Fyctia

Elle sent les deux grands crocs qui déchirent sa fine peau. Un gémissement se fait attendre, il les retire pour avoir un meilleur débit. Cela doit se faire rapidement, s’est-il dis, même si cela veut dire ne pas prendre de gants.

Damon, impassible, s’en va s’installer sur son fauteuil pour patienter. Il doit garder le menton haut, même si le regard suppliant de sa fille le crispe à s’en blanchir les poings. Pour tenir, il se répète que c’est ce qu’elle voulait. Ce n’est qu’une mauvaise passe, tout ira bien après.

- Tout va bien, déclare-t-il avant qu’elle ne s’évanouisse.

Vlad enchaîne ses mouvements avec rapidité. Il se mutile le poignet pour le plaquer contre sa bouche. Il lui incline la tête en arrière pour que, même inconsciente, le sang puisse continuer à s’infiltrer en elle. Aussi, il doit lui fournir un maximum de sang avant qu’elle ne succombe à son anémie.

Même dans sa violence, il est évident qu’avoir choisi le Comte reste une bonne décision. Il est expérimenté dans la reproduction de son espèce, le risque d’une mort reste mince avec lui. Il permettra sans doute à Alice d’être un pur-sang à son tour, étant de la première génération. Sa seule limite serait de ne pas avoir assez de connaissance pour maîtriser ses pouvoirs. L’espoir primaire de Damon serait qu’elle puisse user de téléportation, en suite... les autres facultés ne sont que des options. Le principal, à ses yeux,est de renforcer physiquement Alice, qu’elle puisse affronter toutes les épreuves de la vie sans défaillir. Il y perdure une crainte au fond de lui... La seule pensée que des personnes pourraient l’atteindre psychologiquement. Elle n’a presque rien vécu, et les conflits des êtres ici ne sont encore rien comparés à ce qu’elle risquerait de subir sur Terre. Il y a tant de choses qui pourraient briser la plus forte des personnes. Des risques qui, avec le temps, grandiront. Car plus elle parcourt les années, plus elle a de risque de se confronter à des traumatismes durables.

C’est une évidence : Damon devra continuer à la surveiller, sans jamais défaillir.

*

Trois jours n’ont pas suffi pour qu’elle se remette de cet événement. Alice a eu besoin d’une semaine avant de pouvoir se lever du lit. Son corps, sans apport de sang, commençait à se flétrir. Il pourrissait littéralement de l’intérieur. Ce qui n’arrangeait pas son état comateux. Sa peau était blanche, presque verte. Ses cheveux avaient perdu tous leurs éclats. Et son corps en manque de nutrition s’est mis à la grignoter de l’intérieur. Vlad n’était pas spécialement en tort, la plupart des cobayes transformés possèdent un corps en bonne santé, sans manque de vitamine et avec une alimentation plutôt riche. Ce n’est pas le cas d’Alice qui était pratiquement dépourvue de vitamine C. Ses repas n’étaient pas non plus spécialement variés et réguliers comme tous humains. Les nouveau-nés vampires reprennent vie grâce à leur sang stocké dans leurs tissus organiques, ce sang qui nourrit le corps pendant les trois jours de transformation. Mais il est clair que le sang pauvre d’Alice n’était pas suffisant, et alors qu’elle aurait dû se mettre à chasser dans les premières heures de son réveil, elle est restée clouée au lit.

Damon ne s’en est pas rendu compte aussitôt. Il a fallu quatre jours avant qu’il n’aille menacer Vlad Țepeș de le livrer au Conseil s’il ne trouvait pas une solution. Et deux jours pour le vampire avant de trouver une solution.

C’est en ce dernier jour que Damon s’ouvre les veines pour nourrir ce qu’il reste à sa fille. Les premières gouttes de sang entrent en contact avec les lèvres d’Alice, leur donnant immédiatement un léger éclat rosé.

Il faut savoir que le sang que Damon, comme toutes choses qu’il a créé, possède une partie de lui. Chaque molécule du sang est créée par ses soins, par son aura. Le sang peut être assimilé à une forme liquide de son âme.

C’est pourquoi, dès qu’il l’a offert à sa fille, son cœur a pu se remettre à battre. À la première et vraie gorgée, Alice s’agrippe avidement au bras de son père. C’est un réflexe de survie, ses yeux sont encore clos. Le sang peut enfin circuler dans son corps, il est absorbé dans ses tissus et se répand dans ses vaisseaux, dans ses organes... Sa peau s’est colorée, devenant plus belle qu’elle n’a jamais été. Une deuxième gorgée... Ses cheveux reprennent du corps, de la brillance et possèdent même une ondulation parfaite. Tout comme ses ongles, n’ayant jamais été aussi beaux. Le corps maigrichon d’Alice, au bout de trois gorgés, prend une somptueuse apparence.

La voilà repue. Pourtant, ses mains continuent à se crisper sur le bras de son père, elle refuse de le lâcher, jusqu’à pousser des grognements lorsqu’il essaie de se dégager. On pourrait la comparer à une bête sauvage qui refuse de lâcher son bout de gras. Ce qui contraint Damon à cesser toutes matérialisations. Mauvaise idée ! La situation empire. Alice s’est rendue bien trop accro au sang de Dieu de la Mort. Prise dans son optique de continuer à se nourrir, elle mord à plusieurs reprise le bras de son père, jusqu’à que celui-ci en soit lasse et solidifie sa peau.

- Ca suffit, sauvageonne.

Comme réponse, elle grogne et se terre dans un coin de son lit, blottie contre le mur. Damon pousse un lourd soupir et se relève en pressant ses mains sur ses cuisses. Il ne reste qu’une solution pour adoucir sa fille. Il aurait préféré en faire autrement, mais... Il n’a pas le choix... Il va devoir le faire.

Il se rend dans la cuisine. Ouvre un tiroir pour saisir un couteau. Pour gagner du temps, il met sur le feu une casserole et y verse un liquide à l’intérieur. Pendant que cela chauffe, il hache péniblement l’ingrédient principal. Une fois en copeau, il l’ajoute à la mixture et touille lentement à feu doux. Mais tout ça ne suffira pas, il a besoin d’un autre ingrédient. Forte heureusement, il en a préparé à l’avance pour les cas difficiles comme celui-ci. Il sort du frigo un cylindre en aluminium. L’un plus l’autre, assemblés dans une grosse tasse, créer l’arme parfaite : Le chocolat chaud viennois.

L’odeur a envahi l’appartement. Il n’est pas étonnant de voir le bout de nez d’une petite chipie qui dépasse de l’entrebâillement de la porte. L’ayant remarqué, Damon vient déposer la tasse sur la table basse en face du canapé, puis il s’installe dans celui-ci. Sa fille n’ose pas aller plus loin que sa chambre. Mais tout de même... Il y a même de la chantilly !

- Dépêche-toi, ça va fondre.

Ni une, ni deux, Alice se précipite vers le chocolat, manquant de le renverser. Elle connaît encore si peu d’elle-même. Bouger est étrange. C’est.... léger. Elle a l’impression d’avoir perdu 70 % de son poids. Même assise sur le canapé, elle a la sensation de planer.

Ayant trop peur de perdre du divin nectar, elle ralentit encore plus ses mouvements pour venir délicatement saisir sa tasse. C’est tout en douceur qu’elle la porte à ses lèvres.

- Hmm...

Des étoiles dans les yeux, un sourire aux lèvres... Alice la malice est de retour.