Fyctia
Chapitre 8
Un bruit strident me sort de mon songe. Et je réalise rapidement qu’il s’agit de la sonnette de la porte d’entrée. Toujours le téléphone dans la main, je fixe attentivement la photo de contact d'Aylan, et un sentiment profond de regret me submerge. Seulement, je me suis promis que je ne reprendrai pas contact avec lui. Ça ne servirait à rien, à part à nous faire plus de mal pendant cette phase déjà douloureuse. Je décide alors de faire la seule chose qui pourra me permettre d'avancer, bloquer son numéro, et supprimer nos échanges.
Un léger tambourinement retentit encore une fois contre la porte de ma chambre. Et je reconnais les longs cheveux bruns ondulés de Sylvia qui apparaissent lentement dans l’embrasure de la porte.
- Ma belette ?
Je me lève sur mes coudes et l’observe entrer dans la pièce.
- Il est arrivé, ajoute-t-elle, en affichant un léger sourire.
Voyant que je ne réagis pas, elle vient s'asseoir à côté de moi. Pendant quelques secondes, un silence mutuel s'immisce. Elle attend patiemment que je prononce une parole.
- Je n'ai aucune envie de le voir, finis-je par révéler.
- Je comprends. Mais, tu n'as pas tellement le choix.
- Si. Je pourrai rester ici, avec vous. Pour toujours !
- Si seulement, c'était possible… Tu seras toujours la bienvenue, ici.
Quelque peu rassurée de l’entendre me le dire, je soupire résignée. Afin de ne pas fléchir, je me lève d’un bond, faisant sursauter Sylvia. Elle ne s’attendait sûrement pas à ce que je change d’avis. Seulement, plus cette rencontre se fait rapidement, et plus je pourrais retourner dans ma chambre. Elle se lève à son tour. Et ensemble, nous sortons de la chambre. Je descends les escaliers lentement, le plus lentement possible, faisant ainsi retarder le moment tant inévitable.
Lorsque j'arrive dans le salon, presque toutes les paires d'yeux présentes dans cette pièce sont fixées sur moi. Néanmoins, mon regard ne peut se détacher de cette silhouette qui ne me sera bientôt plus si inconnue. Il se retourne, et voir son visage me laisse sans voix. Je me doutais que mon côté ethnique venait de mon père, étant donné que ma mère était une blanche sans conteste, mais je n'aurais pas cru que c'était un asiatique pur souche.
- Bonjour, Coleen, dit-il d'une voix mélodieuse.
Il se lève du fauteuil avec enthousiasme et s'avance jusqu'à moi. Un sourire joyeux s'étire sur son visage, comme s'il voyait pour la première fois, une huitième merveille du monde. Sa main tendue devant lui, je la fixe un moment ne sachant pas comment me comporter. Puis mon regard se pose sur les parents d'Ophélie qui hochent la tête pour m'encourager à faire ce pas vers cet individu. Hésitante, je glisse doucement ma paume dans la sienne.
- Bonjour, commencé-je à prononcer, alors que je cherche un prénom à lui donner.
- Je m'appelle Nolan. Et je suis ravi de faire ta connaissance.
Sa voix respire la gaieté, ses pupilles brillent de joie. Alors qu'il attend ne serait-ce qu'un mot de ma part, je reprends possession de ma main en la ramenant vivement vers moi.
- Maintenant que les présentations ont été faites, puis-je remonter ? demandé-je en me tournant vers mes parents de substitution.
- Coleen ! me réprimande Sylvia, surprise.
- J'aurais pensé que nous pourrions faire un tour, murmure mon géniteur, dont le visage s'est décomposé.
- Sans façon, assuré-je abruptement.
- Coleen Pernet ! rugit Sylvia, froissée par mon comportement.
- Quoi ? m’offusqué-je. Je ne vais pas faire semblant d'être heureuse de passer du temps avec lui.
- Ce n'est pas une manière de lui parler non plus.
