Fyctia
6 - partie une
Roxane
Ça fait deux semaines que j'ai repris les cours, et ma routine ne change toujours pas: Me lever, déjeuner, aller au lycée, m'engueuler avec Ayden, rentrer chez moi, me changer, aller au club, rigoler avec Alison, danser, rentrer chez moi pour la seconde fois de la journée, puis dormir - voilà mon quotidien depuis deux semaines maintenant. Colin m'ignore complètement, mais je trouve que c'est mieux comme ça. Je ne voulais pas qu'il s'imagine quelque chose. Même si j'apprécie mes coups d'un soir, je n'aime pas qu'un mec s'attache à moi. C'est déjà arrivé, et je déteste leur dire que je ne partage pas la même chose qu'eux envers moi. Je ne suis pas une briseuse de cœurs.
_Roxane ! Ça fait au moins la troisième fois que je vous reprends ! me gronde ma prof de français.
_Ouais, dis-je indifférente.
Elle lève les yeux au ciel, et elle continue son cours. Elle doit penser que c'est peine perdue pour mon avenir, et elle n'a pas tort.
Je détourne ma tête d'elle et je regarde par la fenêtre. J'ai vue sur toute la rue d'en bas.
Je me surprends à me perdre dans mes pensées. Parfois, j'ai l'impression de ne pas être présente. Mon corps est bien là, mais mon âme est ailleurs, dans une bulle. C'est comme si je suivais le cours mais depuis la fenêtre, et j'entends tout ce que disent les autres, y compris la prof depuis l'extérieur.
_Roxane, si vous êtes là, c'est pour suivre le cours, pas pour observer ce qu'il se passe en bas, dit la prof en soupirant.
_Sauf que votre cours ne m'intéresse pas vraiment. Comme tous les autres, en fait.
_Et bien... je vous invite à quitter mon cours dans ce cas-là.
_Avec plaisir, dis-je en souriant.
Je réunis mes affaires, et je sors de la classe.
_Allez, tchao ! dis-je.
Je suis provocante, et je le sais. Mais je m'en branle. Complètement. Je suis adulte, je peux enfin avoir mes propres responsabilités sauf que je dois aller encore dans ce lycée de merde.
Je marche dans les couloirs sans vraiment savoir où aller, c'est mes pieds qui me guident. J'arrive instinctivement à l'accueil. Je jette un coup d'œil, et je vois que Ayden est présent avec Laurie, une des nouvelles surveillantes.
_Salut, lui dis-je en rentrant dans la pièce.
_Salut. Tu fais quoi ici ? me demande-t-il.
_Rien. Je suis juste venue rendre visite à mon surveillant préféré.
Il rigole amèrement.
_Tu n'es pas censée être en cours ? me demande Laurie.
J'ignore sa remarque et je continue de regarder Ayden.
_Ouais, c'est vrai ça. T'es pas censée être en cours ? dit ce dernier.
Il a un rictus au coin des lèvres. Si il me cherche, alors, il va me trouver. Je suis forte à cache-cache.
_Je me suis faite virée, dis-je sur le même ton que lui.
Son sourire s'étend mais il se contient.
_Je peux savoir pourquoi ?
_Tu es un surveillant. Tu risques de me punir si je te le dis, dis-je.
J'ai fais exprès de dire le mot "punir" pour le faire flancher. Mais ça ne marche pas. Le seul résultat que j'ai obtenu c'est un petit éclat de surprise dans ses yeux, mais il reste concentré.
Laurie soupire et sort de la pièce. Ouais, c'est ça, dégages.
Les yeux de Ayden changent. Ils ont un air... amusés. Oui, Ayden est amusé par la situation, et ça serait mentir de dire que moi je ne le suis pas.
_Punir ? répète-il.
_Oui. Me donner une heure de colle, un truc du genre.
_Dis-moi pourquoi tu t'es faite virée et je verrai si je te punis.
_J'ai regardé par la fenêtre. Et pour ma gouverne, ce n'est pas à toi de me punir.
Il rigole. On parle de quoi, là?
