CarlaHay Cul-sec et chantilly ! Dim. 6 Décembre - James - 1/3

Dim. 6 Décembre - James - 1/3

James


Un rapide coup d’œil à ma montre me rappelle que c’est bientôt mon tour. La femme qui est à mes côtés fait tout ce qu’elle peut pour me divertir, pensant que je suis stressé. La vérité est tout autre : je suis impatient de rentrer sur la glace.


— James, t’aurais pu faire un effort pour la tenue ! me sermonne ma mère alors qu’elle s’approche de moi pour lacer mes patins.

— C’est moi la star ou non ? je plaisante.

— Évidemment ! Mais j’aurais aimé que tu mettes autre chose que ce jogging, on va penser que tu prends l’événement à la légère !


Ce que la femme qui m’a mis au monde assimile à un survêtement n’est autre qu’un pantalon cargo très souple, le vêtement parfait pour que je puisse me transformer en Usain Bolt sur la glace. Je dois avouer que je n’ai jamais été un grand fan des leggings moulants que les équipementiers recommandent pour cette discipline que j’aime tant. Si les patineurs artistiques n’ont rien contre le fait d’être saucissonné, et de perdre ce qui leur reste de virilité, moi, je préfère la liberté que m’offrent mes pantalons amples. Il faut dire que ma mère, Nicole Peeters, a des prérequis assez élevés quand il s’agit de mode. Si je pouvais patiner en costume trois pièces, elle m’y obligerait, c’est certain !


— Au lieu de t’occuper de mes choix vestimentaires, va rejoindre toute la famille au premier rang. Je suis bien assez grand pour faire mes lacets.

— Hors de question ! Une tradition ça se respecte ! me rappelle ma mère d’un ton plus ferme. Je n’ai pas envie de me faire incendier par ton père !


Je ne peux m’empêcher de lever les yeux au ciel, pas parce que cette coutume familiale me dépasse, mais bien parce que je sais combien elle a raison. Quand est-ce que mon père arrêtera d’en faire des caisses sur cette histoire de lacets ?

Dans la famille Peeters, nous sommes tous nés les pieds dans des patins. Rose faisait du patinage artistique, mon autre sœur Romy pratique toujours le hockey sur son temps libre, alors que moi, j’excelle dans le patinage de vitesse. Avant chaque compétition, pour nous porter chance, nous devons laisser l’un de nos parents attacher nos fichus lacets. Si cette superstition pouvait être amusante, rassurante ou même fédératrice lorsque nous avions six ans, elle en devient presque ridicule aujourd’hui. Pour eux, aucune exception n’est envisageable. Si mes sœurs et moi avions eu tous les trois une compétition le même jour, aux quatre coins du pays, ils se seraient tout de même pliés en quatre pour nous chausser.

Ma mère, à genoux devant moi, n’attend pas que je proteste à nouveau pour respecter cette tradition si chère à mon père.


— C’est bon, Maman ! Tu peux retourner voir tout le monde ! je lui ordonne alors qu’elle vient de terminer sa tâche.

— Attends que je sois installé pour te lancer, hein !

— Promis ! Allez, dépêche-toi, c’est pas tous les jours qu’on m’encense ! je plaisante.

— Je rêve du jour où mon fils deviendra modeste ! se moque-t-elle en saisissant ma main pour se relever.

— J’ai bien peur que tu ne doives te contenter de mon égo démesuré d’enfant gâté ! je la charrie, le sourire jusqu’aux oreilles.

— D’autres petits enfants, ça me ferait oublier combien tu as un aussi gros melon, Jay chéri !


Ah tiens ! Ça faisait longtemps que je n’avais pas eu le droit aux très subtils messages subliminaux de ma mère !


— Allez Maman, sors d’ici, je ne veux plus te voir ! je plaisante, en lui faisant signe de partir.


Alors qu’elle s’apprête à sortir du petit chalet en bois qui sert de vestiaire, elle se retourne vers moi pour me regarder en silence.


