Fyctia

J'ouvre les yeux brutalement. Ou du moins, dans mes pensées. Car je ne suis plus devant l'imposante scène, mais dans un endroit où le sol est blanc et des points blanc tombent d'en-haut. Je tends la main et la referme sur l'un d'eux, mais en ouvrant le poing, il n'y a rien. Comment est-ce possible ? Je suis pourtant sûre de l'avoir attrapé ! Perplexe, je retente une seconde fois, sans plus de succès. Où ce fichu truc a-t-il bien pu disparaître ? De rage, je tape le sol, projetant pleins de trucs blancs aux alentours.

Quoi ? Il y en a autant ? Comment est-ce possible ? C'est... Si petit, si insignifiant ! Je me baisse à genoux et ramasse quelques de ces points mystérieux. C'est froid et ça devient liquide.

— La neige, m'interpelle la même voix que celle qui a parlé lorsque je suis arrivée.

Je sursaute et me retourne. Le Roi Lumière est là, vêtu d'un drôle d'habit. Surprenant mon regard mi-méfiant, mi-intéressé, il sourit et m'explique:

— Ce que je porte est un manteau. Il sert à me protéger du froid, car sur Terre, plusieurs saisons existent.

— Man-teau ? Sai-son ? je répète en détachant les syllabes.

— Un manteau est fait en fourrure d'animal afin de ne pas avoir froid durant le temps de la neige. La neige, c'est ce que tu vois autour de toi. Comme il fait froid, elle devient solide, mais dès que tu la touches, elle fond pour cause tes mains qui sont plus chaudes que l'air ambiant. En ce moment, nous sommes à la saison de la neige, que les humains appellent l'hiver. Les saisons sont l'équivalent des cycles, chez toi.

— Les cycles frais et les cycles chauds ? L'eau se refroidit à cause de la neige ?

— Exact ! dit-il ravi.

Je suis fascinée par ce monde qui m'est inaccessible. Les saisons, la neige, les manteaux ! Qu'y a-t-il d'autre à découvrir ? Tellement de choses que je ne suis pas capables d'imaginer ou de lire !

Pourtant, une question reste:

— Comment suis-je arrivé ici ? Je veux dire, la dernière fois, j'étais endormie, cette fois, non.

Tout en prononçant «la dernière fois», je me rends compte que c'était juste avant de partir du palais. J'ai l'impression qu'une aube entière s'est déjà écoulée !

— Tu avais besoin de te calmer, ton esprit était agité. Je t'ai donc amené ici, car je me suis dit que tu penserais à autre chose que l'académie. Ce qui a eu l'effet escompté, visiblement !

— l'académie ! je m'écrie. Comment j'y retourne ? Est-ce que quelqu'un aura remarqué ma disparition ? Qu'est-ce que j'ai loupé ?

Affolée, je tourne sur moi-même, cherchant une issue qui me permettrait de retourner au monde réel. Rien. Rien qu'une étendue blanche à perte de vue. Rien que de la poussière blanche.

—Nami, m'appelle le Roi, ici le temps s'écoule de façon différente, car nous ne sommes que dans un souvenir. Chez toi, il doit s'être écoulé quelques secondes. De plus, c'est comme si tu étais perdue dans tes pensées. Tu n'as pas disparu. Physiquement, tubes toujours devant l'estrade, mais mentalement, tu es ici.

Comme la dernière fois, il commence à partir en fumée, le paysage avec lui.

— Ne panique pas ma petite, petite, petite, petite...

Je soupire. Il ne s'arrêtera pas avant de les avoir tous dit ?

— Nana, tu vas bien ?

Je rouvre les yeux et me retrouve face au visage inquiet de Kael.

— Oui, ne t'en fais pas, lui dis-je avec un sourire.

Je me concentre sur le discours du directeur, mes doutes semblant s'être volatilisés, comme parti en fumée avec mon ancêtre. Dans mon esprit, une aura de bien-être et d'apaisement flotte, envahissant mon corps, le rendant plus léger. Se doit être l'œuvre du Roi.

— ... des listes seront donc affichées en haut de chaque escalier où sera indiqué votre chambre. Avant de vous laisser vous installer, je me permets de vous assommer une dernière fois avec mes paroles monotones, cette fois à propos des cours.

Des têtes se relèvent soudainement. Les cours, c'est ce qui nous amène tous ici et ce à quoi nous avons le plus hâte.

— Ils débutent dès demain matin, vous trouverez un emploi du temps dans votre chambre. Plusieurs cours sont enseignés et je laisserai le soin à vos professeurs de vous expliquer leur fonctionnement. Vous devez probablement vous demander quelles sont les matières présentes dans cet établissement !

Des hochements de tête parcourent l'assemblée, certains enjoués, d'autres craintifs.

— Bien sûr, l'Académie Abyssale donne des cours de Couleurs. Vous aurez aussi de l'art, de la biologie sous-marine, de l'hippocampe, de la survie, de l'histoire, du sport sous-marin et de la Langue Atlante Ancienne. Toutes ses matières sont importantes et vous devez exceller dedans pour espérer réussir vos examens.

Je connais déjà la LAA – diminutif de Langue Atlante Ancienne –, je commence donc avec une avance considérable.

— Vous pouvez aller voir les affiches, je ne vous retiens pas plus longtemps. Reposez-vous bien, l'Académie Abyssale vous souhaite une bonne année et la réussite !

Le brouhaha reprend avec entrain. Je fais un signe de main à Kael et lui fais promettre qu'on se revoie au repas, puis, les jambes tremblantes, je m'avance vers les papiers qui ont le numéro de mon dortoir.

Des dizaines de noms défilent avant que je n'aperçoive le mien: Nami Kalender, chambre 16.

Les escaliers paraissent interminables et abruptes. En haut, je suis essoufflée.

Chambre 1...

Chambre 6...

Chambre 10...

Chambre 14...

Chambre 15...

Chambre 16 !

Je ne sais pas quoi faire.

Est-ce que je dois frapper ? Si ça se trouve il y a déjà quelqu'un à l'intérieur.

Ouvrir la porte comme ça ? Après tout, c'est ma chambre.

Attendre qu'elle s'ouvre ? Meilleure option, mais j'aurais l'air d'une idiote si je reste debout devant la porte.

Je n'ai pas le choix, je prends mon courage à deux mains, et lève ma main, prête à frapper.

Inspire Nami.

Respire.

Tu n'as rien à craindre.

Tout ira bien.

Le bruit de mon poing contre la porte résonne dans l'étage, malgré le bruit des conversations.