Vana Aim Deux cœurs fracassés pour Noël J-15 avant Noël

J-15 avant Noël

J-15…


Hugo


Il est minuit passé, et je fais les cent pas dans mon salon, tel un lion en cage. Ces putains de décorations envahissent mon espace, ma tête, et pire encore… mon cœur. J’ai envie de tout démolir, ici, comme là-bas ! De quel droit ose-t-elle m’imposer ça ? Comme si ce n’était pas suffisant de subir ces conneries au travail, où dans chaque village, chaque boutique que je traverse…


Impossible d’oublier ce foutu compte à rebours.


Je la déteste, et en plus, elle ose vouloir connaître les raisons de ma colère ? Je n’ai pas à lui expliquer quoi que ce soit. Elle ne pourrait pas comprendre de toute façon. Elle et sa stupide joie de Noël… Qu’elle aille au diable avec ses guirlandes et ses faux sourires !


Mes doigts glissent dans mes cheveux, pour m’empêcher de frapper dans un mur. Je suffoque, il faut que je sorte d’ici. Mais pour aller où, en plein mois de décembre, quand tout le monde ne pense qu’à faire la fête ?


À chaque instant, je me prends le bonheur des autres en pleine gueule, alors que tout ce qui faisait ma vie s’est écroulé. Ma tête me lance à force de ruminer. Mon cœur cogne dans ma poitrine, douloureux, comme s’il voulait exploser, et mes poumons peinent à contenir cette colère qui me ronge de l’intérieur.


Je sais que je ne vais pas tenir, alors il ne me reste qu’une option, appeler Olivier. Car si je reste seul, je risque de déraper, et ça, il en est hors de question. Je dois être plus fort que cette rage, que cette douleur qui me ronge. Et Olivier saura me remettre d’aplomb, me faire redescendre… Du moins, je l’espère.


Il décroche après deux sonneries, et me promet d’arriver rapidement. Je souffle un peu, juste assez pour tenir. En attendant, je me laisse tomber au sol, dans un coin sombre du salon, dos contre le mur. Ce coin, c’est ma protection dérisoire, mon refuge, même si rien ne pourra apaiser cette douleur qui lacère la poitrine. Cette solitude, cette colère, cette culpabilité… Est-ce qu’elles me lâcheront un jour, ou suis-je condamné à vivre dans cet enfer ?


Je veux avancer, mais je n’y arrive pas. Je voudrais que tout s’efface, que ce poids disparaisse.


Mais cette foutue voisine… Son regard me revient en boucle. Ses yeux, pleins d’incompréhension et de reproches. Et ces larmes. Merde, pourquoi ai-je explosé comme ça ? Elle n’a rien fait. Elle n’y est pour rien. C’est moi qui ai dérapé. Elle a eu de la chance que je la voie si fragile… Si je ne m’étais pas retenu, j’aurais tout détruit. Même si je ne l’ai pas touchée, je savais que je dépassais les limites. Je devais me contrôler. Pour elle, pour moi. Pour éviter le pire.


Je sais que je suis brisé, et je ne sais pas comment recoller les morceaux.


Enfin, j’entends le claquement de la portière, puis la porte qui s’ouvre. Il s’approche et s’assied en face de moi, à ma hauteur, comme si j’étais un môme. C’est ce que je suis devenu, non ? Un homme à terre. Où est passé celui que j’étais ? Ce roc inébranlable, ce type solide sur qui tout le monde pouvait compter. Où est ma force d’avant ? Où est cette putain de sécurité que je croyais éternelle ?


― Qu’est-ce qui s’est passé, mon pote ?

― Rien ne t’a sauté aux yeux en arrivant ? lancé-je, les mâchoires serrées.

― Les décorations de ta voisine ?

― Ouais ! Grogné-je.

― Ça t’a fait vriller ?

― Ouais, putain !

― Hugo, tu sais qu’elle n’y est pour rien, pas vrai ? Tout comme le village ou les magasins où elle a acheté ces trucs.

― C’est au-dessus de mes forces, Oliv' !

― Non, tu crois que ça l’est, mais ce ne sont que des foutues décorations de Noël. Rien de plus. Toi, tu es capable de surmonter bien pire.


Je serre les dents, incapable de répondre. Sa voix est calme, posée, mais ses mots percutent là où ça fait mal.


― Mais tu sais ce que ça représente pour moi, bordel ? Tu sais ce que ça me rappelle ?

― Je sais, souffle-t-il. Mais ce n’est pas une guirlande qui a tué Jenny…


Son ton est léger, avec une pointe d’humour qu’il ose glisser, comme pour détendre l’atmosphère.


― Tu fais chier, grogné-je en détournant les yeux.

