F.V. Estyer Désirs défendus Chapitre 56

Chapitre 56

Le reste du trajet se déroule en silence. Noah s’est assoupi, la tête sur mon épaule, et respire doucement. De mon côté, j’observe le paysage défiler, perdu dans mes pensées. Je me pose mille et une questions, comme toujours, tente de démêler mes sentiments. Mon amour toujours présent pour Elias, mon désir et mon attachement profond pour Noah. Je me demande vraiment dans quoi je me suis empêtré. Je ne suis pas certain d’être assez fort pour Noah. Sa vie semble déjà si merdique, je refuse d’être celui qui ne ferait que l’empirer. Pourtant, je ne parviens pas à me résoudre à m’éloigner. J’aime sa présence à mes côtés. J’aime sentir son corps collé au mien. J’aime le voir sourire. L’entendre rire. J’aime savoir qu’il apprend à me faire confiance. Même si ça me fait légèrement flipper. Après tout, j’ai cravaché durement pour la gagner.

Je suis sorti de mon marasme mental par la voix rocailleuse du chauffeur qui nous annonce que nous sommes arrivés. Je secoue gentiment Noah, qui ouvre des yeux un peu perdus avant de se souvenir où il se trouve.

Je tends quelques billets au type, et lui souhaite de bonnes fêtes avant de fermer la portière derrière nous et de rallier l’entrée du bed & breakfast.

Il ne nous faut que peu de temps pour rejoindre notre lit et nous emmitoufler sous la couette. J’attends patiemment que Noah vienne se serrer contre moi, comme il le fait chaque fois, mais il reste résolument de son côté. Je tente de ravaler le sentiment de déception qui enfle en moi et lui souhaite une bonne nuit. Je suis sur le point de sombrer dans le sommeil lorsque sa voix brise le silence de la chambre.

— James ?

Je réponds par un grognement indistinct, mais qui semble l’enjoindre à continuer.

— Tu veux bien me raconter ce qu’il s’est passé avec le rugbyman ?

J’arrête de respirer le temps d’un battement de cœur. Mes yeux s’ouvrent et je me tourne vers lui. C’est à peine si je parviens à distinguer les formes de sa silhouette dans la pénombre, mais je sais que son regard est braqué sur moi. Je le sens. Mon premier réflexe serait de répondre « non ». Un énorme putain de non et de me carapater sous la couverture pour me laisser ensevelir et glisser vers un sommeil bienvenu. Mais après ce soir, je crois que c’est une discussion à laquelle je ne peux pas couper, et réellement primordiale pour qu’il comprenne dans quel état d’esprit je me trouve.

— On s’est séparés.

Il émet un ricanement guttural devant l’évidence.

— Ouais. OK. Pardon. J’aurais dû deviner que tu n’avais pas envie d’en discuter.

Sa voix est amère, un peu triste, un peu agacée.

Je pousse un immense soupir et décide de tout lui raconter.

Au fur et à mesure que je lui relate mon histoire avec Elias, tous les souvenirs de cette journée cauchemardesque me percutent de plein fouet.

Je me rappelle des cris, des excuses, des pleurs, des reproches, des baisers humides de larmes, des vêtements jetés à la hâte dans un sac, des regards meurtriers, brisés. De la haine, de l’amour.

Des regrets. De la déception. Des murmures hachés. « Je suis tellement désolé ». Des boules dans la gorge. « C’est trop tard. C’est trop tard ». Des promesses non tenues. Malgré les disputes précédentes, malgré les heurts. Malgré la confiance placée. Déjà égratignée. Mais toujours présente. Envers et contre tout. « Pardonne-moi ».

De la douloureuse certitude que tout venait de prendre fin. D’un coup. Comme ça. « Pas cette fois ». Que le claquement de porte violent qui m’avait fait sursauter avant de m’effondrer rendait réelle la perte immuable de l’homme que jamais plus que tout depuis deux courtes années.

Au fur et à mesure de mon récit, Noah s’est approché. En silence, sans m’interrompre, il a caressé ma joue, a serré ma main dans la sienne. Ma gorge est comprimée et sèche lorsque je termine de parler.

¬— Quel putain d’enfoiré ! gronde Noah.

Un rire triste s’échappe de mes lèvres en l’entendant prononcer ces mots.

