Fyctia

Ce ne fut qu'après cinq minutes de marche que je pus apercevoir le point de rassemblement.

Il y avait deux tours faites de bois en première ligne et une centaine de mètres plus loin, on pouvait observer les nombreuses tentes à la toile blanche avec le blason de l'Empire cousu dessus. Le plus impressionnant était l'énorme drapeau qui virevoltait dans tous les sens suite aux assauts du vent.

Il n'y avait aucun doute: nous étions bien dans un campement de guerre et je savais pertinemment que si la pluie n'avait pas été aussi forte, nous entendrions le bruit des divers entraînements. Il restait à présent environ trois semaines avant de démarrer la guerre et les soldats ne pouvaient se permettre de perdre des heures d'entraînement à cause d'une météo plus qu'houleuse.

Nous arrivâmes près des tours et nous étions attendus par trois personnes à leurs pieds, bien que surveillés par six de plus avec des flèches prêtes à être décochées au moindre signal.

- Déclinez votre identité, ordonna l'homme du milieu, ayant probablement un poste important.

Georges s'avança d'un pas assuré et présenta son insigne de garde.

- Georges, garde de la sorcière, vous présente ses salutations.

Je sus que le mot sorcière avait interloqué l'homme et choqué la femme et le garçon plus jeune qui se trouvaient légèrement derrière lui.

- C'est la fameuse sorcière? demanda l'homme pour être sûr.

- Rosalina, déclarai-je.

- Pardon? me demanda-t-il en écarquillant les yeux.

- Pas la fameuse sorcière mais Rosalina. C'est mon prénom.

Je regardais mes ongles pendant qu'ils me dévisageaient, peut-être étaient-ils surpris de m'entendre parler.

- Vous allez nous montrer le chemin, maintenant? insistai-je, un peu impatiente de rester là, sous la pluie, à attendre.

Pour voir leur réaction, je fis apparaître une petite flamme du bout de mes doigts et commençai à jouer avec en observant les trois personnes qui nous barraient la route.

Je vis la femme hoqueter de surprise, l'homme ne fit que me regarder, ne sachant pas comment réagir, tandis que le plus jeune dégaina son épée sous la peur.

Je ricanai car tous avaient peur de ma petite flamme qui était pourtant inoffensive.

- Pas de magie, intervint Georges.

- Je me réchauffe, et de toute façon, je peux utiliser ma magie, je te l'ai déjà dit.

Pour la première fois, je pus lire une expression dans ses yeux et ils me dirent d'arrêter.

Ce ne fut que parce que Queue-touffue m'alerta du danger des archers qui étaient vraiment sur le point de nous bombarder de flèches que j'éteignis la flamme.

- Vous êtes d'un ridicule à être affolé comme ça! lâchai-je.

Je pris alors, de par ma propre initiative, le chemin de la première grande tente que je voyais, supposant qu'elle servait un peu d'accueil pour les nouveaux arrivants.

Ils me regardèrent tous avancer sans un mot avant que mes pseudo-gardes ne se décident à me suivre. Je passais la tête haute à côtés des trois surveillants de l'entrée et croisais l'espace d'un instant le regard du plus jeune. Je sus qu'il éprouvait un mélange de sentiments à mon égard, il était partagé entre la peur, la fascination et le désir. Probablement que l'interdit devait attirer les hommes les plus téméraires.

Queue-touffue grogna pour les prévenir de ne pas approcher et ils bondirent tous, semblant ne le remarquer que maintenant.

J'ouvris la tente d'un grand coup et vis qu'il n'y avait qu'un vieille assis derrière une table avec une montagne de paperasses. Nous nous dévisageâmes tous les deux et je pris la décision de retirer ma capuche, laissant respirer mes longs cheveux si atypiques.

- Hmm, la sorcière, déclara-t-il. J'ai une lettre de la part de l'Empereur pour vous.

- Ah! Des nouvelles de ce très cher Empereur! m'exclamai-je non sans une pointe de sarcasme.

Je m'approchai du vieil homme et lui pris l'enveloppe blanche qu'il me tendait.

Je défis le sceau doré portant la marque de l'Empereur et lus la missive à voix haute en entendant mes gardes rentrer.

" Je, soussigné, Empereur de ce territoire, permets à la sorcière Rosalina Fietsberg de circuler librement dans le camp d'entraînement, la libérant de tout garde en temps de guerre et uniquement sur le périmètre du camp et lors des batailles. Il lui ait aussi autorisé de pratiquer la magie à plein potentiel uniquement sur les champs de bataille et sur les ennemis de l'Empire."

J'eus le sourire le plus sincère depuis que mon Maître était décédée. J'avais un semblant de liberté. Merci la guerre, de tout coeur. J'entendis mes gardes soupirer de soulagement, sauf Georges qui me fixa.

Je ne savais pas dire s'il était mécontent ou heureux de cette annonce mais dans tous les cas, moi j'étais heureuse et je remerciais la Terre-Mère pour le miracle qu'était cette guerre.

- Désirez-vous participer à un entraînement? poursuivis le vieil homme, complètement indifférent à la situation, il faisait juste son boulot et c'était tout.

- Qu'avez-vous comme entraînement? demandai-je, surexcitée.

- Êtes-vous sûr qu'elle puisse y prendre part? demanda Georges, le seul garde qui était resté dans tente, tous les autres étant partis après la lettre.

- Il n'est mentionné nulle part qu'elle ne peut pas et des mains en plus, ensorcelées ou non, seront très utiles en temps de guerre.

Georges ne trouva rien à y redire et le vieil homme reposa ses yeux sur moi.

- Entraînement à l'épée, à la lance et en tant qu'archer. Il y a aussi la cavalerie et les outils de guerre mais ils sont réservés à des classes spéciales.

- Je vais m'entraîner à être archère alors, répondis-je.

J'avais toujours voulu manipuler un arc et j'allais enfin pouvoir le faire.

Je le vis inscrire quelque chose suite à ma réponse puis il reprit la parole.

- Très bien, votre tente se situe dans l'allée onze, la dernière à droite en bordure de forêt.

Je remis ma capuche et sortis de la tente un grand sourire aux lèvres.

Tout s'annonçait merveilleusement bien pour moi.