Fyctia
- Chapitre 6-
Les cailloux s'écrasaient sur les parois vitrées de la serre, provocants des sons semblables à des coups de tonnerre. Je détestais l'orage, il éveillait en moi des souvenirs atroces et me serrait le cœur si fort que chaque battement en devenait douloureux. Le souffle court et les sens aux aguets, j'étais prête à me défendre sans savoir vraiment contre qui ni quoi.
Mon poignet était encore prisonnier de l'immense main de Godrik. Mon hôte, dont le visage était devenu si sombre que je n'osais pas lui dire qu'il me faisait mal, faisait grincer ses dents et jetait de rapides coups d'œil à l'extérieur. La rage de nos assaillants diminua légèrement quand Nicolae apparu. Je ne pouvais pas l'entendre, mais ses paroles calmèrent aussitôt le groupe de casseurs qui se dissipa sans demander son reste.
- Bien joué, s’esclaffa nerveusement Godrik en me lâchant.
Je fis aussitôt un pas en arrière et me mis à masser mon avant-bras. Une trace rougeâtre zébrait ma peau pâle et m'indiquait que j'aurais un magnifique bleu pour les trois jours à venir.
- Qui étaient-ce ? Demandais-je tout en restant sur mes gardes.
L'esprit sylvestre, qui ne m'avait pas quitté un seul instant, se glissa tendrement autour de mon cou et siffla quand Godrik s'avança vers moi.
- Les frères de ma défunte femme, rétorqua-t-il d'un ton sombre avant d'ajouter avec un sourire étrange : tu as quelque chose à purifier ?
Surprise, je me reculais d'un pas supplémentaire. Comment cet homme avait-il connaissance des plantes purificatrices ? M'avait-il surprise toute à l'heure ? C'était impossible. Je l'aurais remarqué.
Un gloussement nerveux m'échappa.
- Ma grand-mère me faisait des infusions pour dormir, mentis-je en prenant ma voix la plus douce. Et vu que je n'arrive pas à fermer l'œil...
- Tu es partie en chercher, me coupa-t-il avec un rictus moqueur.
Il ne me croyait pas une seule seconde et c'était bien normal. J'étais une très mauvaise menteuse. L'utilisation régulière du langage de mon peuple en était pour beaucoup.
- Mon frère m'a dit que tu aimais les fleurs, reprit-il sur un ton guilleret.
Avant d'emménager à Westwood, la famille Bort nous avait demandé de remplir une tonne de formulaires ainsi qu'une courte biographie. Évidemment, Hunter et moi n'avions fait aucune allusion à nos côtés magiques et surtout nous avions oublié quelques points sombres de notre passé.
J'étais ainsi devenue Aerin Weya, la petite étudiante de lettre tout droit sortie d'un patelin d'Oregon et contrairement à la famille Akins, j'avais gardé mon vrai prénom. Depuis quelques années, les humains s'étaient pris de passion pour les prénoms issus de Kaonaria. Il y avait donc une centaine de petites Aerin qui foulaient la Terre depuis une quarantaine d'années.
Hunter était officieusement mon cousin et nous étions tous deux venus dans le Missouri afin d'étudier la faune et la flore locales pour une thèse sur la nature à travers la fiction. Cette histoire à dormir debout semblait avoir plu aux Bort, qui nous avaient offert un job comme serveurs au Butler ainsi qu'un hébergement.
Étrangement jouer à l'étudiante ne me dérangeait pas plus que ça. J'étais incollable sur les plantes dites "utiles" et possédais, selon ma famille, la main verte. J'aimais également énormément les animaux de la forêt. Pas bien compliqué quand on se baladait depuis des années avec un métamorphe.
- Je vois que ma venue était très attendue, ironisais-je en regardant autour de moi.
La serre était remplie de plantes aussi rares que difficiles à faire pousser. Déposé soigneusement dans un coin, je vis un magnifique "Flamingo". Cette variété d'Acajou était connue pour la couleur rose pastel de ses feuilles et était généralement utilisée dans les filtres d'amour puissants. À côté, se trouvait un tout petit clérodendron sous une cloche de verre. Le parfum, que dégageaient les fleurs de cet arbuste, était si doux que les elenwen l'utilisaient dans leur savon ou dans certains rituels.
Mon souffle se coupa quand mes yeux se posèrent sur une plante en particulier. Isolée de toutes et mise à l'abri des rayons du soleil, il ne me fallut qu'un fragment de seconde pour reconnaître cette plante.
- Lòs rauca, marmonnais-je tout bas en m'approchant de plus près.
La robe noire et immaculée de la fleur du diable m'avait toujours fasciné. Elle était le symbole d'une mort lente et douloureuse, mais également d'un amour éternel. Une seule personne avait osé m'offrir une de ses fleurs et maintenant, je la fuyais comme la peste.
- Tu aimes les fleurs chauve-souris ? M’interrogea mon hôte et attrapant le pot.
À la lumière, les pétales prirent une légère teinte bleuâtre et les pistils se déployèrent de telle façon qu'on les aurait presque pris pour des pattes d'araignée.
- Elles me rappellent quelqu'un, hoquetais-je en changeant de sujet. Ton arbuste de clochettes d'argent est en train de mourir. Le pot est trop petit pour ses racines...
Étonné, Godrik reposa la fleur du diable et me dévisagea. Ses lèvres remuèrent sans émettre de son. Ses yeux rouge me scrutaient avec attention et semblaient chercher quelques choses.
- Enfin, je vous trouve, ronchonna quelqu'un en entrant dans la serre.
Godrik sursauta et se redressa vivement. Tout aussi surprise que lui, je suivis du regard le nouveau venu.
- Aden ! Bougonna-t-il nerveusement, je pensais t'avoir dit de ne pas entrer dans la serre ?
Le garçonnet leva les yeux au ciel.
- Nicolae m'a demandé de vous ramener au salon, se défenda-t-il en m'attrapant par la main. Il a fait un gâteau spécialement pour Aerin et Hunter...
Mes joues s'empourprèrent légèrement. Il y avait bien longtemps qu'on n'avait pas cuisiné pour moi.
7 commentaires
Babsoje
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Il y a 3 ans
cedemro
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Il y a 3 ans
Feline Grey
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Il y a 3 ans
Feline Grey
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Il y a 3 ans