clara15 DEADLINE Chap. 34

Chap. 34

35 JOURS

Nous restons stoïques même si nous savons que nous n'avons pas beaucoup de temps devant nous. Les grincement sous le poids de la personne qui s'approche du bureau sont de plus en plus bruyants. Mon regard dérive jusqu'à l'écran de l'ordinateur qui affiche le téléchargement à soixante-quatorze pour-cent. Autrement dit, il ne sera jamais terminé à temps.


Et puis les pas s'arrêtent. La personne n'avance plus mais elle ne recule pas non plus. Je suspends ma respiration et ferme les yeux. Nathan ne bouge plus. Au bout d'un certain instant, alors que j'avais espoir que la personne fasse demi-tour, les pas recommencent, dans notre direction. Nathan a juste le temps de fermer l'ordinateur, tout en ayant retiré le dispositif, ainsi que de se cacher sous le bureau que la porte s'ouvre. Pour ma part, je cours sur la pointe des pieds pour plaquer mon dos contre le mur, cachée par la porte maintenant ouverte.


La personne fait encore deux pas en avant et s'immobilise. Il s'agit d'une femme, celle de Banks de toute évidence. Elle attend là, sans bouger pendant au moins une minute, puis elle soupire et tourne les talons, une bonne fois pour toute, en prenant soin de fermer la porte. Au moment où j'entends le verrou se fermer, j'écarquille les yeux mais je me souviens ensuite que si Nathan a réussi à entrer, il peut nous faire sortir d’ici.


Au bout d’une ou deux minutes passées sans bouger, par peur que la femme ne revienne, Nathan sort de sous le bureau. Il ouvre l’ordinateur et colle le dispositif pour que ça reprenne le téléchargement. Il me lance un coup d’oeil pour s’assurer que je vais bien et lorsque je lui confirme par un bref hochement de tête, il se concentre à nouveau sur son objectif premier : s’introduire à l’intérieur des dossiers les plus privés de Banks.


— On peut y aller, c’est bon, dit-il en remettant tout à sa place.


— Tu as découvert quelque chose ? m’étonné-je.


— Non mais on triera une fois à la base. Nous ne devrions pas nous attarder ici.


J’acquiesce, plus que d’accord avec ses propos. La petite visite surprise de l’épouse m’a foutu les jetons sur le coup et l’envie de récidiver cette scène ne m’intéresse pas. J’ai vécu suffisamment d’actions ces dernières semaines pour toute une vie, même si je sais pertinemment que ce n’est pas encore fini. Ça ne l’est jamais.


Le blond se dirige vers la fenêtre et l’ouvre. Il passe une jambe à l’extérieur et s’assoit momentanément sur le rebord, pour resserrer les lanières de son sac à dos. Habillé de noir, il ressemble au parfait espion et je dois admettre qu’il joue son rôle à merveille.


— On ne passe pas par l’intérieur de la maison ?


— Cette pièce se ferme uniquement de l’extérieur, nous sommes contraints de passer par la fenêtre.


Je déglutis difficilement. S’il y a bien quelque chose que je n’aime pas, c’est la hauteur. Depuis que je suis tombée, étant petite, de la cabane dans le jardin d’une amie, j’ai le vertige. Malheureusement pour moi, je ne m’en suis jamais départie. Et devoir sauter, même du premier étage, m’angoisse.


— C’est bon pour toi ?


— Oui, oui.


— D’accord. Dans ce cas, j’y vais le premier et je te rattrape quand tu sauteras.


J’opine vivement même si je ne suis pas rassurée. Avec une aisance déconcertante, Nathan enjambe le rebord de sa jambe encore à l’intérieur de la maison et bondit. Il atterrit sur les jambes, les genoux fléchis, comme un chat qui retombe sur ses pattes. Il se retourne, lève le menton et me fait signe de me dépêcher.


Au moment où je m’apprête à m’approcher, sans pour autant être prête à sauter, j’entends une sonnerie dans mon dos. Je me retourne vivement pour apercevoir que l’ordinateur, qui était en veille, s’est allumé et une notification s’affiche dans le coin de l’écran.


— Phoebe ! Qu’est-ce que tu fous ? s’énerve Nathan, d’en bas.


Je plisse les yeux pour regarder le nom et découvre avec stupeur qu’il s’agit de l’adresse e-mail de ma soeur. Ni une ni deux, je rebrousse chemin et m’installe derrière l’écran. Je clique sur l’icône et ouvre le mail qui est relativement court. Il n’y a que les derniers mots qui m’interpellent : « les transferts seront légalisés dans trente-deux jours ». Mon sang se glace. Dans un mois, faire des transferts d’année sera reconnu par la loi et nous ne pourrons plus rien y faire.


Je referme brusquement l’écran et me pince les lèvres. Comment Cassandre peut-elle faire cela ? Les questions sont toujours les mêmes et les réponses toujours inconnues. Je devrais avoir une discussion avec elle, je le sais, mais cela mérite-t-il de mettre en danger la couverture de l’organisation, simplement pour une conversation ?


Pour éviter d’avoir peur et d’hésiter trop longtemps, je passe une jambe fébrile dehors. L’autre suit rapidement. Je me tiens au rebord, tandis que Nathan me fait signe de sauter, les bras ouverts, prêt à me rattraper. Je ferme les yeux, retiens ma respiration et me laisse tomber en arrière. La chute est courte et je me retrouve dans les bras de Nathan. Il me remet debout sans délicatesse et attrape mon poignet avec virulence. Il me tire brutalement, sans un mot.


Ce n’est que lorsque nous arrivons au niveau de la voiture que j’ose m’arracher de sa poigne. Je masse ma peau devenue douloureuse en fusillant le blond du regard. Il me rend la pareille.


— Tu es complètement fou ? Pourquoi tu m’as attrapé le…


— Et toi ? éclate-t-il. Tu devais respecter mes ordres à la lettre, pourquoi ne l’as-tu pas fait ? Tu nous as mis en danger en faisant ça ! On aurait pu se faire avoir !


Je lève les yeux au ciel ; ce n’est pas les trente petites secondes utilisées pour lire ce mail qui nous auraient coûté autant.


— Donc pour toi c’est une raison pour me faire mal ?


Son regard louche sur mon poignet que je triture pour atténuer la douleur. Ses traits durs s’affaissent.


— Non, tu as raison. Je suis désolé, je n’aurais pas du te blesser.


Ça, c’est sûr.


— Mais toi, tu aurais dû m’écouter comme on l’avait convenu. Tu me rends complètement fou à être imprévisible.


Je hausse un sourcil mais avant que je n’ai le temps d’approfondir cette partie de la conversation, il reprend :


— Pourquoi t’es-tu arrêtée ?


— Eh bien, figure-toi que j’ai intercepté un mail. Envoyé par ma soeur.


Il semble intéressé. Ses yeux me demandent beaucoup plus de renseignements que ce que je lui ai donné, pour l’instant. J’inspire profondément.


— Les transferts seront légalisés d’ici une trentaine de jours, annoncé-je.


Nathan accuse le coup et hoche la tête, réfléchissant. Ses doigts tapotent sur le toit de la voiture, il pince ses lèvres et son regard s’avère perdu.


— Monte en voiture. Si ce que tu dis est vrai, nous n’avons pas une minute à perdre.


Nathan s’introduit dans le véhicule, alors j’en fais autant. Il n’attend pas que j’ai mis ma ceinture qu’il démarre. Il roule trop rapidement, les yeux rivés sur la route.


— Qu’allons-nous faire ?


Il laisse une ou deux secondes passer avant de répondre, d’un air grave :


— Les faire tomber. Tous.

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