_C'est toi qui a commencé à vouloir que je te punisses. (son rictus s'étire soudainement.) Et tu t'es faite virée juste par ce que tu as regardé par la fenêtre ? dit-il amusé.
J'hausse les épaules en souriant.
_La prof m'a reprise plusieurs fois mais je m'en fous.
_C'est pas nouveau, dit-il en détournant les yeux.
Merde, il a rompu le contact. Je commençais à me perdre sérieusement dans ses yeux.
_Tu veux dire quoi par là ? lui dis-je.
_Tu t'en fous toujours de tout. T'es là, dans ton monde, et tu ne fais attention à personne.
_Ouais. Logique. M'en branle de ce que les autres peuvent penser de moi.
_Pourquoi ? me dit-il en replongeant son regard dans le mien.
Bordel, ces yeux...
_Ça, ça ne te regardes pas. Bon, je vais aux chiottes.
_Non. Tu dois rester ici. T'as été virée de cours, tu restes ici.
_Je fais ce que je veux, à ce que je sache, dis-je sèchement.
Il soupire, il est exaspéré. Et oui, je redeviens chiante.
_Faut toujours que tu sois pénible.
Je lui souris.
_Toujours.
_Bon, si tu tiens vraiment à aller aux toilettes, je t'accompagne, dit-il en affichant un rictus.
_Je te demande pardon ? Non, je vais pas aux chiottes avec un mec !
_Pourtant, je suis sûre que tu as l'habitude d'aller aux chiottes avec des...
Il se tait, et je vois bien qu'il est surpris lui-même de sa remarque. Il ouvre sa bouche sans doute pour s'excuser, mais je le coupe d'un geste de la main.
_Nan, c'est bon. J'ai l'habitude de ces remarques depuis le temps, et je m'en branle de ce que vous pouvez penser. Sincèrement, ça ne sert à rien de s'excuser. Ça ne me déplaît pas de me taper souvent des mecs.
Il ouvre sa bouche, il est d'autant plus surpris que tout à l'heure.
_OK... très bien.
Je lui souris et je sors de l'accueil. Cette fois, il ne me retient pas.
Je ne suis pas du tout vexée de son comportement - il m'a surprise, mais je savais qu'il allait lâcher un truc du genre, un de ces jours. Je ne pensais pas de si tôt, c'est tout. J'ai été déçue par énormément de monde, et j'ai pris l'habitude. Donc, maintenant, ça ne me fait en aucun cas du mal. Surtout que c'est un surveillant donc je m'en branle encore plus de son avis.
_Roxane ! crie Aurélie derrière mon dos.
Je me retourne, saoulée.
_Putain, mais quoi encore ?
_Parles autrement. Tu dois retourner à l'accueil, je te rappelle.
_Je m'en branle, dis-je en continuant ma route vers les toilettes.
_Oh Roxane, je te parle ! Tu retournes à l'accueil un point c'est tout !
Oh, Madame s'énerve maintenant.
_Je te l'ai déjà dit, je m'en branle de ton avis. Je suis adulte, alors je peux aller où je veux quand je le veux.
_Ouais sauf que ici ça marche pas comme ça ! Donc maintenant tu viens et tu fermes ta bouche ! dit-elle en m'attrapant le bras.
Je dégage sa main d'un geste brute, et je me plante devant elle, d'un regard menaçant. Je déteste qu'on me touche sans mon accord.
_Regardes moi bien, sale folle. J'suis pas ta pote, ni rien. Donc tu me lâche la grappe, et tu vas voir ailleurs si j'y suis.
Je la regarde de mes yeux les plus assassins qu'ils soient, et je vois dans les siens que la peur s'installe. On dirait une biche devant un chasseur. Je lui souris d'un rictus, et je me retourne et je vais enfin aux toilettes. Devant le miroir, je me remets une touche de rouge à lèvres, et je replace mes cheveux. Je souris devant mon reflet, puis je sors de cet endroit puant. Je rentre à l'accueil, et je vois Aurélie assise devant l'ordinateur, et Ayden parle avec Laurie.
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