Fyctia
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Roxane
Je ne sais pas quelle robe choisir entre la rouge moulante à taille raisonnable ou entre la bleue qui est courte. Ça fait dix-mille fois que je les essaye, et je ne peux faire mon choix.
Ce matin j'ai eu la mauvaise idée de laisser mes cheveux tels qu'ils sont. J'aurai dû les boucler, mais je n'ai pas préféré. Résultats; ils sont très emmêlés et ils partent dans tous les sens à force de changer de robes toute les deux minutes.
_Je peux vous aider? me demande une vendeuse.
_Oui, s'il vous plaît. Vous choisirez laquelle à ma place?
_Allez les essayer, puis montrez-moi, je vous dirai.
_Pas de soucis, merci.
Je retourne dans la cabine et je met la rouge en première. Je tire les rideaux.
_J'aime beaucoup. Cette couleur vous va à ravir. C'est pour quel type évènement?
Si seulement tu savais, mi bella.
_Repas de famille.
La vendeuse me regarde avec un regard attendri, maintenant. Juste par ce que je lui ai parlé ne serait-ce qu'une seconde d'une famille inexistante? Burk, les gens me dégoûtent.
_Essayez la bleue, je pense que pour ce genre d'évènement, elle serait plus convenable.
Je sors de la cabine avec la deuxième tenue. Ce que ne sait toujours pas la vendeuse, c'est que je vais porter une de ces deux robes pour avoir tous ces regards mâles que j'aime tant sur mon corps.
_Elle vous va tout aussi bien!
Je lui souris.
_Je crois que j'ai fais mon choix.
_Laquelle voulez-vous prendre?
_Je préfère la rouge.
_Très bien, je vous attend à la caisse, dit-elle.
Je la gratifie d'un signe de tête puis je récupère mes affaires dans la cabine, et je me dirige en caisse.
_Soixante-quinze euros, s'il vous plaît.
Je lui tends plusieurs billets. Elle essaie de rester professionnelle mais je vois bien dans l'éclat de ses yeux qu'elle est étonnée. Et ouais mi bella, c'est ce que je gagne tout les soirs. Elle prend la liasse de billets que je lui tends et elle la range dans sa caisse.
_Au revoir, merci, dis-je.
Elle me sourit toujours autant étonnée, puis je sors du magasin. Quelques regards féminins me dévisagent, mais depuis le temps, j'ai l'habitude. D'un autre côté, je comprends leurs jalousie; voir une meuf se trimbaler en crop-top et jean moulant début septembre, n'est pas très agréable. Sauf que cette meuf c'est moi, et je m'en fous de ce que pensent les autres. Certains m'insultent de pute, j'ai déjà entendu quelqu'un le souffler à la personne avec qui elle l'accompagnait. Dans ces moments là je me retourne, je fais face à la personne, et je lui demande gentiment de répéter. Évidemment qu'ils ne le font jamais, et qu'ils s'excusent par la suite. Notre monde est rempli d'hypocrites, et personne n'est au courant.
Arrivée chez moi, je pose mes affaires et je vais vite me changer. Je mets une tenue décontractée.
_Roxane!
Je me relève péniblement, et je trimballe mon corps dans le salon.
_Quoi?
_C'était la rentrée aujourd'hui! Le proviseur m'a appelé. Tu n'étais pas au lycée. Et ça ne sert à rien de te changer. Je sais très bien comment tu t'habilles, depuis le temps.
Je ne réponds pas. Je ne sais pas quoi répondre. Et oui, de temps en temps je me la ferme.
_Roxane, je te parle! dit mon frère en claquant ses soigts devant mon visage.
Je baisse sa main d'un geste brute.
_OK, c'est bon. Demain j'irai au lycée! Et je m'habille comme je veux!
_Tu n'y vas pas que demain! Tu iras tous les jours! Jusqu'à la fin de l'année!
_On verra ça.
_Attention à toi, Roxane.
_Ouais ouais, c'est ça.
