Fyctia

Je monte pas à pas les escaliers toujours aussi lumineux par les diamants plaqués contre les murs, et dont on ne voit que le haut. C’est à se demander s’ils en récoltent les pierres précieuses sous les terres d’Aara pour en avoir une infinité ou si c’est un autre cadeau de la divinité cristalline. Dans tous les cas, ce n’est pas étonnant qu’ils aient réussi à construire une Cité aussi riche et abondante pour toute une population. Leurs ressources sont immenses.

À peine sortie de chez le bijoutier que l’on a déjà quémandé ma présence auprès des Chefs d’Aara. On ne m’avait jamais autant demandée depuis mon arrivée, comme si le titre de gardien cristallin nous mettait soudainement en valeur. Et pourtant, les cieux savent à quel point j’avais besoin de présence et de réponse.

La porte de la salle du Diamant Souverain est déjà occupée par deux individus, tous les deux très charismatiques. Un homme élégant d’une courte chevelure ébène et ébouriffée tandis que la femme…

Non, en fait, elle n’a même pas de cheveux.

Elle brûle juste du crâne.

Ils semblaient être dans une conversation sérieuse au vu de l’expression du visage du personnage masculin. Mon regard ne s’attarde plus sur son visage, mais sur les bandeaux à chaîne argentée qui sont posés sur leur tête, au niveau des sourcils. Au milieu de ceux-ci, est placé un diamant de couleur rouge pour l’une, et violet pour l’autre. Valrea avait la même en jaune la journée précédente. J’en conclue donc qu’il s’agit du symbole de leur place en tant que chef cristallin, comme la couronne d’un roi ou la cape d’un héros.

Des sacrés frimeurs.

— Oh, c’est bon, baby Dayday’, détends-toi un peu. Tu travailles tellement que tu en as oublié de te coiffer.

Je les regarde, tour à tour, avant de m’attarder sur l’homme qui est le destinataire de cette remarque. Il n’a pas l’air d’en rire et chasse même les mains taquines sur ses cheveux de son interlocutrice qui rit de plus belle.

Il est mignon, comme ça, pourtant.

Que dis-je ?

Réveille-toi, bon sang.

On n’t’a même pas demandé ton avis.

Je secoue frénétiquement la tête à la suite de ces – encore – réflexions. L’envie de me cogner la tête est présente, mais ce serait maladroit de ma part de le faire devant des patrons alors même que mes missions n’ont même pas débutées. En voyant que leur discussion a commencé à dériver, je comprends que c’est le moment de les rencontrer et me dirige vers leur direction.

Au son de mes pas, la jeune femme est la première à se tourner vers moi, d’abord déconcertée avant de m’adresser un grand sourire. Je crois bien que c’est elle qui m’a convoquée et qui m’attendait. Elle s’approche, alors que le gardien psychique soupire, comme s’il venait d’être sauvé.

— Tu dois être Ellyn ? Moi, c’est Nimaria. Je suis la gardienne en chef du Diamant Enflammé. Je suis désolée de ne pas avoir été présente pour t’accueillir lors de ton arrivée. Mon équipe et moi étions en mission depuis quelques semaines et on vient tout juste de m’informer de ton histoire !

Sa branche était facile à deviner au vu de ces flammes qui la servent de chevelure, et de la chaleur qui en ressort aussi. Son visage n’est pas très statique, il est même animé comme les sourires de Thalion. Moi qui pensais que lui seulement savait faire exprimer son corps chez les chefs, je suis soulagée de voir que ce n’est pas le cas.

— Tu pardonneras Valréa, poursuit-elle. C’est elle qui devait te convoquer, mais son rôle de déléguée de classe à plein temps est fatigant et Madame a besoin de repos. Tiens au fait, comment te sens-tu ? Pas trop compliqué à supporter ?

Si.

— Je m’en sors bien.

Absolument pas, mais on fait comme si.

Un autre soupir se fait entendre des lèvres de l’homme, voulant attirer l’attention. Le regard posé sur l’un des quatre murs de la pièce, il attendait patiemment qu’elle passe à l’essentiel.

— Tant mieux alors, continua-t-elle. Bref, nous ne sommes pas là pour papoter. Je t’ai fait venir pour te prévenir de ta toute première mission qui se fera dans deux jours. Ne t’en fais pas, tu commenceras doucement pour t’introduire dans la vie de gardienne cristalline. En plus, tu as la chance de le faire au côté du grand et de l’unique Dayron !

Elle sautille deux fois sur place en montrant de ses mains l’homme qui nous accompagne. Au contraire d’elle, lui ne semble pas très emballé, voire ne réagit pas du tout. Il se contente de me toiser du regard, ou juste me fixer, comme s’il m’analysait de ses iris sombres.

J’y pense, mais c’est un gardien psychique. Encore pire, le représentant en chef. On parle d’individus qui ont la possibilité de rentrer dans la tête de quelqu’un sans que l’on ne s’en rende compte. Est-ce qu’il fait partie de ces télépathes ou un truc de ce genre ? Est-ce qu’il est en train de ressentir et d’écouter mes pensées ?

Est-ce qu’il m’a entendu penser qu’il est mignon ?

Misère de misère.

— Il s’agit d’une mission de récolte d’informations, dit-il, comme pour rompre le silence qui s’était installé. Nous n’aurons pas à nous battre ou à faire des interactions importantes, ou du moins évitons, il faudra faire profil bas. Je ne veux pas te voir faire les héroïnes ou un truc bête qui pourrait tout gâcher.

Dayron continue de me fixer, mais avec plus de sévérité cette fois-ci. J’avale ma salive qui s’était égarée pendant son discours, avant de hocher la tête en signe de compréhension. J’ignore si c’est le cas de tous, mais il semble quelqu’un de sérieux qui prend son rôle très à cœur, au point de n’avoir aucun répit pour quiconque se mettra en travers de son chemin. En tout cas, pour mon mental et ma survie, il vaut mieux pour moi que j’obéisse.

Il arque un sourcil alors que je me bats contre moi-même pour arrêter de penser. Un silence dérangeant s’installe entre nous, avant qu’il soit brisé par la cheffe enflammée qui se met à taper des mains, comme pour attirer l’attention sur elle.

— Bien, bien, bien ! Maintenant que vous vous êtes rencontrés et que vous savez ce que vous devez faire, on peut retourner à nos préoccupations.

Nimaria a toujours gardé son sourire. Elle doit être habituée à ce genre de réaction de la part de son collègue. Ce n’est pas la seule d’ailleurs, car Thalion m’avait déjà parlé de son côté froid et austère. J’avais déjà remarqué cet aspect de sa personnalité auparavant, mais maintenant que nous nous sommes adressé la parole, eh bien… Je comprends mieux pourquoi on a tendance à éviter son affrontement.

On se regarde tous un instant. Il est le premier à bouger, nous adressant une brève formulation de politesse avant de se mettre à descendre les escaliers que je venais tout juste de monter. Lorsqu’il n’est plus sur mon champ de vision, je relâche doucement ma respiration.

C’est bon, tu peux te remettre à penser.

Je soupire doucement, ce qui attire l’attention de la femme du feu qui me sourit d’empathie cette fois-ci, en levant les mains près de son visage et les paumes vers le ciel, comme pour dire « Ne lui en veut pas, il est comme ça. »