Fyctia

Avec un bruit sourd, il dépose mon lave-vaisselle à mes pieds, suivi de mon aspirateur. Puis, sans un mot de plus, il remonte dans son camion et s’éloigne, me laissant seule face à ces cartons volumineux.

Stupéfaite et dépitée, je contemple un instant les colis. Mais alors que je commence une lutte acharnée pour traîner le lave-vaisselle vers la maison, une voix familière m’interpelle.

― Besoin d’aide ?

― Décidément, ça devient une habitude, dis-je en riant. Bonjour, Hugo ! Oui, j’avoue que je ne serais pas contre un coup de main…

Il sourit, dépose un colis qu’il transportait, et s’approche avec cette assurance naturelle qui semble le caractériser. Je pensais qu’il allait simplement m’aider à soulever un côté du lave-vaisselle, mais à ma grande surprise, il l’attrape fermement en diagonale et le fait pivoter avec une facilité déconcertante, comme s’il ne pesait rien. Bluffée, je le suis jusqu’à la cuisine en portant le carton plus léger contenant l’aspirateur.

― Où voulez-vous que je le mette ? me demande-t-il.

― Posez-le sur le côté, je vous remercie. Votre ami doit venir lundi pour m’aider à l’installer.

― J’ai fini de bosser pour aujourd’hui, réplique-t-il. Je dois juste passer au relais déposer un colis, mais ensuite, je peux vous l’installer, si vous voulez.

― Vous êtes sûr que ça ne vous dérange pas ?

― Si j’écoute le Grinch en moi, si, plaisante-t-il en mimant une moue espiègle. Mais si j’écoute l'humain en moi, non. Alors avant que mon côté sombre ne prenne le dessus, décidez-vous !

― Dans ce cas, je ne refuse pas votre aide. Merci, Hugo. Encore.

Il acquiesce et s’éclipse. Une fois seule, je saisis ma tasse de café chaude et commence à déballer l’aspirateur. L’installation semble simple grâce aux instructions claires et à l’application intuitive. En quinze minutes à peine, je maîtrise le fonctionnement de mon nouveau jouet.

Et lorsqu’un coup frappé à ma porte me tire de ma tâche, je vais ouvrir.

― Entrez, je vous en prie.

― Merci, me répond Hugo en pénétrant dans la maison.

― Oh, vous avez une veste aujourd’hui ? le taquiné-je.

― Ça vous surprend ? Ou c’est une tentative de moquerie ?

― Honnêtement, oui, ça m’étonne. Je commençais à croire que vous aviez un super pouvoir contre le froid, à vous promener toujours en t-shirt !

― Pas faux. Je ne crains pas le froid, mais j’aime bien la chaleur aussi. Allez, on s’y met ?

― C’est parti !

Je sors deux petits cutters d’un tiroir et lui en tends un. Hugo l’observe avec un air dubitatif, tenant l’objet minuscule entre ses grandes mains.

― C’est une blague ? grogne-t-il presque.

― Absolument pas.

― Des mini-cutters en forme de nuage ? Sérieusement ?

― Un problème ?

― Aucun… dit-il en haussant un sourcil.

Il pousse la courte lame avec précaution et attaque le plastique du lave-vaisselle, avec une mine à la fois perplexe et amusée. Je me retiens de rire en silence et m’emploie à ouvrir mon côté. Une fois l’emballage retiré, il m’aide à jeter les déchets. Alors que je sors en direction de la remorque, un souffle d’air frais m’apaise. La nostalgie monte brièvement, mais je la repousse en respirant profondément l’air des montagnes.

Je ferme les yeux une seconde, en pensant à ceux qui me manquent, puis retourne auprès d’Hugo, prête à reprendre l’installation.

― Je peux vous aider ? dis-je, alors qu’il est maintenant accroupi sous mon plan de travail.

― Non, je gère !

Profitant de ce moment de répit, je nous prépare deux cafés que je pose ensuite sur la table.

Tandis qu’il raccorde les tuyaux aux évacuations, je me permets de l’observer vraiment pour la première fois. Comment un homme si beau peut-il avoir un caractère aussi difficile et être aussi seul ? Il doit faire environ un mètre quatre-vingt-dix, avec des épaules et un dos sculptés comme ceux d’un dieu grec. Ses cheveux châtains, coiffés-décoiffés vers l’arrière, ajoutent une touche à son charme. Il respire la sensualité… Dommage pour le caractère, pensais-je en soupirant.

― Que faites-vous dans la vie, Hugo ? Mis à part travailler le soir au marché de Noël ?

― Je fabrique des figurines en Polymère, principalement pour des collectionneurs, répond-il en se relevant.

― Vous plaisantez ?

Il me fixe, visiblement surpris, sans comprendre ma réaction.

― Vous pensez que je ne peux pas être compétent dans ce domaine ? grogne-t-il, visiblement sur la défensive. Ses yeux verts, habituellement clairs, s’assombrissent légèrement sous l’effet de la colère.

― Non, pardon Hugo, je me suis mal exprimée ! C’est juste que… je suis moi aussi créatrice… de bijoux en polymère !

― Sérieusement ?

― Regardez…

Je me lève, fouille un instant dans mes affaires, et reviens avec mon présentoir personnel que je lui tends.

― Voilà quelques-unes de mes créations. Je vends principalement en ligne sur mon site, mais je participe aussi à quelques marchés quand il fait beau ou à Noël.

― Qui aurait cru que nous avions un point commun, vous et moi…

― Nous en avons même plusieurs, dis-je doucement.

― Ah oui ?

― Nous habitons la même rue, maintenant ! plaisanté-je pour détendre l’atmosphère.

― Effectivement.

Je récupère mon présentoir que je repose sur la table, tandis qu’il insère mon nouveau lave-vaisselle dans l’emplacement prévu. Je m’installe devant mon café et patiente, le regardant s’activer.