― Je sais, acquiesce-t-il. Mais il faut que tu regardes les choses en face, Hugo. Jenny est morte dans un accident. Un accident, mec. Personne n’aurait pu le prévoir, pas même toi.


Son regard se fait plus intense.


― Et je pèse mes mots, Hugo. Il faut que tu acceptes ça, bordel ! Personne n’est responsable. Pas toi, pas les décorations, pas cette foutue saison. Et tu as le droit de vivre, toi aussi. Tu le sais, pas vrai ? Tu le dois même, pour elle.


Je baisse la tête, incapable de soutenir son regard.


― Jenny n’aurait jamais voulu que tu deviennes ce type. Ce putain d’ours qui grogne sur tout et tout le monde. Tu crois qu’elle aurait supporté de te voir comme ça ? De te voir te détruire à ce point ?


Les mots frappent juste, et je sens ma gorge se serrer.


― Hugo, personne n’y est pour rien. Ni la saison, ni le mois, ni les décorations. Et encore moins ta pauvre voisine que tu as probablement terrorisée.


Un rictus amer étire mes lèvres.


― Tu parles, elle est aussi coriace que moi, cette nana, soufflé-je en pensant à la façon dont elle m’a tenu tête tout à l’heure.

― J’espère qu’elle t’a remis à ta place, ricane-t-il en posant une main sur mon épaule.

Un début de sourire me traverse.


― Elle fait à peine ma moitié, Oliv'. Je ne sentirais même pas ses coups.

― Peut-être pas des coups, mais elle a frappé là où ça fait mal, hein ? Elle t’a tenu tête, c’est ça ?

― Oh oui, confirmé-je en esquissant un demi-sourire.

― Alors elle est géniale, cette nana !

― Une chieuse, ouais…


Olivier éclate de rire, et malgré moi, je me surprends à relâcher la tension dans mes épaules. Pour la première fois de la soirée, le poids sur ma poitrine semble un peu moins lourd.


Grâce à Olivier et à ses subterfuges, je sens ma colère s’apaiser peu à peu. Ses phrases tournent en boucle dans ma tête, me ramenant doucement à la réalité.


― Tu me sers une bière ?

― À cette heure-ci ?

― Ben ouais, et tu vas me prêter ton canapé cette nuit.

― T’es sérieux ?

― Complètement ! Et cette fois, je vais vraiment pouvoir la boire.

― Comment ça ?

― La semaine dernière…

― Tu l’as bue. Je te rappelle que j’ai dû monter sur le toit à cause de tes conneries.

― C’était juste un leurre, mon pote… pour te faire sortir de chez toi.

― T’es vraiment qu’un connard, grogné-je, exaspéré.


Mais malgré moi, un sourire étire mes lèvres. Nous finissons la soirée à discuter, et bien sûr, Olivier ne peut s’empêcher de me parler de cette brunette qui habite en bas de la rue. Elle semble occuper toutes ses pensées. Chaque mot qu’il prononce à son sujet est empreint d’une excitation presque enfantine.



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10 commentaires

KoalAline

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Il y a 7 jours

Je viens de lire plusieurs chapitres. J'attends la suite avec impatience. J'avoue que cette histoire me fait terriblement penser à une amie veuve, super maman de 4 enfants. Je ne voyais pas le deuil de son conjoint comme ça. Je me dis que ce doit être un sujet que la personne ui écrit doit forcément connaître pour donner autant de détails. Je te souhaite que cette histoire t'apaise, guérisse tes blessures et surtout que tu passes de bons moments avec l'écriture

Vana Aim

-

Il y a 7 jours

J'ai commencé à écrire cette histoire fin novembre, et à la mi-décembre, mon mari a perdu sa maman. Les émotions étaient… je ne sais pas… Étant hypersensible, je me suis plongée encore plus dans l'écriture et j'ai posé ces mots. J'ai eu mal de voir mon beau-père et mes beaux-frères pleurer, en plus de ma propre peine. Alors, j'ai repris mon texte, et il est devenu ce qu'il est...

SEV13210

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Il y a 8 jours

Décidément, cela se mérite de pouvoir lire la suite 😅…je suis impatiente 🥰

Audrey Soavi

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Il y a 8 jours

Il est mordu 😍 vivement la suite 🙏

Vana Aim

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Il y a 8 jours

🥰

Pellecuer

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Il y a 8 jours

L'autrice sait parfaitement nous faire vivre toute la douleur le désarroi des deux personnages

NICOLAS

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Il y a 8 jours

J'attends sagement la suite, mais une impatience non dissimulée... 😀🫶💕😍

Vana Aim

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Il y a 8 jours

😂❤️

franedu30

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Il y a 8 jours

Toujours aussi impatiente de lire J'adore

Vana Aim

-

Il y a 8 jours

❤️❤️ Merci
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