Fyctia
Chapitre 41
Déjà ? Non. Non. C’est trop tôt. Bien trop tôt.
Je ravale ma déception. Enfourne mes mains dans les poches arrière de mon jean.
— Tu peux rester un peu, si tu veux.
J’essaye de paraître détaché, sans être certain d’y parvenir tout à fait. Ce qui me rassure, c’est que de son côté, il n’en mène pas large non plus. Il se balance légèrement sur place, se mord les lèvres, comme s’il hésitait, ne savait pas vraiment quoi répondre.
— Je ne veux pas abuser de ton hospitalité, souffle-t-il.
Bon sang. À croire qu’il le fait exprès. Que dois-je dire pour lui assurer qu’il est le bienvenu ? Aussi longtemps qu’il le souhaite ?
— Ce n’est pas le cas, Noah. Au contraire. Je suis… je suis content que tu sois là.
Et bien plus que ça. Tellement plus.
Depuis combien de temps cet appartement n’a connu personne d’autre que moi, âme esseulée hantant cet espace ? Cet endroit que les rires, la chaleur humaine, le bonheur ont abandonné depuis des lustres, ne laissant que le froid. L’austérité. La dernière fois que mon appartement a semblé vivant est le jour où Sam est venu dîner à la maison. En dehors de ça, il n’existe plus rien d’autre que moi. Mes heures passées à bosser ou à comater devant la télévision pour chasser la solitude qui m’étouffe chaque jour un peu plus. Finies les soirées emplies de gaité, d’éclats de voix. De fou rires. De discussions interminables. Terminées les débats houleux, les étreintes sur le canapé. Les baisers dans le cou. Les mains baladeuses. Les baisers enflammés. Les baises passionnées. Les petits plats mijotés. Les cadavres de bières entassées. La présence d’un autre homme. Une personne à aimer.
Je crois qu’être seul ne me réussit vraiment pas. Ca me rend pathétique. Mes pensées ridicules me donnent envie de chialer.
Je ne veux pas que Noah s’en aille. J’ai peur que si tel est le cas, tout soit à refaire. Qu’il s’éloignera de nouveau, et que je devrais inlassablement lui courir après. Et je suis prêt à le faire, sincèrement, mais j’aimerais tellement que tout devienne plus simple à présent. Qu’un pas en avant ne corresponde pas à deux en arrière.
Noah s’approche de moi, jusqu’à ce que son torse se retrouve collé au mien. Il me fixe intensément, comme s’il cherchait à découvrir tous les secrets de mon âme. Mon cœur s’emballe. J’arrête de respirer.
Il comble alors les quelques centimètres qui nous séparent et plaque sa bouche sur la mienne.
Son baiser est doux, langoureux. Ses lèvres ont le goût de tabac, sa langue celui de dentifrice. Je me laisse volontiers aller dans cette étreinte. Avalant ses soupirs. Gémissant de plaisir.
Il finit par reculer. Sa main se pose sur ma joue, descend le long de ma mâchoire, caressant du pouce le début de barbe blonde que je n’ai pas pris le temps de raser ce matin. Son bras retombe. Il me tourne le dos pour se diriger d’un pas décidé vers l’intérieur.
La chaleur de son corps tout contre le mien ayant disparu, le vent froid se rappelle à mon bon souvenir et me fait frissonner. Je carre les épaules et le rejoins prestement.
Quand je reviens, Noah est au téléphone. Avec sa mère, apparemment. J’écoute la conversation d’une oreille tandis que je décide de me faire couler un autre café. Je profite qu’il se tourne pour me regarder, et lui demande silencieusement, à grand renfort de gestes, si je dois en préparer un pour lui. Il acquiesce, avant de retourner à sa conversation. Et moi, je me retrouve à sourire comme un abruti, simplement parce que je viens de comprendre qu’il a décidé de rester un peu plus longtemps.
Merde, t’as quel âge, James ? Quinze ans ? Bon sang, on dirait une adolescente énamourée. Ouais. Peut-être. Et honnêtement. Rien à foutre.
***
— Ta mère s’inquiète ? je demande en lui tendant son mug de café avant de m’installer près de lui, sur le canapé.
J’espère qu’il ne lui dira pas où il se trouve. Je sais que nous sommes hors du cadre scolaire, mais je ne suis pas certain qu’un prof passant la nuit avec son étudiant soit du meilleur effet. Je tiens à mon job. Je ne veux pas qu’il m’arrive de problèmes, même si je l’ai cherché. J’ai bien conscience que nous ne faisons pourtant rien de mal, mais je sais aussi qu’une relation entre un prof et son élève serait très mal vue.
« Respire James. Vous n’avez aucune relation. Ni même un début de relation. À peine quelques baisers. Arrête de paniquer ».
— Non. Elle prenait simplement de mes nouvelles. Elle a été surprise de ne pas me trouver à la maison en rentrant du boulot, c’est tout.
— Elle travaille de nuit ?
— Oui.
Je voudrais continuer à parler de sa mère, mais sa réponse brève m’indique qu’il ne souhaite pas s’étendre sur le sujet. Dommage, peut-être aurais-je pu récolter quelques bribes d’informations susceptibles de m’aider, mais avec Noah, c’est peine perdue, j’ai l’impression.
Nous buvons notre café en silence. Silence devenu habituel. Presque confortable.
Bien que je ne parle pas, ce n’est pas pour autant que mes méninges ne tournent pas à plein régime. Et pour cause. Je cherche la meilleure manière de poser la question - la requête, plutôt - qui me brûle les lèvres depuis tout à l’heure. Depuis que je me suis rendu compte que je n’avais aucune envie qu’il parte. Que je n’avais aucune envie de me retrouver de nouveau seul dans mon appartement, et dans mon lit, après l’avoir partagé avec lui.
J’en veux plus.
Je veux pouvoir prendre le temps d’apprendre à le connaître. Et quoi de mieux que de l’arracher à son quotidien, de le plonger dans une ambiance différente, un autre lieu ? De le déconnecter de sa réalité, pour essayer d’abattre un peu plus ce mur qui continue de nous séparer malgré tout ? Peut-être qu’en partant, qu’en quittant sa vie le temps de quelques jours, en changeant d’air, comme me l’a si bien conseillé Sam, il s’ouvrira davantage. Repoussera ses craintes, sa peur, et me laissera l’approcher.
Plus près. Juste un peu plus près.
C’est quitte ou double. Et je sais que je dois m’attendre à un refus. Peut-être qu’il trouvera ma demande étrange. Déplacée. Mais je décide de me jeter la tête la première malgré tout.
Je finis mon café. Pose doucement la tasse sur la table basse. Essuie mes mains moites sur mon pantalon. Me racle la gorge. Me tourne vers lui.
— Noah…
Il sort de sa torpeur pour me regarder, sourcils légèrement froncés.
— Ouais ?
— Viens passer les fêtes de Noël à Londres avec moi.
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IsabellLamberetAdell
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