Fyctia
Mardi 1er décembre - 3/3
– Et donc, comme je te disais, après que tu m’aies lâchement abandonné hier soir, ce fameux Romuald, qui avait l’air bien sous tous rapports, a trouvé le moyen de vomir sur le trottoir alors que je m'apprêtais à lui proposer de venir découvrir ma chambre !
– Excuse-moi de t’abandonner après huit bières dans l’estomac ! je ricane.
– Tu perds rien pour attendre ! Ce soir, on recommence !
– Non! Ce soir je me pose à la maison. Je dois trouver un plan pour impressionner Richard !
– Allez… Juste quelques verres pour décompresser !
– Liz ! Premièrement, juste quelques verres, ça n’existe jamais avec toi ! D deuxièmement, je connais plein d’autres activités géniales pour me vider la tête qui n’incluent pas que j’ai la gueule de bois et l’estomac en vrac !
– J’ai trouvé ! C’est ton estomac le problème !
– Oui, ça doit être ça ! je renchéris, en pouffant de rire.
Il n’y a pas à dire, Elizabeth est mon anti-dépresseur favori.
– Bon, on mange quoi ? je demande impatiente.
– Tu vas voir, le chef va nous préparer un repas sur-mesure. On va être chouchouté comme des reines !
– Vivement que ça arrive alors, car après cette matinée intense, je meurs de faim !
– Vas-y, raconte-moi cette entrevue avec Richard ?
– Je lui ai demandé cash de faire moins de micro-trottoirs, mais il m'a ri au nez en insinuant que j'étais trop impatiente ! Ça me saoule de ne pas progresser assez vite, si tu savais ! En plus, je ne sais vraiment pas comment me démarquer pour qu'il me laisse enfin une chance de faire autre chose que ces petites interviews.
– Je crois que tu t'es fait berner par son attitude faussement bienveillante, ma belle. Il ne fait jamais rien par gentillesse ou par bonté d'âme. Pour le moment, il ne voit pas tout ce que tu peux lui offrir, car lui tout ce qu'il veut, c'est générer du clic pour qu'on gagne encore plus de fric.
– Ça, on est bien d'accord ! je lui réponds en nous servant deux verres d'eau.
– Merci ! D'ailleurs, j'ai peut-être une idée que tu pourrais discrètement proposer à Richard !
– Je t'écoute !
– L'autre soir, quand tu étais en reportage à la soupe populaire de je ne sais plus quel quartier, j'ai été boire un verre avec Léo. Tu sais le journaliste politique sexy qui bosse à L'Echo.
– Oui, oui je me rappelle très bien !
– Il m'a dit quʼil avait trouvé des chiffres qui ne concordaient pas dans le budget de la ville. Il a un peu creusé, et s'est rendu compte que la part du budget qui est allouée aux cadeaux de Noël des enfants de la ville, avait considérablement diminué en trois ans. D'après ce qu'il m'a dit, cet argent n'a pas été utilisé ailleurs. Il a totalement disparu.
Mes yeux clignent tout seuls tellement je suis sur le cul face au scoop que me révèle mon amie. Comment une telle chose peut se produire ? Du moins, je sais très bien qu'il y a des pourris partout, et qu'en politique c'est monnaie courante, mais Noël, c'est sacré, merde !
– Tu rigoles ? Comment se fait-il qu'aucun article ne soit sorti sur le sujet ? je m'empresse de lui demander.
– Léo avait l'air de dire que lorsqu'il a présenté le sujet à son rédacteur en chef, celui-ci a mis son veto directement. D'autres médias auraient fait la même chose.
– Attends… Les organes de presse refusent de creuser sur un putain de détournement de fonds ? Mais je rêve…
– Oui ! Ils ont dû avoir des pressions, je suppose.
– Raison de plus pour creuser !
– T'as envie de mettre ton grain de sel, hein ?
– Carrément ouais ! Tu te rends compte les cadeaux de Noël des enfants ? Qui fait ça ?
– C'est bon, ta face de grognon a disparue. J'ai retrouvé ma copine sniper, prête à dégommer tout le monde !
Dans ma tête, tout va trop vite. Elizabeth vient de me servir l’occasion rêvée d’en mettre plein la vue à Richard, sur un plateau. Elle n’imagine pas à quel point c’est un cadeau, car si les journalistes politiques que connaît Liz ne semblent pas motivés à contredire leurs patrons, moi je n’ai rien à perdre. Ma faim s’est instantanément volatilisée, je meurs d’envie de courir au bureau pour lancer les recherches. Il faut que je me procure les budgets de la mairie, que je contacte les associations locales pour connaître leurs positionnements, que je laisse mon oreille traîner dans les couloirs de l’hôtel de ville, je pourrais même contacter cette analyste financière que j’avais rencontré en septembre... Si ma collègue pense que je devrais faire cette proposition à notre rédacteur en chef, je suis, moi, contre cette idée. Il n’est pas prêt à me laisser faire mes preuves, et si je lui livre sur un plateau doré ce sujet, il l’offrira à cette lèche-cul de Jane. Il n’y a qu’une solution : je dois faire cette enquête en secret. Alors que je sors mon carnet préféré et mon quatre couleurs de mon sac à main, mon amie m’interpelle :
– Ne me dis pas que tu vas griffonner pendant notre repas dans ce super resto ?
– Il faut que je note tout de suite mon plan d’attaque avant qu’il ne me sorte de la tête ! dis-je en écrivant à toute vitesse ma to-do list. D’ailleurs, t’as toujours ton accréditation pour la mairie ?
– Non, je ne vais pas te filer mon pass. Même pas en rêve !
– Liz, putain ! Tu ne peux pas me lâcher une bombe pareille et ne pas m’aider ensuite ! Il ne te sert plus à rien depuis que tu n’es plus l’assistante de Georges.
– Si on se fait prendre, je t’étrangle, je te jure ! Promets-moi que tu ne feras pas de vague !
– Promis ! Je vais me tenir parfaitement sage ! D’après ce que je vois sur leur site, il y a une conférence de presse après demain, ton pass me sauverait la vie !
– C’est bon, il est à toi. Mais tu te tiens à carreaux !
– Ne t’en fais, je serai irréprochable ! Ne dis rien à Richard, je préfère la jouer solo dans un premier temps !
Elle a envie de me tuer, je me sens un peu mal de la mettre dans une telle posture, sauf que c'est l’occasion que j’attends depuis des mois pour montrer de quoi je suis capable. Je ne sais pas où cela va me mener, mais j’ai une bonne intuition. Je me lève toute excitée, et me jette dans ses bras pour la remercier !
– T’es vraiment la meilleure copine de la terre !
– En échange, tu ne veux toujours pas accepter un rencart avec mon cousin ? Il parle de toi tout le temps !
– Dans ses rêves ! je lui lance.
En nous regardant comme deux imbéciles, nous éclatons de rire. Une fraction de secondes plus tard, nous nous stoppons en voyant notre serveur, habillé à quatre épingles, avec de belles assiettes. Nous lui adressons un sourire gêné qui sonne comme une excuse pour l’agitation qu’on provoque dans son restaurant. En me voyant à genoux à côté de la chaise d’Elizabeth, c’est lui qui est pris d’un petit rire.
Finalement cette journée semble prendre une tournure beaucoup plus intéressante !
22 commentaires
Coeurs d'encre
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Il y a 4 ans
Alexenrose
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Il y a 4 ans
Aby Mery
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Lili CL MARGUERITE
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CarlaHay
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Il y a 4 ans