Deux heures se sont écoulées. Le temps passe trop vite. J'ignore quelle taille de travail il me reste encore à effectuer pour me trouver entièrement, mais j'espère que je ne suis pas loin de la fin car mine de rien, en quatre heures, cela me semble bien difficile de tout rassembler.

Je ne sais toujours pas si le temps qu'il me reste sera suffisant mais je ne dois surtout pas abandonner. Ce n'est pas un trait de caractère qui fait partie de moi. Je dois avancer. Soudainement, sans aucune raison, l'homme que j'aime apparaît devant moi. Un mauvais pressentiment parcourt mon échine. Je suis dubitative sur son apparition. Il me regarde avec froideur, avec haine. Je ne comprends pas pourquoi, il ne me semble pas avoir fait quelque chose de mal ces derniers temps. Ses dents sont serrés et ses poings font de même. Je peux sentir cette méchanceté qui émane de lui. Je n'ai pas peur.

Il ouvre la bouche et sort une tonne d'insultes et de remarques désobligeantes et blessantes. Les larmes coulent sur mes joues sans que je puisse les arrêter. Je ne comprends pas son comportement envers moi. Il lui est déjà arrivé d'être mal luné et de me blesser parce qu'il ne pouvait pas faire autrement. Ses mots me heurtent de plein fouet. Je n'ai pas la force de réfléchir. Je me recroqueville contre moi-même et laisse mes pleurs envahir mes genoux.

Les blessures sont si faciles à créer. Son regard est tellement sombre qu'il a l'air plus que sérieux dans ses paroles. Que ferait ma vraie moi ? Je sais qu'il m'arrive de réagir comme Elle. Ce que je veux, là maintenant, c'est de réagir en fonction de ce que je suis vraiment et non de ce que je peux avoir l'habitude d'être.

Je relève la tête, le regard dur, je plante mes yeux dans les siens. Je me lève et s'approche de lui pour le prendre dans mes bras. Il a un mouvement de recul, mais il finit par se laisser faire. Je ne sais pas pourquoi je me sens si bien. Il y a seulement quelques minutes, j'étais encore en pleurs à cause de ses paroles blessantes et maintenant, je me sens comme soulagée et en paix. Un véritable sentiment de sécurité m'envahit. Ses bras entourent ma taille. Mon cœur bat plus fort, ma poitrine se gonfle plus rapidement et ma respiration devient erratique. En seulement quelques secondes, son corps disparaît. Était-ce un test ? L'ai-je réussi ?

Je regarde mon chrono. 03:25:14. Ah. Shit. Cela a vraiment duré si longtemps ? Le stress commence à prendre possession de mon corps. Pourquoi suis-je plus stressée que lors d'un examen ? Peut-être parce que je joue ma vie... Mon cœur s'emballe et je n'arrive même plus à savoir si c'est parce que j'étais dans les bras de l'homme que j'aime ou si c'est parce que je risque de mourir dans quelques heures. J'ai toujours eu comme mantra avec lui que s'il me blessait je l'aimerais davantage. Maintenant, j'aimerai juste qu'il soit là, près de moi et que je puisse prendre du plaisir à rester près de lui. Étant dans ce monde et pouvant faire ce que je veux, je pourrais sûrement l'invoquer, mais ce ne serait pas pareil que dans la vraie vie.

Je veux aider tout le monde, je veux pardonner tout le monde, je veux être une bonne personne, mais qu'est-ce qu'une bonne personne et en suis-je une ? J'ai déjà menti, j'ai déjà frappé, j'ai déjà insulté, je ne le suis pas. J'en suis certaine. Je veux le meilleur pour le monde mais je ne suis pas moi-même un modèle à suivre. Alors suis-je hypocrite ou ne suis-je juste pas consciente de mes erreurs ? Y a-t-il une chose mauvaise que j'ai pu faire que je n'ai pas de suite regrettée ? Aucune idée. Une chose est sûre, je ne veux pas être ce genre de personnes qui fait du mal aux autres pour le plaisir. Je déteste la violence gratuite.

J'ai toujours été gentille avec les autres et je sais que ce n'est l'un de mes masques. Au contraire, c'est l'une de mes seules caractéristiques de ma personnalité qui n'a pas été bafouée. Être gentille, c'est bien, mais j'en ai aussi beaucoup bavé à cause de ça. Cette force à être capable de se relever quoi qu'il arrive toujours avec ce sourire sur les lèvres, c'est celle que j'ai pour objectif. Je ne suis pas la seule à vouloir la paix dans le monde, à vouloir que tout se passe bien et que les conflits ne soient que de vieux souvenirs, mais je ne peux pas m'en empêcher.

Si je peux enfin revenir dans le vrai monde, je m'efforcerai de prendre soin de ceux que j'aime et de faire le bien comme j'ai toujours essayé de le faire. Pourtant une chose devra s'éclaircir : ce que je veux devenir. Il est souvent difficile d'obtenir le métier de nos rêves, et heureusement, si les objectifs étaient si faciles à atteindre, il n'y aurait plus vraiment de défis personnels. Je me remémore de vieux souvenirs résultant d'un travail personnel pour atteindre mes objectifs, je souris devant des nuits où j'apprenais par cœur mes cours pour réussir un examen important mais aussi toutes ces fois où je m'efforçais de dessiner à la perfection mes collections. J'ai toujours mis toute ma volonté dans les choses que j'entreprenais et je suis certaine que c'est une bonne chose. Peut-être que ma vraie moi est fière de moi dans un certain sens et que je ne suis pas tout à fait une épave.

Tous les souvenirs s'accumulent dans ma tête, certains réussissent à me faire lâcher quelques larmes, de joie autant que de tristesse. Je n'ai pas toujours été droite et je n'ai jamais été parfaite, mais j'ai toujours donné le meilleur de moi-même. Ces derniers temps, je me suis ramollie pour faire passer mes passions avant mes études et donc mes envies et plaisirs avant le devoir. Je ne regrette pas mon choix, car il est aussi important de répondre à ses désirs et de ne pas tomber rapidement dans une vie où le quotidien est lassant.

Je sors de mes pensées et vérifie mon chrono. Merde. 00:27:05. Je me suis vraiment perdue dans ma tête aussi longtemps ? Aurai-je dû résister à cet appel des souvenirs ? Je l'ignore, mais dans moins d'une demi-heure, je ne serai sûrement plus de ce monde. Je pense à tous les êtres qui me sont chers et que je vais abandonner sans avoir pu leur dire une dernière fois "je t'aime". Les visages défilent dans ma tête en même temps qu'un sourire se dessine sur mes lèvres. 00:05:01. C'est bientôt la fin.

Je me rappelle du médium qui m'a aidée. Je le remercie dans ma tête. 00:02:24. Je suis censée pouvoir faire ce que je veux ici... Peut-être que... 00:01:04. Je me concentre une dernière fois. Mon dernier espoir. 00:00:10. Adieu.

BIP!BIP!

J'ouvre les yeux péniblement. La lumière me brûle les paupières. Je tourne la tête vers mon réveil. 06:15. J'ai cours. Ai-je rêvé ? Ou est-ce que tout ce que j'ai vécu était réel ? Je regarde mes bras, j'ai toujours mes blessures. Ai-je donc réussi le test ? Ou est-ce que j'ai pu sortir parce que je l'ai souhaité ? Qu'importe la réponse, je chérirai mes aimés, car je suis moi et que les masques ne me serviront que par protection et non par habitude. Je suis de retour et je suis fière de moi. Elle est fière de moi.