- Laissez, intervient Nolan, je comprends. Je suis un inconnu. J'aurais dû me douter que ça ne serait pas si facile.
Sa voix brisée me fait tressaillir. J'ai comme l'impression que je l'ai blessé, pourtant pour un homme qui n'a jamais voulu de moi, un tel sentiment ne devrait pas l'atteindre. Je le fixe attentivement, et son visage joyeux a totalement disparu. Et je culpabilise.
- Nous… nous pourrions prendre un café, proposé-je, afin de rattraper ma maladresse.
Étonné, il lève la tête et me fixe pendant quelques secondes, avant d’afficher un sourire bienveillant.
- Ça serait avec plaisir.
***
Dans un silence absolu, nous marchons dans la ville. Après une dizaine de minutes, nous arrivons devant le café “Crunchy”, un endroit se voulant chaleureux. Nous entrons dans l’établissement et sommes enveloppés par l’odeur enivrante du café fraîchement moulu. Nolan se tourne vers moi, affichant un sourire aimable pour me demander ce que je souhaite boire. Après lui avoir indiqué mon breuvage, je choisis la table près de la fenêtre, où la lumière douce du soleil éclaire la pièce. Nolan me rejoint rapidement et dépose mon chocolat viennois devant moi. Mes papilles s'émerveillent lorsqu'elles voient une montagne de mousse blanche érigée sur la tasse.
- Merci, m’exclamé-je, joyeuse.
- Je t'en prie.
Un doux sourire se dessine sur ses lèvres. Il s'installe devant moi en silence. Le temps commence à défiler lentement. Aucun de nous n'ose prendre la parole. Jusqu'au moment où Nolan prend une grande inspiration, comme s’il allait sauter d'un plongeoir.
- Es-tu une bonne élève ?
Je hausse les épaules dans un premier temps puis je hoche vivement la tête, assez fière d'avoir un domaine où je m'en sors bien.
- Plutôt oui.
Sa question me surprend, quelle idée de parler de ça. Après ces longues minutes de silence, c'est le seul sujet qui lui vient à l'esprit ? En même temps, je ne suis pas sûre de lui faciliter la tâche.
- Désolé, c'est juste que je m'étais réalisé un tout autre film de notre rencontre.
- Vraiment ? demandé-je, surprise.
- Apprendre du jour au lendemain que j'ai une fille… Et de quinze ans ! Je-
- Comment ça du jour au lendemain ?
- Quand j'ai été contacté par l'assistante sociale.
Alors qu’il m’annonce ça le plus simplement du monde, je reste abasourdie…
- Coleen ?!
Une larme roule sur ma joue. Mon père me tend rapidement une serviette en papier. Je la saisis, mais c’est avec le dos de ma main que je fais disparaître cette larme.
Ma mère m'a menti.
- Ma mère m'a toujours dit que tu ne voulais pas de moi.
- Quoi ?
- La seule fois où je lui ai demandé de me parler de toi, elle m'a seulement dit que tu l'avais rejetée quand elle te l'avait annoncé.
Sa main se pose sur la mienne, et son contact se veut réconfortant.
- Je… Je n'étais pas au courant du tout. Sinon, je te le promets, j’aurais fait le nécessaire pour faire partie de ta vie.
J’écoute attentivement mon géniteur me raconter sa rencontre avec ma mère. Enfin, je vais pouvoir connaître l’autre version de l’histoire. C’était une sombre période de sa vie, où il a perdu son frère. La fête et toutes ses entraves rythmaient son quotidien. En outre, ma mère n’était qu’une de ses conquêtes d’un soir. Néanmoins, je suis persuadée que s’il l’avait su, il ne m’aurait pas abandonnée. Et cela conforte que ma défunte génératrice était le mal incarné.
6 commentaires
clara_belle
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Il y a un an
Emeline Guezel
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Il y a un an
YeLys
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Il y a un an
Bérénice 😻
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Il y a un an
Laryna
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Il y a un an
Carl K. Lawson
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Il y a un an