Fyctia
Chapitre 1- Asmodée (partie 1)
Asmodée - 18 ans
Juin 2023
Green River - Wyoming
Le monde entier est un théâtre. Et tous, hommes et femmes, n'en sont que les acteurs. Chacun y joue successivement les différents rôles. - W.Shakespeare.
Je regarde ce petit écriteau que j’ai affiché au-dessus de mon bureau, il est brodé en rouge sur un fond noir. J’adore cette citation. Shakespeare m’a toujours inspiré. J'ai lu tous ses livres et j’affirme encore que cet homme est un génie. On m’a souvent dit que j’étais comme ces adolescente, groupie d’un acteur ou d’un chanteur. C’est vrai, je défend bec et ongle cet illustre dramaturge pour autant, je ne pense pas être une groupie. Je sais reconnaître que son œuvre n’aurait probablement pas été aussi bien écrite à une autre époque.
Cet écriteau à un charme particulier pour moi. Après tout, ma petite sœur a appris à broder pour pouvoir me le faire. Elle n’est pourtant pas très manuel. Ça m'a d’autant plus touchée. Elle me l’a offert pour me porter chance quand je me suis inscrit à l’université. Je l'avais d’abord installé dans mon casier, au lycée. je ne pouvais pas me résoudre à le laisser dans un carton en débarrassant mes affaires. Alors il est la, affiché au mur entouré de moult programmes des pièces dans lesquelles j’ai joué au lycée ou de billet pour celles que j’ai été voir en tant que spectateur, mais aussi de mes photos du théâtre du Globe en Angleterre, ou nous avons été en vacances quand j’étais plus jeune. Les rumeurs sont fondées, je suis une vraie groupie. Cette pensée m’arrache un rire.
Je m'assois sur ma chaise et détache enfin mon regard de l’écriteau pour le poser sur une enveloppe. Ma dernière chance se trouve dans cette enveloppe blanche. La dernière université à laquelle j’ai postulé m’adresse sa réponse dans cette lettre. Et non seulement c’est ma dernière chance d’avoir une réponse positive mais c’est aussi mon premier choix, l’université que je visais en premier lieu. Celle qui m’a le plus attiré pour bien des points : son programme plutôt bon en art dramatique, mais aussi son coups, qui permettrait à mes parents de payer mes études sans s’endetter. Et surtout… Le coup de la vie à proximité. Je vais pouvoir me loger pour un prix décent. Et comme elle est dans une ville très populaire, décrocher un petit emploi si besoin devrait être facile. Je pourrais presque adresser une prière au bon Dieu, pour peu que je puisse croire à ce genre de chose. Je vais donc me contenter de croire en mes capacités et à avoir espoir que je ne sois pas si malchanceux. Ce n’est pas chose aisée après six refus. Si cette lettre n’est pas positive, je ne sais pas ce que je ferai de ma vie. Je n’ai aucun plan B. Chez les Williams, nous n’avons jamais de plan B. Tout se passe lors du plan A. Et si ce n’est pas le cas, tout ce qui se passe devient le plan A. Sauf que cette idée m’effraie. Je ne veux pas être un poids pour ma famille. Même si j’entend la voix de ma mère me reprendre. Ses enfants, quels que soient leurs avenirs, ne seront jamais des poids pour elle. Ni pour mon père.
Je passe mon pouce sur le logo de l’université de l’Ohio. Je ne retiens pas un soupir, je dois me calmer. Ce n’est qu’un courrier, pas une mise à mort. Je songe à mes parents, ils vont m’en vouloir de ne pas les attendre, de garder si secret la lettre qu’on attend tous depuis des semaines. Je sais que mes parents ne seraient pas déçus si je n'avais aucune université pour la rentrée mais moi je le serais. Par conséquent, je n'ai pas vraiment envie de découvrir la réponse avec eux et de voir la pitié dans leurs regards.
Je n’ai jamais été un élève catastrophique mais il est vrai que j’aurais pu faire plus d’effort pour que mon dossier soit meilleur. J’aurais dû faire plus d'effort pour que ça soit le cas. Ainsi, je ne serais pas dans cette situation. Pourtant je suis sûr qu’il existe quelque part dans cet immense pays, une université faite pour moi. Je n’ai simplement pas envie d’attendre encore un an pour la trouver.
Je passe lentement mon ongle sous le rabat de l’enveloppe. Je crois que personne n’a jamais mis autant de temps à ouvrir une enveloppe. J’en sors le papier que je déplie. Je regarde mon nom sur l'en-tête, mon propre nom. Décidément, Asmodée, tu bats tous les records, un siècle pour ouvrir une enveloppe, un autre pour lire ton propre nom… C’est bien beau, mais ça fait un peu pitié. T’es sur que l’université c’est fait pour toi?
J’inspire et prends mon courage à deux mains. Je parcourt alors les quelques lignes écrites sur la feuille que j’ai sous les yeux. Elle n’est pas très longue, pourtant j’ai l’impression qu’elle fait plusieurs kilomètres. Mon cœur loupe un battement quand j’attend afin le passage qui m'intéresse. Je parcours les lignes une première fois, puis une seconde, abasourdi par ce que je lis. J'ai du mal à croire ce que je lis.
-Oh putain !
Je me lève d'un bon, faisant tomber ma chaise dans un bruit sourd quand elle touche le parquet. Je ne m’en préoccupe pas plus que ça. J'ouvre la porte d'un geste brusque et cours rejoindre ma famille qui a pris place autour de la piscine. Les rires et les cris prouvent qu'ils ont bien commencé à profiter de l'été. Il fait particulièrement chaud aujourd’hui, le temps idéal pour profiter du cadeau que mes parents se sont offert pour leurs vingt ans de mariage. A peine terminé que cette piscine était déjà inaugurée. Hier encore, les ouvriers étaient à pied d'œuvre pour terminer le chantier.
3 commentaires
Gwenaële Le Moignic
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Il y a un an
clara_belle
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Il y a un an