— Ouais. Mais ce n’était pas entièrement de sa faute. OK, il a ses torts, mais c’est simplement que nous n’avions pas la même vision d’un couple. Pour lui, les relations libres, le sexe pur, n’était rien comparé à ce que nous possédions. À ce que nous partagions. Juste un moyen de s’éclater. Nous deux, c’était tellement plus que ça. C’était fort. Puissant. J’ai voulu le changer. Et tout s’est cassé la gueule. J’aurais dû mettre fin à notre relation dès que j’ai su que ça n’aurait pas pu fonctionner sur le long terme. Mais je me suis accroché. J’ai fermé les yeux. J’ai espéré. Mais on ne peut pas modeler les gens pour qu’ils correspondent à nos attentes. C’est injuste. Pour lui et pour moi. Alors finalement, c’est peut-être mieux comme ça.

Je pousse un immense soupir. J’ignore pourquoi je me perds dans mes élucubrations. Et pourquoi je m’entête à défendre Elias. C’est franchement n’importe quoi.

Noah ne dit rien, mais je sais qu’il a écouté chaque mot. Je l’entends se redresser pour s’asseoir en tailleur sur le matelas. Sa main est posée sur mon ventre, elle remonte doucement le long de mon sternum, entre mes pectoraux, pour glisser sur ma gorge.

— Tu l’aimes toujours ? demande-t-il d’une petite voix, comme s’il connaissait déjà la réponse tout en la redoutant.

Je déglutis. Sa peau est chaude contre la mienne. Ses doigts caressant ma mâchoire me perturbent, m’empêchent de me concentrer comme je le voudrais.

— Sois franc. S’il te plaît. Ne me mens pas.

Je n’y comptais pas, de toute manière.

— Plus comme avant. Il est toujours là, oui. Toujours présent. Nous avons vécu de nombreuses choses tous les deux. Des belles et des moins belles. Mais je ne peux pas simplement l’effacer de ma mémoire, même si j’en crève d’envie.

— J’espère que tu parviendras à l’oublier, déclare-t-il en effleurant mes lèvres de la pulpe de son pouce.

J’attrape son poignet, embrasse sa paume et en enveloppe ma joue. Mon bras se tend pour agripper sa nuque et le tirer doucement vers moi. Nos fronts collés l’un contre l’autre, nos souffles se perdent entre nous.

— Crois-moi Noah, ça me semble bien plus facile depuis que tu es là.

Je peux discerner son sourire malgré la pénombre. Sa bouche se pose sur la mienne. Légère, aérienne. Mes mains glissent dans ses cheveux tandis qu’il se colle tout contre moi.

Et, tandis que nous nous embrassons, que nous nous étreignons, l’image d’Elias s’affaiblit. Diminue. De plus en plus, jusqu’à se volatiliser complètement. Ne reste plus que moi. Et Noah. Et je profite de chaque seconde passée avec lui avant que lui aussi - j’en ai la certitude - ne finisse par disparaître.

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47 commentaires

WhiteAir

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Il y a 8 ans

C'est vraiment beau, ce qu'ils ont tous les deux... J'espère que ça durera même en France...

Chlore

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Il y a 8 ans

commentaire constructif en approche : quel magnifique chapitre! mon coeur en est tout retourné!

F.V. Estyer

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Il y a 8 ans

Merci beaucoup!! C'est super sympa d'avoir pris le temps de me lire!!

Yann Atm

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Il y a 8 ans

J'adore *_* ton histoire est tout simplement géniale

F.V. Estyer

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Il y a 8 ans

Haha oui c'est son élevé donc il va pas se volatiliser... pour lamour cest un peu tôt mais ça viendra!!

Valencia Herry

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Il y a 8 ans

Mais enfin ! Il ne disparaîtra pas ! Déjà parce que c'est ton élève, mais aussi car il a besoin de toi. Et qu'il t'aime (je ne suis pas dupe ;) ) Keep calm and love with smile :)

F.V. Estyer

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Il y a 8 ans

Hahaha!!

LikeAMartian

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Il y a 8 ans

NON ! Noah ne peut disparaitre, pas comme ça. P'tites larmes *-*

F.V. Estyer

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Il y a 8 ans

Merci!!

Melissa Sabourin

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Il y a 8 ans

Très émouvant et confidence sur l'oreiller. Peut être que noah va finir lui aussi par s'ouvrir à lui maintenant. Super chapitre Merci
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