Ses yeux me lancent des éclairs, mais je ne fais pas attention. Je soupire et je retourne dans ma chambre. Je prépare mes affaires pour aller sous la douche, mais j'entends qu'on toque à ma porte.
_Quoi encore? je dis.
_Je voulais juste te dire qu'il n'y a pas que pour toi que c'est dur.
_La ferme, dis-je en sentant les larmes me monter aux yeux après quelques secondes.
_J'espère que tu comprends que c'est encore plus dur pour moi. Je dois remplir tout ces papiers, te réinscrire au lycée et m'assurer que tu y vas bien tous les jours.
_C'est bon, c'est bon. Tais-toi et sors de ma chambre. J'irai au lycée pour le restant de l'année, si tu y tiens vraiment.
_Tu me le promets?
Je soupire en levant les yeux au ciel.
_Oui, je te le promets.
Il sourit puis il referme la porte de ma chambre. Je respire un bon coup et je vais sous la douche.
Pour demain je prends un jean moulant et un tee-shirt simple blanc. Je mettrai des bottines noires à talons hauts.
En y pensant, dans mon lycée, il y en a beaucoup qui s'habillent comme moi, sauf qu'elles sont toutes superficielles. Elles ne savent pas réfléchir, et elles croient que la vie est aussi douce que dans les bisounours. Ce sont de vraies filles à papa, et elles détestent quand une fille s'habille mieux qu'elles. Elles sont très moqueuses. En seconde, elles se moquaient de moi car elles savaient que j'avais redoublé mon année de troisième. Elles étaient juste jalouses que j'ai un an de plus qu'elles. Ce n'est pas par ce que je m'habille vulgairement que je suis comme elles. Je ne me maquille pas jusqu'à ressembler à un pot de peinture - avec moi c'est: Mascara et rouge à lèvres. De temps en temps du blush, mais c'est tout. Je ne me moque pas des gens gratuitement. Je n'insulte pas les gens gratuitement, mais je ne suis pas non plus la fille parfaite. Énormément de personnes croient que je suis narcissique, à cause de la façon dont je m'habille. Ce n'est pas le cas. D'accord, je me trouve jolie, et je n'ai pas de complexes. Mais pas jusqu'au point de me regarder tous les jours devant le miroir et de me répéter sans cesse que je me trouve magnifique. Ce n'est pas par ce que j'aime montrer mon corps que je me trouve jolie comme une déesse.
Mon estomac cri famine alors je descends dans la cuisine. Je prépare à manger seule, car le soir, de temps en temps, mon frère sort. Je ne sais pas où il va, mais peu importe, j'ai faim. J'ai déjà essayé de lui demander où il part, mais il a toujours voulu garder le secret. Je sais qu'il ne va pas aller fumer des joints ou alors aller sniffer de la coke, car ce n'est tout simplement pas lui. Je sais qu'on peut cacher énormément de choses, mais je sais à cent pour cent qu'il n'est pas comme, ça.
Je fais bouillir de l'eau. En attendant, j'allume la télé et je mets mon dessin animé préféré. Oui, j'ai dix-huit ans et je regarde encore des dessins animés. J'adore, ça me fait tout oublier, et ça me fait rire. Car oui, pour moi rire est devenu rare. Je ne suis pas en dépression, mais il y a des moments où je me sens mal. Voire même très mal.
Je suis en train de m'endormir, quand j'entends la minuterie du four sonner. J'ai dû l'enclencher pour faire cuire les roulés au fromage. Je me lève doucement et je vais me servir une assiette puis je retourne à mes occupations. Encore une fois, j'entends quelque chose sonner, mais ce n'est pas la minuterie du four. Ça doit être mon frère - sauf qu'il ne sonne jamais d'habitude. Il a dû oublier ses clefs, probablement. J'ouvre la porte.
2 commentaires
LettersByLetters
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Il y a 6 ans
Nicolas Bonin
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Il y a 6 ans