— Qu’est-ce qu’il y a encore Maman ? Je vais bientôt devoir rentrer sur la glace, et tu ne seras pas à côté de toute la famille.

— Non rien… Tu es juste si beau mon fils ! Tu vas nous éblouir, je le sais ! me complimente-t-elle, les yeux humides.


C’est bien beau la virilité et la tendance que nous avons, nous les hommes, à montrer combien nous sommes forts, puissants, néanmoins on ne fait pas le poids quand notre mère nous balance tant d’amour en une phrase. La mienne a vraiment un don pour foudroyer mon arrogance naturelle. En quelques mots, elle arrive chaque fois à me rappeler que je ne suis que son fils, prêt à lui rendre au quintuple tout ce qu’elle a pu faire pour moi depuis ma naissance. Comme j’en ai l’habitude, je lui fais un clin d’œil forcé pour cacher mon émotion avant de me diriger également vers la sortie.


Dix minutes plus tard, mon corps retrouve sa maison. Rien à changer quand je regarde le spectacle qui m’est offert. Mes patins s’apprêtent à se poser sur cette glace quasi parfaite, pourtant mes yeux ne sont pas encore prêts à ce que je démarre mon plus beau sprint. Cette année c’est à moi que revient l’honneur d’inaugurer la patinoire d’hiver installée sur une partie de la Grand Place de Bruges. Lorsque j’étais enfant, nous venions chaque année pour regarder les plus grands patineurs de la région nous montrer leurs plus belles figures. Aujourd’hui, je fais partie des quatre premiers sportifs à pouvoir sculpter la glace, c’est vraiment le pied !

En levant les yeux, je vois que le public répond toujours autant présent, la patinoire est scrutée par des centaines de personnes. J’aimerais prendre encore le temps de profiter de cette vue de dingue, mais le speaker vient d’entrer sur la glace pour nous appeler. Mon nom résonne à peine dans les enceintes installées aux quatre coins de la patinoire que mes mains gantées lâchent la rambarde pour me laisser entrer sur la glace. Mes pieds ont à peine touché le sol que je me sens flotter. Ma place sera toujours ici.


Après avoir remercié le public d’être venu, le speaker présente les quatre patineurs du jour en ne manquant pas de vanter nos parcours. Ça me fait toujours un petit pincement quand on me rappelle que j’ai refusé de partir à ces Jeux Olympiques, que j’ai choisi ma famille au lieu de la gloire, mais je balaie vite cette pensée, c’est de l’histoire ancienne. Cela ne va pas m’empêcher de mettre une raclée à mon adversaire du jour : Justin Talbots. C’est un jeune prometteur que j’ai déjà vu s’entraîner à la patinoire de Sainte-Anne, sauf que sa fougue adolescente n’est pas capable de prendre le dessus sur ma faim dévorante de vitesse. Tout mon quotidien est fait d’efforts, d’autant plus en ce moment où j’assure deux emplois. Cela fait déjà une dizaine de jours que je n’ai pas pu m’entraîner, c’est un euphémisme de dire que je suis impatient. Je meurs d’envie de dévaler la piste, de montrer à la ville que James Peeters sera toujours le plus rapide. En attendant le départ, Justin et moi, nous nous jaugeons. Comme des athlètes sur piste, nous sommes prêts à nous lancer. Les encouragements ne font qu’accentuer mon exaltation, il est temps de montrer que le talent ça ne disparaît pas comme ça !


Attention ! Prêts ? Partez !


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3 commentaires

Birdie

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Il y a 4 ans

J'ai beaucoup aimé ma lecture. On s'attache tout de suite à Salomé. Je fais une pause mais je suis curieuse de voir comment elle va séduire James😉 belle plume et belle découverte😉

CarlaHay

-

Il y a 4 ans

Je suis vraiment ravie de voir ton retour, j'espère que la suite ta plaira tout autant !
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