Fyctia

Les discussions cessent aussitôt et chacun se tourne dans sa direction.

— Le cours sera divisé en trois recettes : entrée, plat et dessert. Celles-ci seront réalisées en binôme. Aussi, un nouveau duo sera créé à chaque préparation. Vous cuisinerez ainsi avec trois partenaires différents. Est-ce que c’est clair pour tout le monde.

— Oui Cheffe ! répondons-nous tous en chœur comme si nous étions une brigade.

— Les binômes sont affichés sur le tableau près de l’entrée. Je vous laisse retrouver votre moitié et vous mettre en place auprès des postes attribués.

Certains se précipitent vers l’affichage. Je patiente car je n’aime pas être agglutinée. Je vois Fabian qui scrute la feuille et qui semble déçu. Ne me dites pas que j’ai fait tout ça pour ne même pas passer un moment rien que tous les deux. Je le vois avancer vers moi.

— Pourquoi un binôme est-il ensemble du début à la fin ? entends-je ma grande copine se plaindre.

— C’est vrai ça, surenchérit le lourdaud de service. Tout le monde devrait jouer avec les mêmes règles.

Un brouhaha emplit la salle. La cheffe semble débordée par les remontrances. Elle lance un regard exaspéré vers Fabian qui arrive à mes côtés. Mes yeux vont de l’un à l’autre et soudain je percute.

— Ne me dis pas que le binôme en question, c’est nous ? l’interrogé-je abasourdie.

— Je plaide coupable.

— Mais comment ? Pourquoi ?

Les questions viennent en pagaille dans ma tête mais aucune n’est correctement formulée une fois sortie de ma bouche.

— Comme je suis arrivé tôt, j’ai pu discuter avec l’équipe, m’explique-t-il. J’ai donc su avant vous comment cela allait être organisé. L’idée de changer de partenaire à chaque recette ne m’emballait pas. Je voulais passer le plus de temps possible avec toi, avoue-t-il penaud. Alors j’ai supplié la cheffe de faire une entorse.

Je reste sans voix par ce qu’il m’apprend. Je ne sais pas dire si je suis embarrassée ou touchée qu’il ait eu cette attention. Pourtant, au fond de moi, je suis ravie de ne pas avoir à le partager avec une autre. J’en jubilerais presque si ce n’était pas aussi déplacé. D’autant plus quand je surprends le regard de ma concurrente sur moi.

— J’espère que tu ne regretteras pas de t’être fourvoyé, le préviens-je en riant.

— J’aime prendre des risques !

— C’est le mot juste. Surtout quand je suis dans une cuisine.

— Même pas peur !

— Il n’y a que le dessert que je gère à peu près, essayé-je de le rassurer sur mes compétences. Le gâteau au chocolat pour tout te dire.

— J’adore le chocolat, ajoute-t-il avec un clin d’œil. C’est doux, tendre et sucré.

Sa voix est chaude et enveloppante. Mes joues rosissent presque instantanément. Je me sens comme une adolescente face à son crush du lycée.

— Attention aux crises de foie ! le taquiné-je

— Aucune chance.

Fabian pivote quand il entend que quelqu’un l’appelle.

— Si tu te rends compte qu’elle n’est pas à la hauteur, n’hésite pas à venir me trouver, l'invite ma rivale. Je suis un véritable cordon bleu.

— J’y penserai, répond-il poliment.

Elle pose sa main manucurée sur l’avant-bras de Fabian. Elle minaude à grand coup d’œillades de biche énamourée. Elle fait sa parade nuptiale et je prie intérieurement pour que Fabian y soit totalement hermétique. Comme une bonne vieille boite Tupperware. Elle jubile et m’observe tel un aigle qui a ferré sa proie. Moi, je la hais déjà. Et je me mettrais des baffes de réagir de cette manière. Nous venons tout juste de nous rencontrer et ne sommes encore rien l’un pour l’autre.

— On y va ? m’invite Fabian, mettant un terme à mes tergiversations.

— Je te suis !

— Tu prends les commandes ? me sonde-t-il.

— A toi l’honneur. J’aime quand les hommes dirigent, le charmé-je.