Zoé Sonobe (zizogoto) De l'autre côté du masque Réfléchir avec le cœur

Réfléchir avec le cœur

— Ma chère, ça ce sont des peurs dans le sens général. Va au-delà de ça. Comment t'en es-tu sortie ? Toutes tes peurs ne se sont pas volatilisées comme par magie. Tu y es pour quelque chose. Je sais que tu as compris, maintenant c'est à toi de comprendre ce que tu as compris.


Mon cerveau met un certain temps à comprendre sa phrase, trop de fois le verbe "comprendre" tue la langue française. Je me mets à réfléchir. J'avais les membres tirés de chaque côté, je regardais le ciel et ma peine était d'une telle force que je me suis mise à penser au néant. Ce doit être ça, le médium m'avait dit que je pouvais contrôler tout ce que je voulais ici. Ainsi, involontairement, j'ai empêché ces visions de continuer à m'attaquer. L'antiquaire me regarde en hochant de la tête. Finalement, ma peur de devoir tout revivre — de ressentir leurs mains sur moi, de perdre mes amis et celui que j'aime ainsi que de ne pas être à la hauteur, mobilisée par cette incapacité à bouger — est bien plus importante que mes peurs en elles-mêmes. Je peux donc me défaire de ces peurs et essayer de trouver des solutions pour ne plus me retrouver enfermée dans un monde vicieux. Je dois prendre les choses en main, comme j'ai pu le faire ici. Il est bien entendu pas question de faire disparaître mes peurs dans la réalité puisque c'est impossible, mais de les confronter pour apprendre à vivre à leurs côtés.


— Maintenant que tu as compris tout ça, je pense que nous allons pouvoir continuer pour que tu prennes conscience de tes défauts, comme de tes qualités et ainsi construire ta véritable personnalité et pas celles que tu utilises au quotidien pour plaire ou te cacher.


J'acquiesce et vérifie mon compteur lumineux sur ma poitrine. 34:32:43. J'ai donc passé plus de deux heures auprès de mes cauchemars. Le temps s'écoule bien rapidement, mais je suis certaine qu'il me reste assez de temps pour terminer ma mission ici. Je ne suis pas une inconnue pour moi-même, mais je ne suis pas non plus une meilleure amie qui sait tout. Je dois chercher au plus profond de moi ce que je suis vraiment et non ce qu'Elle est. Avec un peu de chance, certaines de mes capacités habituelles ne sont pas tout à fait des mensonges. Je me tourne vers mon mentor qui sourit toujours.


— Je pense que nous allons pouvoir passer à l'étape suivante et pour cela, je vais créer différentes situations. Ce ne sera pas simple, cela te demandera beaucoup d'efforts mais tu pourras apprendre ton moi. Cette épreuve sera bien plus éprouvante que celle que tu viens de terminer. Tu vas devoir répondre de la façon la plus cohérente avec ta réelle façon d'être. Si tu n'es pas capable d'avoir ton comportement et ta façon de penser, tu ne pourras pas sortir de l'épreuve. Je ne suis autorisé qu'à te dire que les situations ne seront pas simples et que tu seras soumise à un stress équivalent à celui que tu côtoies mensuellement.


— Je sens que je vais m'amuser, ironisé-je.


Je soupire profondément et regarde d'un air entendu l'antiquaire. Il me guide vers un bâtiment où il me fait entrer à l'intérieur. Je déambule dans le long couloir blanc, rien que ça me stresse. Il me présente une porte que j'ouvre avant de pénétrer dans la pièce. L'antiquaire referme derrière lui. La pièce est aussi blanche que celle dans laquelle je me suis réveillée. Des fils sortent du plafond et viennent s'écraser sur le sol.


— C'est la salle de simulation du Royaume, je vais te lier à ces fils et tu pourras entrer dans un monde parallèle à celui-ci mais où tout sera créé de toute pièce. Tu pourras y découvrir tes réactions profondes face à différentes situations. Ne réfléchis surtout pas, agis avec le cœur et tu réussiras cette épreuve.


