Fyctia
Vendredi 4 déc. - Salomé - 1/2
Partie 2 - Salomé
– Attends… C’est lui le connard dont tu me parles depuis hier ? me demande Elizabeth en me montrant le portrait de James Peeters sur l’écran de son téléphone.
– Affirmatif ! je lui confirme en continuant d’éplucher les comptes-rendus des conseils municipaux de ces deux dernières années.
– Je veux bien avoir plus de connards dans ma vie s’ils ont tous gaulé pareil ! ricane-t-elle.
Si seulement le physique avantageux de l’attaché de presse de la mairie pouvait me faire oublier à quel point il a été odieux avec moi…
– Je peux t’assurer que tu aurais autant eu envie de le faire taire que moi. Il n’a pas répondu clairement à une seule de mes questions !
– Est-ce que j’ai besoin de te rappeler que tu n’étais même pas censé ouvrir la bouche ? me sermonne Liz.
Je vais en entendre parler pendant des semaines, je le sens…
Lorsque je suis sortie de l’hôtel de ville hier, je me suis empressée de retourner au bureau pour organiser mes prochains micro-trottoirs. Mon vrai job ne se fait pas tout seul malheureusement. J’avais beau être sur les nerfs, ma culpabilité envers Liz a pointé le bout de son nez à l’instant où j’ai vu son visage impatient dans l’open space. Occupée à regarder ses statistiques Instagram, elle n’attendait qu’une chose : que je lui raconte comment s’était déroulé cette conférence. Face à son excitation débordante, je n’ai pas pu mentir et je lui ai tout raconté. Elle n’a pas été aussi furieuse que je me l’étais imaginé. En réalité, elle savait déjà que je ne pourrais pas me retenir de mettre mon grain de sel. Cette affaire me paraît tellement dingue que je m’accroche au moindre détail, si bien que dans cette salle, hier, je ne pouvais pas laisser mon seul informateur s’échapper aussi vite sans tenter ma chance. Mon amie m’a fait la morale une bonne dizaine de minutes, puis elle s’est finalement concentrée sur les informations que j’ai pu obtenir. En soit, elles sont très faibles, mais j'ai la certitude qu’il y a énormément à découvrir, et pour le moment c’est largement suffisant.
– C’est bon, Liz… Je ne pouvais le laisser faire le beau comme ça… Il mérite qu’on le gifle, ce prétentieux !
– Tu me répètes la même chose depuis hier, t’es accro ! se moque-t-elle. Il doit être sacrément sexy pour t’envoûter à ce point ! rajoute mon amie, le sourire en coin.
– Arrête avec ça ! Ce n’est pas son physique qui m’énerve, c’est qu’il défende un pourri !
Depuis hier, j’ai eu le temps de cogiter. Malgré que son arrogance ait blessé mon égo, je sais rester objective. James Peeters ne m’a rien prouvé de concret. Il n’a fait que me rabaisser en sous-entendant que je n’avais pas assez travaillé mon sujet, mais à aucun moment, il ne m’a proposé un argument imparable. S’il croit que la meilleure défense c’est l’attaque, il a tort. Il a juste réussi à me blesser suffisamment pour que je veuille le voir perdre, et c’est ce que je compte faire.
– T’en sais rien encore… Le but d’une enquête, c’est de trouver une vérité à raconter. Tu veux absolument démontrer que Van Daat est un pourri, et ce beau James, lui, veut te convaincre qu’il n’en est pas un ! C’est juste une question de point de vue !
– Il va devoir se perfectionner alors ! je finis par ironiser. Pour le moment, je ne suis vraiment pas convaincue. Mais j’ai un plan qui, je pense, va le surprendre !
– Quand tu annonces une stratégie, j’ai peur ! Promets-moi que tu ne feras pas brûler la mairie pour ses beaux yeux ! plaisante Liz en continuant d’analyser son réseau social.
– J’ai fouillé le LinkedIn de ce mec, il n’a pas vraiment un parcours en politique des plus traditionnels. Il a fait des stages dans des ONG, dans des associations de quartiers, et beaucoup de mécénat social avant d’arriver à la mairie. Regarde ça ! lui dis-je en montrant mon écran d’ordinateur. Tu ne fais pas un tel parcours universitaire si tu n’en as rien à foutre des gens ! Si j’insiste, encore et encore, il va lâcher quelque chose !
– Non mais qu’avez-vous fait de ma meilleure pote ? Vous êtes un véritable démon !
– Et j’ai encore mieux, quand je sortais de l’hôtel de ville, j’ai entendu des bruits de couloirs. Il paraît qu'en dehors de son boulot d'attaché de presse, il fait des heures dans une gaufrerie qui se trouve dans la rue St J. Je crois que je vais aller en rajouter une couche en sortant du boulot.
– T’es vraiment une harceleuse machiavélique ! lâche Liz, morte de rire alors que je finis de lui expliquer mon plan d’attaque. Je peux venir regarder le spectacle ?
– Hors de question ! Tu vas tout faire foirer avec ta discrétion légendaire ! je plaisante.
– Tu peux parler, toi qui renverses tout sur ton passage !
Sur ce point-là, elle n’a pas tort, sauf que je compte bien tirer mon épingle du jeu en allant surprendre ce cher Peeters hors de sa zone de confort à la mairie.
***
Après avoir fini de préparer mon reportage de la semaine prochaine, je sors à la hâte de nos bureaux pour me diriger vers la boutique de gaufres où j’espère tomber sur James, l’arrogant, le prétentieux. Mon vocabulaire semble déjà si développé pour le caractériser. Récupérant mon vélo hollandais vert tout rouillé sur le parking couvert de notre immeuble, je m’empresse de l’enfourcher. Cela fait déjà plus d’une heure et demie que le soleil s’est couché, et en pédalant, mon esprit se laisse distraire par les toitures à pignons toutes éclairées différemment. Les Brugeois semblent trouver leur ville anodine, sûrement parce qu’ils la connaissent par cœur, mais moi, je n’arrive pas à m’en lasser. Il faut dire qu’aucune façade du centre-ville ne se ressemble, on ne peut que s’attarder sur chaque devanture la bouche entre-ouverte. En cette période des fêtes, je suis beaucoup trop sensible au charme de cette ville où Noël semble être partout. Alors que je progresse en direction de la gaufrerie, mes yeux sont attirés par tous ces bâtiments de briques colorées qui semblent avoir des centaines d’histoires à raconter. Une fois arrivée au numéro deux de la rue Saint-Jacob, l’inscription “Chez Rose et Graham” m’indique que je suis au bon endroit. J’accroche l’anti-vol de mon vélo sur une canalisation avant de me retourner vers la boutique.
En levant les yeux, je suis ébloui par le charme de ce petit magasin de gaufres. Les guirlandes allumées font ressortir les briques roses de la façade ainsi que les menuiseries noires de la vitrine. Malgré le froid polaire de ce début de soirée, deux clients profitent des quelques tables qui sont installées dans la rue pour déguster des gaufres copieusement garnies. C’est tellement mignon que je m'accorde quelques secondes pour prendre une photo avec mon téléphone de cette devanture. Liz adorerait cet endroit, c’est certain.
1 commentaire
Camille Jobert
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Il y a 4 ans