de la tache de vin et revivre la deuxième mort de mon père n’était pas au programme de cette séance. Je soupire.
— Connor et moi venions de nous marier. Mes parents étaient là, ajouté-je.
— Vous étiez heureux…
En effet, je n’en avais pas pris conscience jusqu’à maintenant.
— Oui, on l’était. Vraiment…
— Ce rêve semble représenter la promesse d’un nouvel avenir. C’est une très bonne chose. Cela signifie que votre subconscient se libère du poids des émotions négatives.
Il n’est pas dans le faux, mais pas tout à fait dans le vrai. Je m’abstiens pour le moment de lui parler de la suite du rêve.
Je le remercie pour son travail et sa persévérance.
— Je pense que nous avons bien avancé pour aujourd’hui. Je vous remercie pour votre collaboration, Mlle Porter.
Il me tend une feuille pliée.
— J’aimerais que vous preniez ça. Ça vous aidera à dormir.
Je saisis l’ordonnance et m’oblige à la tenir fermement entre mes doigts. Le Dr. Hall ignore que ce petit bout de papier est susceptible de représenter ma libération comme ma prison.
Dormir pour ne plus voir Matt.
Dormir pour oublier.
Oublier.
— On se voit la semaine prochaine, dit-il en me serrant la main.
Quand je sors enfin du cabinet du Dr. Hall, Connor m’attend devant l’immeuble, appuyé contre sa voiture. Il m’embrasse sur le front et referme la portière derrière moi.
— Tout s’est bien passé ? me demande-t-il délicatement.
Je soupire.
— C’était très constructif, oui.
— Tant mieux, alors. Je suis content que la thérapie t’aide à y voir plus clair.
Je le remercie pour toute l’attention qu’il me porte, puis je détourne le regard et je me mets à admirer le paysage qui défile sous mes yeux, mettant ainsi fin à notre conversation. Connor n’ajoute rien. Je suis sûre qu’il a compris que je ne me sens pas prête à en dire davantage pour le moment.
Au bout de quelques minutes, ses petites moues répétitives me font culpabiliser de l’avoir enfermé dans ce silence. Je sais que le club de lecture s’est réuni pendant que j’avais ma séance de psychothérapie. J’en profite pour rebondir sur le sujet et détourner ainsi son attention.
— Comment s’est passée la réunion ?
— Pas mal du tout, répond-il en souriant. Aujourd’hui on a décidé communément du prochain livre que l’on souhaite lire ensemble. « La Couleur pourpre », ça te dit quelque chose ?
J’acquiesce. Ce livre est magnifique, j’ai eu la chance de le lire quand j’étais petite. Du coup, je ne regrette pas trop pour l’instant la planification des rendez-vous chez le Dr. Hall qui ont lieu chaque mardi et vendredi, ce qui m’a contrainte à abandonner temporairement le club de lecture.
Connor m’a dit que cela n’a pas d’importance et que la priorité c’est ma santé. Je lui suis vraiment reconnaissante d’être aussi adorable et patient avec moi, d’autant plus qu’il s’investit énormément pour moi. Le mardi, il me conduit en voiture et m’attend en bas, le temps de la séance. Quant au vendredi, il vient me chercher une fois la session du club terminée.
— Tu veux que je t’amène chez les Sigma ?
J’aimerais en toute honnêteté rester avec lui, mais il pense probablement que je souhaite aussi être entourée de mes nouvelles amies.
— Volontiers, merci.
— C’est normal… répond-il affectueusement.
En sortant de la voiture, nous restons un long moment dans les bras l’un de l’autre, silencieux, profitant juste du bien être que cet instant nous procure.
Lorsqu’il est temps pour Connor de rejoindre sa fraternité, il m’accompagne sous le perron avant de me faire ses adieux. Je me réfugie une nouvelle fois au creux de ses bras si réconfortants et c’est là, dans une étreinte passionnée, que nous échangeons notre premier baiser.
1 commentaire
charlie404
-
Il y a 2 ans