Fyctia

Une fois sur là-bas, je profite du calme du centre-ville pour faire des photographies de la place, il faut croire que les Brugeois ne sont pas du matin aujourd’hui. Le soleil qui se fraye une place à travers la grisaille, réchauffe les façades colorées du centre-ville. Avec mon petit appareil Bridge, je prends le temps de saisir l’atmosphère douce qui règne en ce début décembre. Mes doigts, eux, sont beaucoup moins ravis de subir les faibles températures de l’hiver. J’ai beau avoir investi dans des pulls, des manteaux et de grosses chaussettes, je ne me suis toujours pas adaptée à ce froid polaire. 

Après avoir dépassé le marché de Noël que j’ai découvert en début de semaine, j’arrive devant cette gigantesque patinoire qui semble parfaite. Un homme fait sans cesse des allers-retours au volant d’une grosse surfaceuse, pour que la glace n’ait pas une seule aspérité, pendant que plusieurs groupes disposent des flyers sur les sièges des tribunes. C’est après avoir effectué une dizaine de minutes de prise de vue que je remarque que la foule commence à se rassembler. D’après ce que j’ai lu partout sur le web, l’inauguration de cette patinoire est une vraie tradition. Chaque année, les Brugeois se réunissent en nombre pour profiter du spectacle que proposent de grands patineurs, ils flânent sur le marché de Noël, puis vers le déjeuner, ils vont tous se ravitailler en frites, gaufres et bières pour profiter d’une journée en famille. Je crois que les habitants de Bruges ont trouvé la parfaite application des fêtes de Noël, en tout cas profiter d’autant de bonnes choses me fait saliver. 

Avant de pouvoir me délecter de ce spectacle à mon tour, j’ai à faire pour que Richard soit satisfait. Avec mon téléphone en mode enregistreur, mon appareil photo autour du cou, je pars à la recherche de volontaires pour mes interviews. Ce qui est sûr, les habitants se sont levés du bon pied ce matin – contrairement à moi – parce qu’ils sont tous ravis de me répondre. En une heure et demie, j’ai déjà une dizaine d’interviews toutes plus amusantes les unes que les autres. 

Bien que j’aie traîné des pieds lorsque Richard m’a obligé à prendre le relais de sa petite protégée, tous ces gens font valser mon côté râleur. Tout le monde a des défauts, hein ? Il faut croire que Dame Nature, lors de l’attribution de ceux-ci, a décidé que d’être Madame Grognon m’irait à merveille. Maintenant que mes enregistrements vocaux sont bouclés, et que ma gueule de bois commence à s’atténuer, je vois cette journée sous un autre angle. Certes, il fait froid, j’ai peu dormi, mais le soleil est là, la bonne humeur de ce public déteint sur moi, et en supplément, je vais manger une grosse portion de frites à midi avec Elizabeth. On a connu pire comme dimanche ! 

En attendant mon amie, je me décide à profiter du spectacle. C’est vrai que je n’ai jamais vu de patinage de haut niveau en vrai, ça serait dommage de louper ça. Grâce à mon arrivée matinale, je me retrouve du côté des tribunes, endroit presque inaccessible maintenant que la foule peuple les pourtours de la patinoire. 

     “Mesdames, Messieurs, faites un tonnerre d’applaudissements pour James Peeters et Justin Talbots !” 

    Ma mâchoire est à deux doigts de se décrocher après avoir entendu le speaker annoncer les premiers patineurs. Qu’est-ce que James l’arrogant fait sur cette glace ? Bouche bée, je le vois rentrer sur la patinoire avec un pantalon cargo de couleur camel et un sweat noir de marque, avec une classe qui me scotche. Pourquoi ce mec se trouve partout sur mon passage ? Bon ok, c’est moi qui ai décidé de lui courir après afin qu’il me lâche des informations cruciales pour mon enquête, mais je reste sur le cul en le voyant se positionner pour le départ. Pourquoi je n’ai vu nulle part qu’il était un ancien patineur ? Sur internet, on trouve nombre d’articles sur son parcours universitaire, sur ses engagements, néanmoins, à aucun moment je n’ai vu qu’il pouvait être un grand patineur. 

Alors que la course de vitesse commence, je ne le lâche pas une seconde. Je ne sais pas ce qui est le plus énervant pour moi : qu’une information cruciale m’ait échappée ou qu’en plus de ça, il soit ultra bon dans cette discipline ? En à peine un tour, il a déjà pris énormément d’avance. Le sourire étincelant qu’il offre à la foule alors qu’il accélère, a le don de m’agacer. Il est fort et il le sait ! 

    Évidemment, il gagne sa course, et fait craquer tout le public au passage. Qu’est-ce qu’il est casse-pied à être doué dans tout ce qu’il fait ! Que ce soit pour me faire taire en conférence de presse ou pour patiner à une vitesse folle devant toute la ville. Après avoir salué son adversaire, il rejoint le centre de la patinoire en faisant le show. Un léger coup d’œil autour de moi me confirme ma première impression : tout le monde est sous le charme. Bien droit à côté du speaker, je ne peux m’empêcher de le regarder. Toujours le menton relevé, ses cheveux d’habitude si bien dressés en arrière, retombent légèrement sur son visage, ce qui est carrément craquant. Je me déteste rien que de faire ce constat. Son sweat, peut-être un peu juste, souligne sa carrure. Il a beau me donner en permanence envie de le gifler, je ne peux pas lutter face à son charisme. C’est indéniable, il a un truc à part, pourtant, quand je regarde ce large sourire qu’il arbore, je pense à mon enquête, à ces enfants. James Peeters peut m’aider à découvrir la vérité sur cette affaire, il est temps que je lui fasse une petite piqûre de rappel.