Fyctia
2. Retour au bercail (suite)
Quand ils sont petits, les garçons veulent devenir pompier ou gendarme, moi je voulais être un Raymond Poulidor, un Bernard Thévenet, un Laurent Fignon, un Laurent Jalabert ou bien un Richard Virenque ! C’est mon père, cycliste amateur, qui m’a communiqué sa passion. Il me faisait regarder les compétions professionnelles de sa jeunesse qu’il avait enregistrées. Par dépit de ne pas avoir pu vivre de son sport, il a ouvert un magasin de vente, de réparation et d'entretien de vélos.
Comme je ne tenais pas à reprendre le commerce familial, il me fallait me démarquer pour qu’un Team professionnel me repère.
C’est ainsi qu’en 2021, je me suis retrouvé sur le haut du panier des éléments de l'équipe de France juniors et j’ai remporté le championnat de France de vélo sur route. Mes nombreuses victoires en club amateur ont attiré l’attention du Team Cofidis. Fin 2022, j’ai signé un contrat chez eux. J’ai enfilé le maillot rouge et blanc de la Cofidis et je me suis accroché tout au long de cette année. Mes performances (huitième du classement jeune au Tour du Gard, quatrième du classement jeune au Tour de Catalogne et 3ème du classement jeune au Tour de l'Ain) ont payé ! Mon directeur sportif vient de m’annoncer ma sélection au Tour de France 2024. Je ferai partie des plus jeunes. Ainsi, j’espère remporter au moins une étape et, pourquoi pas, le maillot blanc(1).
— Félix tu dors debout ou quoi ? Tu me reconnais ?
L’interjection de mon ami me sort de mes pensées, je secoue la tête de haut en bas et prends sa main tendue en rétorquant :
— Bien sûr que je te reconnais. On s’est vus il n’y a pas si longtemps.
— Au Nouvel An dernier, ça va faire un an.
— C’est vrai. Le temps passe vite. Qu’est-ce que tu deviens ?
— J’ai enfin trouvé un boulot dans une boîte d’électricité. J’allais sur un dépannage quand je t’ai vu sortir de la gare. Je te dépose chez toi, si tu veux. C’est sur ma route.
Édouard arrive à point nommé ! Quelle aubaine !
— Félicitations pour ton job ! C’est une bonne nouvelle ! dis-je en lui administrant une tape sur l’épaule. En fait, j’allais prendre un taxi. Il pleut et je suis sur les rotules.
— Ça se voit, tu as de sacrées cernes sous les yeux, constate-t-il en saisissant la poignée de ma valise à roulettes. Pas facile la vie d’artiste. Allez, viens vite, ma camionnette est mal garée.
Je lui emboîte le pas. Il ouvre la porte arrière, dépose mon bagage dans la caisse de l’utilitaire et je lui passe mon sac de voyage, avant de m’installer sur le siège passager.
Au premier feu rouge, Édouard tourne la tête vers moi et lance joyeusement :
— J’ai vu sur le site de la Cofidis que tu faisais partie des sélectionnés pour le Tour de France. Je voulais t’envoyer un texto pour te féliciter, mais…
— Tu aurais dû le faire. Tu aurais pu m’appeler aussi.
— Maintenant que tu joues dans la cour des grands… J’ai eu peur que…
— Que quoi ? Que j’aie chopé le melon ?
— Un peu, oui.
— N’importe quoi ! Ce n’est pas la Cofidis qui va mettre des bâtons dans les roues de notre amitié quand même !
— OK. J’ai toujours su que tu deviendrais le roi de la pédale, ricane-t-il en enclenchant la première.
— Attends un peu. Je participe au Tour de France, mais je n’ai pas encore le maillot jaune sur le dos.
— Je te vois bien avec le blanc… Au fait, tu as l’intention de louer le chalet de l’année dernière pour le réveillon ?
— C’est déjà fait. J’ai mis une option en début d’année et j’ai versé des arrhes. Je passerai un coup de fil aux propriétaires pour confirmer. Tu viendras ?
— Plutôt deux fois qu’une !
— Avec Lara ? Vous êtes toujours ensemble ?
— Oui. Elle m’accompagnera si ça ne te fait rien.
— Au contraire.
Alors que nous arrivons dans la rue où j’habite, je remarque qu’il y a un camion de déménagement garé à cheval sur le trottoir, juste devant mon entrée. Trois personnes, deux hommes et une femme, s’affairent à décharger des meubles et des cartons. Édouard arrête sa voiture derrière le fourgon et tourne la tête vers moi.
— Monsieur Félix Chevalier est arrivé à destination.
— Je te dirais bien de monter boire un coup, mais…
— Je bosse, ce sera pour une autre fois. Tu vas avoir des nouveaux voisins, on dirait, ajoute-t-il en pointant les gens du menton.
— Ça m’en a tout l’air.
— Ce serait cool que ce soit une célibataire… Jeune et belle, tant qu’à faire ! pouffe-t-il.
— Arrête, je n’ai pas de temps à consacrer aux nanas en ce moment.
— C’est ce que tu dis, mais un jour, tu te feras choper par l’amour.
Je sors de la camionnette, vais ouvrir la porte arrière pour récupérer mes bagages et me marre :
— Si ça se trouve, c’est une mamie ! Allez, travaille bien, Édouard et merci !
Je le regarde s’éloigner, puis me dirige vers la porte d’entrée de ma résidence. Dans l’escalier, je me retrouve nez à nez avec les trois personnes que nous avons vu monter les bras chargés, Édouard et moi. Je me plaque contre la rambarde pour les laisser passer et les salue.
Arrivé au premier étage, je m’arrête devant ma porte d’entrée et, alors que je fouille dans mes poches pour trouver ma clef, je me sens observé. Je tourne discrètement le buste. J’ai juste le temps d’apercevoir une jeune femme brune dans l’embrasure de la porte de l’appartement d’en face. Sans rien dire, elle la repousse et disparaît derrière.
Elle avait un truc qui bouge dans les bras…Un truc à poils noir et blanc avec des oreilles en pointe… un chat !
J’ai horreur des chats !
Il ne manquerait plus que cette fille et sa bestiole soient mes nouveaux voisins !
(1) Le maillot blanc est porté par le coureur de moins de 25 ans le mieux classé au classement général.
37 commentaires
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Mary Lev
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Vinnie Catz
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Véronique Rivat
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