Il me branche aux connectiques et se recule pour sortir de la pièce, une tablette entre les mains.


— Je te souhaite bon courage, nous nous retrouvons après la séance de huit heures. Je sais que tu peux y arriver.


Il sort avant même que je ne puisse répondre quoi que ce soit. Huit heures ? Je vais vraiment passer huit heures ici sans bouger ? Je sens que je vais péter les plombs. J'ai à peine le temps de réfléchir que mon environnement se change peu à peu. La pièce lumineuse et blanche d'autrefois devient alors une jungle. Je ne porte pas de chaussures, mes pieds nus sentent l'herbe humide du lieu. Les fougères m'entourent et les grands arbres portant des lianes comme des parures me dominent de leur hauteur. Je m'avance, pas vraiment rassurée par le lieu, je n'ai jamais aimé ce genre d'endroit, la forêt, seule, oui, mais la jungle. Je sais que ça grouille de bêtes qui peuvent te tuer en trois secondes et j'ai toujours eu peur de mourir de cette façon.


Soudainement, j'entends un cri d'enfant. Je cours sur la mousse que je sens se dégorger d'eau lorsque je lui marche dessus. Je m'approche du cri. Je vois alors un puma, face à un enfant d'environ neuf ans. Je m'avance délicatement, frôlant mes pas contre l'humidité du sol. Je m'interpose alors entre l'animal et l'enfant, une main devant moi. Je tente de faire reculer l'enfant en même temps que moi. Le félin noir grogne et montre ses dents. J'ai beau adorer les tigres et les félins en général, je dois avouer que c'est assez impressionnant de se retrouve face à une telle bête sauvage. En reculant, le petit garçon se prend les pieds dans une racine, il tombe lourdement sur le sol, ce qui fait bondir l'animal sur lui. Je pousse le gosse, me jetant sur lui. Nous glissons et tombons dans un renfoncement qui donne sur une falaise à seulement quelques centimètres de nous. Je regarde rapidement s'il va bien et lève mon regard sur le puma qui fait plusieurs allers-retours au-dessus. L'enfant prend peur et recule, il glisse alors et se rattrape à une branche coincée dans la terre. Je me plaque à plat ventre et récupère sa main. Au même moment, un cri provenant d'une jeune fille survient, cri se rapprochant de plus en plus de nous. Mon regard cherche derrière moi, la jeune fille dérape de la pente. À cause de la vitesse, elle tombe à son tour de la falaise. Je récupère sa main droite à temps. Les deux mains prises par un enfant de chaque côté, je sens que mon corps bascule vers l'avant. Je les regarde dans les yeux, les leurs sont humides. Ils ont peur. Le bout de la falaise sur lequel je suis allongée commence à craquer. Nous risquons de tomber tous les trois si j'attends sans rien faire. Si j'en aide un plus que l'autre, nous serons deux à tomber. Les craquements se font de plus en plus importants. Si je les hausse tous les deux en même temps, je ne pourrais pas m'assurer de me redresser à temps. Des fissures se forment sous mes yeux, de la sueur coule de mon front, mes membres me sont douloureux. Dans un dernier élan, je soulève les deux enfants jusqu'à qu'ils puissent attraper le bord. La roche se détache. La jeune fille arrive à remonter, mais le garçon glisse. Je le pousse rapidement au niveau des fesses avant de tomber avec le bout de falaise. Je jette un dernier regard vers eux, inquiète de leur sort.

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2 commentaires

Sophie_jl

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Il y a 4 ans

Petit coup de pouce ;) N'hésite pas à passer sur ma fiction, Pour de Vrai, si tu en as envie ! J'ai encore quelques chapitres de bloqués :)

Zoé Sonobe (zizogoto)

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Il y a 4 ans

Merci, je vais venir t'aider !
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