Fyctia
Chapitre 24
Ce jour-là, après les cours, c’est un peu contrarié que je quitte l’établissement pour rentrer chez moi. Le nez enfoui dans mon écharpe, les mains au chaud dans les poches de mon manteau, je brave le froid parisien en marchant à grandes enjambées jusqu’à la bouche de métro.
Noël n’est plus très loin à présent, en témoigne les guirlandes qui clignotent joyeusement sur les vitrines des magasins, et les sapins décorés qui poussent comme de la mauvaise herbe un peu partout. J’aime cette ambiance festive, elle permet d’égayer les rues mornes, enveloppées par le froid et la grisaille. J’entends des enfants s’émerveiller en collant le nez contre les vitres glacées, transformant leur souffle en buée. J’aurais presque envie de sourire, si j’avais été de meilleure humeur.
Noah ne s’est pas montré à notre rendez-vous bi-hebdomadaire, et il n’a même pas pris la peine de me prévenir. Je pourrais dire que c’est son manque de politesse qui me fout en rogne, ou le fait qu’il ne prenne pas ses études au sérieux. Mais ce serait me mentir. Parce que la seule raison pour laquelle son absence m’agace autant, c’est qu’à cause de lui, je n’ai pas eu ma dose.
Dose de son parfum, de sa peau hâlée, de ses yeux émeraude, de sa voix chaude.
Un putain de junkie. Voilà à quoi j’en suis réduit. Et je ne peux même pas lui faire porter le blâme. Parce que tout est entièrement de ma faute. Il n’a rien fait pour que je devienne accro. Au contraire. J’ignore pourquoi il me met dans des états pareils, et je crois que je ne souhaite même pas le savoir. Il serait préférable pour moi d’arrêter de passer autant de temps si près de lui. Je dois déjà supporter sa présence durant les heures de cours, ça me semble bien suffisant. Et pourtant. Pourtant, je serais incapable de mettre fin à ces instants privilégiés en sa compagnie.
Je suis complètement foutu.
Durant tout le trajet que je passe collé à des inconnus dans la rame de métro bondée, je ne cesse d’essayer de songer aux causes de son absence. Lorsqu’arrivé à ma station, j’ai établi toutes sortes de scénarios sans queue ni tête, je décide que le mieux serait de lui poser simplement la question.
C’est sur cette bonne résolution que je rentre chez moi et, après m’être fait couler un café, termine le reste de la soirée le nez dans mes bouquins, pour essayer de tenir parole.
***
Je passe toute l’heure de cours à lui jeter des petits coups d’œil. Il le remarque, bien sûr, vu que son attention ne me quitte que le temps de prendre des notes. Mais s’il est conscient de mon inquiétude, de ma gorge qui se serre dès que je pose les yeux sur ses cernes violacés, son teint blafard, il fait mine de ne pas le remarquer.
Je décide d’attendre la fin du cours pour lui demander de rester quelques instants, mais à ma grande surprise, il me devance.
Après avoir souhaité une bonne journée à ma flopée d’étudiants, je me tourne pour constater qu’il a arrêté de faire semblant de ranger ses affaires et s’est relevé, son sac à dos pendant sur son épaule, et qu’il avance dans ma direction.
Une fois n’est pas coutume, c’est lui qui prend la parole en premier.
— Je voulais m’excuser pour hier. J’aurais dû vous prévenir que je ne pourrais pas être là, déclare-t-il un peu penaud, mais en soutenant mon regard, comme il le fait toujours.
Je crois que c’est la phrase la plus longue qu’il m’a dite depuis que nous nous connaissons. J’ignore si je dois voir ça comme une victoire.
Je hoche la tête en signe d’assentiment.
— Est-ce que tout va bien ? Tu sembles au bord de l’épuisement.
J’ai l’impression de poser constamment les mêmes questions. Et je suis quasiment certain d’obtenir invariablement les mêmes réponses. J’ignore pourquoi je m’entête.
— J’ai passé une mauvaise nuit.
Je me redresse en entendant ses paroles. C’est la première fois qu’il se confie ainsi. Ce n’est peut-être pas grand-chose, mais pour moi, c’est déjà plus que ce que j’en avais espéré.
— Tu as envie d’en discuter ? je m’enquiers d’une voix douce.
— Je ne crois pas que vous puissiez y faire grand-chose, répond-il aussitôt.
Pourtant, cette fois-ci, je ne sens aucune défiance dans son ton, qui sonne plus comme un constat, amer.
— Tu peux m’en parler si tu en as envie. Tu peux me parler de tout, Noah.
Il replace son sac qui glisse de son épaule et passe une main dans ses cheveux.
— Ça ne changerait pas grand-chose.
— Tu n’en sais rien.
— Il n’y a rien que vous puissiez faire pour moi.
Il semble d’un tel fatalisme que cela me serre le cœur.
— Peut-être que si.
Il se mord la lèvre et son regard fuyant me prouve que ça ne sert à rien d’insister.
— Je vous assure que non. Je dois gérer. Seul.
De le voir ainsi, désemparé, triste, maussade, me donne envie de hurler. Et de le secouer. Pour l’obliger à se confier. Pour l’obliger à lâcher du lest.
Laisse-moi t’aider, putain. Laisse-moi t’aider. A deux on est plus fort. Je peux être là pour toi. Je veux être là pour toi. Ouvre-moi la porte, Noah. Ne me laisse pas comme un con sur le seuil.
Je secoue la tête, conscient d’être incapable de prononcer ces mots à voix haute.
— Très bien.
Il est sur le point de quitter la pièce, mais se retourne une dernière fois.
— Merci, souffle-t-il en esquissant un petit sourire.
Et ce simple mot, empli de gratitude, les yeux brillants de reconnaissance me tort l’estomac et me donne envie de le tirer vers moi pour l’enlacer avec force. Mais n’en ayant pas la possibilité, je lui rends son sourire, et agite la main en un petit signe avant qu’il ne disparaisse de la pièce.
Tout n’est pas perdu, bien au contraire. Je pense qu’au fur et à mesure du temps, j’arriverai à faire en sorte que Noah s’ouvre de plus en plus à moi.
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Merci à toutes les personnes qui continuent à suivre cette histoire, à prendre le temps de la lire et de la commenter.
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Merci encore! :-)
32 commentaires
IsabellLamberetAdell
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Il y a 8 ans
WhiteAir
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Il y a 8 ans
F.V. Estyer
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Il y a 8 ans
Sara Devan
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Elynwe
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F.V. Estyer
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Il y a 8 ans