Fyctia

Roxane

Jeudi. C'est mon troisième jour de cours, et je suis déjà saoulée. Je n'aurai pas dû redoubler mon année de troisième, je commence sincèrement à regretter malgré que je n'ai pas eu le choix. J'aurai dû plus écouter en cours... Je fais mon petit rituel matinal, et je pars malheureusement au lycée. Devant le bâtiment, je croise quelques gens de ma classe qui me dévisagent, mais je ne fais pas attention, et je rentre dans l'école.

En français, on toque à la porte.

_Entrez! ordonne la prof.

Ayden et Aurélie rentrent dans la classe. Le regard du garçon balaye la salle du regard, jusqu'à croiser les miens. Je suis soudainement hypnotisée. Me cherchait-il? Je savais bien qu'il avait des yeux bleus, mais au soleil, ils sont d'avantages plus beaux. Je ne me gêne pas pour le détailler; ses lèvres charnues, ses cheveux bouclés bruns. J'ai soudainement l'envie de passer ma main dedans sans jamais m'arrêter, et ne parlons pas de sa barbe de deux jours qui pousse gentiment. Il détourne soudainement le regard car Aurélie lui demande de distribuer des papiers. Vas te faire foutre.

_Ce sont les inscriptions pour la cantine. Ceux qui mangent au réfectoire, levez la main s'il vous plaît.

Plusieurs mains se montrent soudainement, et Ayden passe entre les rangs pour distribuer les papiers, mais jamais il n'arrive vers moi. J'aimerai le sentir tout près, qu'il me crie dessus, comme il a l'habitude d'y faire, mais ça n'arrivera pas. Je lève alors la main, sans même réfléchir concrètement à mon geste.

Il arrive alors vers moi, et me donne un papier en souriant puis s'éloigne. C'est tout? Il me donne juste un putain de papier? Même pas un regard? Dégoûtée de ce geste, je lui dit;

_Non, en fait je ne veux pas manger au réfectoire.

_Tant pis pour toi, c'est trop tard. Tu passeras à l'accueil tout à l'heure pour annuler ta commande, dit-il en me regardant de travers.

Je soupire, et les deux surveillants sortent de la classe.

_Bon, continuons la leçon, dit ma prof de français en me fixant du regard.

Elle veut certainement me faire comprendre que mon comportement ne lui a pas plu, mais je m'en fous. Je me fous toujours de tout.

Je rentre à l'accueil pour annuler mon service du réfectoire. Sérieusement, il aurait pu tout simplement ne pas prendre la feuille, et se barrer à la place de compliquer la chose. Mais au fond, ça ne me dérange pas, car je vais pouvoir encore lui faire chier.

_Salut, lui dis-je.

Il relève la tête.

_Bonjour, dit-il.

Je lève les yeux au ciel face à son exagération.

_Je viens pour annuler ma commande.

_Je m'en doutais bien.

Il fouille dans les placards, puis prends un papier.

_Tiens, faut que tu signes ici, et là, tu dois faire signer par tes tuteurs légaux.

_Mes tuteurs légaux?

_Oui, tes parents quoi.

_Heiin, d'accord.

Ne laisses rien transparaître. Ne laisses rien transparaître.

Je m'apprête à sortir de la pièce, mais il me retient en attrapant mon bras. Je regarde sa main, puis je plonge mon regard dans le sien.

_Tu vas où? T'as pas signé, me dit-il.

Je sens les larmes me monter aux yeux. Ne pleures pas, ne pleures pas. Bordel de merde, Roxane, t'es plus forte que ça!

_Ah oui, excuses-moi, dis-je en un sourire triste.

Il me regarde avec curiosité mais il ne me questionne pas, et je le remercie une deuxième fois intérieurement. Il lâche mon bras, et il se rassied sur son siège.

_Tu n'oublies pas de faire signer. Pour demain, rajoute-t-il.

J'acquiesce puis je sors de la pièce. Je renifle deux trois fois, mais j'arrive à partir du lycée sans m'effondrer. Sécher les cours cet après-midi me semble une bonne idée. Il faudrait que je fasse remplir les autres papiers que m'a donné le proviseur par mon frère, aussi.

_Roxane! cri mon frère en rentrant dans ma chambre.

_Quoi?

_Tu n'es pas allée en cours cet après-midi.

_Je m'en branle. Ça ne ne m'intéresse même pas! Chaque année on revoit la même chose!

_Oh, allez arrêtes, tu me l'as faite des millions de fois celle-là. Honnêtement Roxane, je m'en bat les couilles que ça ne t'intéresse pas. C'est pour toi que je fais ça. Je veux que tu aies un boulot.

_Mais j'en ai déjà un! cris-je à mon tour.

_Ah ouais? Et danser pour des putains de pervers, t'appelles ça un boulot?

_Ouais, et ça me plaît, alors excuses-moi.

_T'as tellement changé. Je ne te reconnais plus.

_Tant pis pour toi.

Je me lève de mon lit sur lequel j'étais allongée, et je prends la robe rouge dans mon armoire.

_Tu fais quoi? me questionnes mon frère.

_A mon boulot.

Il soupire puis il sort de la pièce.

J'enfile ma robe lorsque je me rends compte que je n'arrête pas de penser à la proposition d'Ayden de l'autre jour. Voulait-il vraiment me ramener? On aurait dit qu'il n'osait pas me le demander. Je voulais vraiment accepter sa proposition, sauf que je n'est pas été assez rapide. A ce moment précis, je réfléchissais aux conséquences. Me connaissant, je l'aurai déjà embrassé, mais ça n'est pas bien d'embrasser le surveillant de son lycée - mais au fond de moi je n'en ai rien à battre - justement, c'est mieux. Je voyais bien l'éclat de ses yeux: on aurait dit un gamin timide qui rencontrait le Père-Noël et cet enfant ne savait pas quoi lui dire. Même si Ayden essaie de cacher quelques trucs, j'arrive à le cerner. Je le vois.

Je ferme la fermeture de ma robe rouge, et je me mets en route pour aller à mon travail. Ce soir je fais 21h00 - 1h00. J'espère qu'il y aura de beaux clients ce soir.

_Salut Britney! dis-je à ma collègue dont je partage la même loge.

Elle pose son fer à lisser sur une des tables en bois qui occupe la pièce lumineuse, puis elle vient vers moi. Elle me prend dans ses bras.

_Tu vas bien? Tu n'étais pas là hier.

Britney n'est pas la fille que je préfère ici, c'est juste une collègue. Nous sommes jamais sorties ensemble pour prendre un café, ou quelque chose du genre. J'apprécie que la compagnie de Alison, une autre collègue. Voire même amie.

_Oui ça va, merci. J'avais un empêchement, désolée. Toi, ça va?

_Oui, merci.

_Le patron va me tuer? je demande ironiquement.

_Bah... disons que tu es l'une des danseuses que nos clients préfèrent... donc on a perdu pas mal de bénéfice. Les habitués sont vite partis, dit-elle en rigolant.

_A ce point là?

Je sais très bien que je suis l'une des préférées, mais je ne le savais pas à ce point.

_Tu vaux bien plus que tu ne le pense, Rox.