F.V. Estyer Désirs défendus Chapitre 39

Chapitre 39

Sa voix est un peu chevrotante, et je sens la sincérité de ses paroles. Mon cœur se serre tandis que nous nous fixons un long moment sans bouger. Cette lueur de reconnaissance, de gratitude que je peux lire dans son regard me tord l’estomac. Je pourrais me perdre dans l’émeraude de ses yeux. Y plonger et me laisser engloutir tout entier. M’enfoncer vers les abîmes avec bonheur, sans chercher à rejoindre la surface. Jamais.

Je suis à deux doigts de me pencher pour poser mes lèvres sur les siennes, mais je ne suis pas certain que ce soit une bonne idée. Je ne sais pas dans quel état d’esprit il se trouve à présent.

Hier, il avait besoin de réconfort, besoin de tendresse. Mais ce matin, à la lueur de cette nouvelle journée, j’ignore s’il sera aussi réceptif. Nous devrions discuter avant que tout ça n’aille plus loin. Ou attendre qu’il vienne à moi. De son plein gré cette fois. Non pas parce qu’il se sent forcé. Oui. Je crois que c’est la meilleure chose à faire.

Je me racle la gorge, mettant fin au silence pesant de non-dits qui nous entoure.

— Mange, avant que ça ne refroidisse.

Il attrape son mug de café, le porte à ses lèvres, et soupire de contentement lorsque le breuvage coule dans sa gorge.

Et juste comme ça, l’atmosphère lourde se dissipe pour ne laisser que deux hommes, heureux de partager un instant de bonheur simple ensemble.


***


Ce n’est qu’une fois que Noah s’enferme dans la salle de bain pour prendre sa douche que je décide de contacter Sam.

Je tremble légèrement en appuyant sur la touche d’appel. J’ignore ce qu’il s’apprête à m’annoncer, mais je devine que je ne vais pas sauter de joie.

Il décroche à la seconde sonnerie.

— Pour un type pressé, tu en as mis du temps à me recontacter.

— Bonjour à toi aussi, mec, je réponds sèchement. Et désolé, j’étais occupé.

Il s’esclaffe de l’autre côté du combiné.

— Occupé, hein ? Tu m’en diras tant.

— Ce n’est pas ce que tu crois, je tente de me défendre.

— Oh, mais je ne crois rien du tout.

Son ton est railleur, amusé. Je lève les yeux au ciel et ris à mon tour en imaginant la tête qu’il est en train de faire. Je comprends bien qu’il essaye de me dérider, d’ôter le stress qui grimpe au fur et à mesure que nous discutons. Et je lui en suis reconnaissant. Grâce à ses sous-entendus graveleux, je sens mes muscles se détendre, ma nervosité refluer.

— Menteur. Je vois les rouages de ton cerveau s’activer et des idées salaces te traverser l’esprit.

Il éclate de rire et rétorque :

— Hé. Ce n’est pas moi qui pervertis mes élèves, monsieur le professeur lubrique.

Je sais qu’il l’a dit sur le ton de la plaisanterie, mais je ne peux m’empêcher de le prendre personnellement. Pourtant, j’estime n’avoir rien à me reprocher.

« C’est ça. Rassure-toi comme tu peux, mon gars ».

— Je ne pervertis personne ! je rétorque, avec plus de véhémence que je n’en avais l’intention.

Sam émet un petit bruit de gorge agacé.

— Ça va, je rigole. Ne monte pas sur tes grands chevaux.

Ouais. Il a raison. Je suis parti au quart de tour. Je me pince l’arête du nez et respire profondément.

— Bon, trêve de plaisanterie. Je vois bien que tu essaies de gagner du temps, alors crache le morceau.

Il ne nie pas. Je le connais, il sait qu’il est inutile de me mentir. Sam se racle la gorge, et mon estomac se contracte sous l’appréhension.

— Tu es sûr de toi ?

Non. Non, putain. Je ne suis sûr de rien.

Il m’offre une porte de sortie. Un moyen de me rétracter. De laisser tomber et de poser directement la question à Noah au lieu d’emprunter des chemins détournés.

J’écarte l’appareil de mon oreille, le temps de vérifier que Noah est toujours sous la douche. L’eau que j’entends couler puissamment me rassure. Une vision furtive de son corps nu, humide, dégoulinant de gouttelettes chaudes me traverse l’esprit et je la chasse tant bien que mal.

Comme si c’était le moment. En plus de donner raison aux paroles de Sam. Merde.

Pour plus de précautions, je me dirige dans la cuisine. Je reste debout, la porte de la salle de bain dans ma ligne de mire au cas où.

— Oui. Je veux savoir, je souffle. J’ai besoin de savoir.

Il se racle la gorge. Farfouille dans ses papiers. Et il se lance.

