Fyctia
Chapitre 13 - Poa
Après avoir serré Marianne contre son cœur, Poa inspira profondément, puis sortit de sa cabine. Le couloir était désert. Elle se dirigea vers le pont 4. La jeune fille ne savait pas ce que l'avenir lui réservait. Heureusement, désormais, Simon serait à ses côtés.
Sur le tarmac, Poa fut submergée par le bruit de la foule. Des centaines de personnes s’étaient rassemblées pour saluer les futurs étudiants. Des banderoles colorées et des slogans en l’honneur de l’Université de la Thermosphère flottaient dans l’air. Au milieu de la cohue, Poa aperçut Simon qui attendait près de la navette.
Lorsqu’il repéra la jeune fille parmi la foule, il se précipita vers elle visiblement soulagé de la voir arriver.
- Je suis content que tu sois venue. Je n’étais pas certain que tu viennes me dire aurevoir, dit-il en la toisant des pieds à la tête.
C’est alors qu’il aperçut sa valise.
- Où vas-tu ? demanda-t-il un peu sèchement.
- J’ai une bonne nouvelle, lui confia joyeusement Poa.
Simon haussa un sourcil interrogateur.
- J’ai été recruté par le pôle recherche de l’université de la Thermosphère. Je suis invitée à rejoindre une nouvelle unité qui étudie l’influence de la magie sur le génome humain. On va voyager ensemble.
Le jeune homme ne cacha pas désapprobation.
- Non, tu n’iras pas.
Poa faillit s’étrangler sous la surprise
- Pas de nouvelles depuis quatre ans, et aujourd’hui tu déboules dans ma vie. Qu’est-ce que tu crois, Mars ? Tu penses que je vais t’autoriser à prendre des décisions à ma place ? Te la joue pas grand frère autoritaire, après tout ce temps, s’indigna-t-elle.
- Justement, si ton frère était là, il serait d’accord avec moi, insista-t-il, buté.
Comment osait-il évoquer le souvenir de Sacha dans de pareilles circonstances ? Poa eut envie de l’étriper. Là, devant tous ces témoins. Au lieu de cela, elle s’entendit dire un truc affreux.
- Ton pote est mort, fais-toi une raison ! Moi, je me suis résignée. C’était mon frère aussi, rappelle-toi.
A mais quelle peste ! Sitôt prononcées, Poa regretta ses paroles blessantes.
- Je suis désolé. J’ai peur pour toi, avoua Simon avant de la prendre dans ses bras.
Elle lut sur son visage une tristesse effroyable. Alors, elle laissa Mars l’enlacer. Cet idiot avait toujours eu le don de la désarmer. Le nez enfouis dans la chemise de Simon, Poa fut projeter quatre ans en arrière. Son odeur familière lui rappelait la maison. Un lieu qui n’existait plus que dans ses rêves. Les souvenirs d’une vie oubliée affluèrent en masse : une vie dans la zone 5 des bas du Nord, une vie où elle riait souvent, une vie illuminée par les âneries d’un frère et la présence rassurante d’un père, une vie dans laquelle Sacha, Simon et elle travaillaient d’arrache-pied pour atteindre leurs rêves. Poa plongée dans ses livres scientifiques adorés, Simon et Sacha dévoués à l’étude de sortilèges nouveaux, flashy et, malgré tous leurs efforts, souvent foireux.
Poa sentit Simon se tendre subitement, entre ses bras. Elle se détacha de lui à contrecœur et suivit son regard. Rapidement, Poa identifia la cause cette tension soudaine : Sven Harris, celui qui dans l’arène avait bien faillit se faire aplatir par le Minotaure. La jeune fille s’étonna de cette animosité mal déguisée. Car, ce garçon au regard franc et sincère inspirait d'emblée la sympathie. Il avait un air doux, des yeux qui pétillent et les cheveux en bataille. Sven Harris irradiait un charme juvénile indéniable. Pour ne rien gâcher, le garçon avait le physique d’un danseur : tout en longueur et en muscle. Poa sourit. Simon Mars et Sven Harris était comme le jour et la nuit. L’un transpirait la bonne humeur et semblait doté d'une énergie solaire, l’autre dégageait, lui, une aura puissante et maîtrisée.
- Qu’est-ce qu’il t’arrive ? demanda Poa pour soustraire Simon à sa contemplation.
- Rien, juste un crétin, assura Simon avec une expression qui contredisait complétement ses dires.
A cet instant, Jude Klock qui venait d’arriver sur le quai, alpagua Poa. Comme une tornade, Le vieux président l’entraîna à sa suite sans qu’elle ne puisse émettre la moindre résistance. Il l’invita à prendre place à bord de la navette. Ni une ni deux, Poa lui emboita le pas, ravie de cette diversion. A bord, elle s'assit à ses côtés, à l’avant de l’appareil. A travers un hublot, elle contempla, une dernière fois la station et les supporters venus saluer les magiciens sélectionnés lors du tournois. La foule ne se lassait pas d’acclamer ses héros. D’ailleurs, leurs cris des spectateurs ne se dissipèrent qu’après le décollage.
C’était la première fois que Poa voyageait dans une navette équipée de hublots. Elle découvrait le monde pour la première fois. Dans cette navette étanche à la matière noire, la jeune fille n’avait pas perdu une miette du spectacle qui s’offrait à elle. D’abord, le vaisseau avait percé la nuit polaire en silence. Là, au-dessus du pôle couvert de glaces et d’ombres, une pointe d’angoisse avait étreint son cœur. Le vaisseau avait ensuite traversé une couche épaisse de nuages. A mesure que la navette progressait vers l’équateur et prenait de l’altitude, le soleil avait fait son apparition, nimbant d’une lumière dorée, une mer de nuage qui s’étendait à perte de vue.
Après plusieurs heures de vol, l’orpheline discerna un point sombre à l’horizon. A mesure que la navette approchait, cette forme grossissait. Arrivée à quelques centaines de mètres de la masse sombre, Poa découvrit un paysage stupéfiant.
- Nous arrivons, précisa alors Jude Klock.
Ce monde ne ressemblait en rien aux stations de rouille et d’acier du Nord. D’imposants bâtiments, probablement ceux qui abritaient l’université, étaient nichés au centre d’une île bordée de falaises abruptes et constellée de pics rocheux. Poa ne douta pas un instant que ce morceau de terre ait un jour appartenu à un continent. L’île principale qui, sans égard pour la pesanteur, flottait librement dans la Thermosphère, était ourlée d’ilots de petites tailles reliés entre eux par un réseau de ponts suspendus. Mais le plus incroyable était la végétation. L’île principale en était quasiment dépourvue. En revanche, les îles autours étaient, elles, recouvertes d’un tapis vert émeraude, si chatoyant qu’il semblait irréel. Sous son épiderme, Poa sentit s’éveiller comme un bruissement de feuilles agitées par le vent. Elle frissonna.
Jude Klock, qui attribua cette réaction à de l’appréhension, crut bon de préciser :
- Ne vous inquiétez pas, les premiers végétaux sont situés à bonne distance des bâtiments universitaires. Et puis, comme toute les stations, un sortilège rend cet archipel étanche à la matière noire. Aucune chance que cette forêt expérimentale ne se transforme en milliers de créatures maléfiques, énonça Jude Klock sur un ton rassurant.
Poa était sidérée. On lui avait enseigné que le règne végétal s'était éteint le 21 juin 2030, lorsque les ombres avait déferlé sur le monde. Voilà, qu'elle survolait la canopée d'une forêt luxuriante.
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Il y a 6 mois