Il commence par la bonne nouvelle. Pas de casier pour Noah. Des petits délits lorsqu’il était plus jeune. Surtout du vol à la tire, mais personne n’a porté plainte. Quelques bagarres. Des excès de vitesse. Rien qui ne soit vraiment alarmant.

— Il a l’air de se tenir à carreau depuis pas mal de temps. Aucun dossier sur lui depuis sa majorité. Il est clean.

Et ce poids. Ce poids dans mon ventre que me noue les entrailles se transforme en plume. Un immense soupir de soulagement m’échappe. Toutes les idées — pire les unes que les autres — qui me sont passées par la tête à un moment donné s’envolent. Mais en constatant que Sam n’a pas pipé mot depuis une quinzaine de secondes, je me dis que ce n’est pas pour ça qu’il m’appelle. Que ce n’est pas de ces informations dont il voulait me faire part. J’attends, fébrile, ce qu’il lui reste à m’avouer. Heureusement, il ne me laisse pas m’angoisser trop longtemps.

— Après ce que tu m’as dit à son propos, j’ai fait des recherches sur la filiation. Je pensais que si quelqu’un de sa famille le battait, son beau-père par exemple, qui est un cas malheureusement assez commun, on aurait une trace. Qu’il s’en serait pris à sa mère. À ses frères peut-être. Mais il n’y a rien. Aucune plainte de violence domestique.

— Alors c’est tout ? Aucune piste ? Rien qui puisse m’éclairer ?

J’ai bien conscience du désespoir perceptible dans ma voix. Je devrais me sentir soulagé. Or, ce n’est pas le cas. Parce que je n’ai plus la moindre putain de piste. Plus la moindre raison qui pourrait m’aider à y voir plus clair. A l’aider.

— Je suis désolé, James. Je n’ai rien qui puisse expliquer ses blessures. En revanche, j’ai quand même découvert quelque chose.

Bon sang, il va me rendre dingue à faire durer le suspens. Je passe une main dans mes cheveux et les serre entre mes doigts.

— Quoi ?

— C’est à propos de son frère ainé. C’était un dealer. Et un gros.

Ma gorge se noue. Je déglutis bruyamment. Je sais déjà ce qu’il va m’annoncer. Je cesse de respirer.

— Il est en taule. Il a pris six ans.

Merde.


_____________________


Bonjour tout le monde!


Je profite de ces quelques lignes pour vous proposer, si vous avez envie de lire une autre homoromance déja bien avancée, de venir découvrir l'histoire de JulieF: "Peu importe". Une jolie plume, des personnages attachants, un lycéen qui découvre qu'il préfère les hommes, et un début d'histoire d'amour super mignonne entre Sébastien et Yannick. Je vous invite à aller y faire un tour, vous passerez un très bon moment.

Et merci encore mille fois pour votre soutien au quotidien! ;-)

A très bientôt pour la suite!

Des bisous

Tu as aimé ce chapitre ?

48 commentaires

IsabellLamberetAdell

-

Il y a 8 ans

Hou lala ça pleine de surprise

Marianana

-

Il y a 8 ans

Le truc qu'on s'attendait pas du TOUT

WhiteAir

-

Il y a 8 ans

Son frère aîné, hein... ? Là, tu me perds. Je pensais savoir où tu allais et d'un coup, je remets en question toutes mes hypothèses ^^'

Sara Devan

-

Il y a 8 ans

Ps : mes commentaires sont à chier mais je suis trop prise par ton histoire lol

Sara Devan

-

Il y a 8 ans

Ah !!?

CaroWritings

-

Il y a 8 ans

Contexte familial bien compliqué ! Tu ne sais pas dans quoi tu t'es embarqué là James...

Ikare

-

Il y a 8 ans

Ouch, tu as voulu savoir James, ben maintenant tu sais ! Allez allez, c'est pas tout ça mais la suite haha...

F.V. Estyer

-

Il y a 8 ans

Haha, une photo de Noah a poil quoi...! ;-) C'est vrai qu'il est mignon...!

Chlore

-

Il y a 8 ans

C'est trop cool ton coup de pouce!!! et oui, tu as raison, l'histoire de JulieF est trop bien aussi, mais c'est pas le même genre. Enfin si. Mais non. Enfin bref... Sinon, j'ai vu dans les commentaires que certains en profitaient pour faire leur commande au Père Noël, je voudrais juste une photo de Noah, le moins vêtu possible ... Merci! :D (*bave à chaque description*)

Berenice 05

-

Il y a 8 ans

Passionnant, vraiment ! Merci !
Vous êtes hors connexion. Certaines actions sont désactivées.

Cookies

Nous utilisons des cookies d’origine et des cookies tiers. Ces cookies sont destinés à vous offrir une navigation optimisée sur ce site web et de nous donner un aperçu de son utilisation, en vue de l’amélioration des services que nous offrons. En poursuivant votre navigation, nous considérons que vous acceptez l’usage des cookies.