Fyctia
Chapitre 22.
Julien.
Elle me donne la pâte qu’elle vient de finir et me charge de l’aplatir, ce que je m’empresse de faire. Elle donne les ordres et je les exécute. On aplatit, on découpe, on met au four, on refait une pâte, et ainsi de suite. Nous en faisons assez pour nourrir la rue entière, mais qu’importe. Elle y met du cœur et j’ai l’impression que ça lui plaît de m’avoir sous ses ordres, ce que je lui fais remarquer et à quoi elle répond que « Pendant ce temps là tu la fermes ». Une tyran, voilà ce qu’elle est ! Mais pour être honnête, c’est un super moment passé ensemble et je regrette déjà qu’il ne puisse pas durer toute la journée.
- N’empêche, lâché-je, je ne comprends pas comment tu pouvais les rater alors qu’il y a les emporte-pièce ?
Elle me regarde de travers et je lui fais comprendre d’un regard que c’est une vraie question sans jugement. Elle laisse échapper un soupir.
- J’ai questionné ma mère sur le sujet figure-toi. Il semblerait que je ne les utilisais pas bien et n’appuyais pas assez fort. Apparemment ça m’énervait et du coup je m’entêtais à faire le tour du métal avec un couteau à tartiner... Sauf que je ne respectais pas vraiment le contour.
- Je vois, ris-je, d’où l’interdiction d’utiliser ces emporte-pièces aujourd’hui.
- Voilà, sourit-elle.
Nous continuons encore un moment dans une ambiance qui reste légère, dans le silence, dans notre bulle. J’ai plusieurs fois envie de lui dire que je suis content d’avoir retrouvé la Manon que je connaissais, mais j’ai bien trop peur de casser la dynamique de ce moment, surtout que nous n’avons toujours pas eu de conversation sérieuse. J’ai la tête tellement occupée de ce genre de pensées que je ne me concentre pas suffisamment sur ce que je fais et l’inévitable bêtise arrive : la dernière pâte que nous nous apprêtons à découper en biscuit colle au plan de travail. J’essaie de rattraper la chose discrètement, mais elle le remarque et j’ai droit à un juron.
- Je t’ai répété vingt fois de mettre de la farine ! Et la seule fois où je ne te surveille pas, tu oublies, râle-t-elle tout en m’en jetant à la tête.
Je me fige. Et tourne ma tête doucement vers elle, feignant la colère.
- Est-ce que tu m’as jeté de la farine au visage, là ?
- Je... Tu n’avais qu’à faire attention !
Je me rends compte que j’ai bien joué la comédie parce qu’elle me croit réellement en colère. Je lui fais un sourire joueur et elle comprend tout de suite que je plaisante.
- Tu es au courant qu’il y a des conséquences lorsqu’on jette quelque chose à la tête de quelqu’un ?
Elle ne répond pas tout de suite et il y a un moment de flottement. J’en profite pour rapprocher ma main de la fameuse farine, mon geste ne lui échappe pas et elle s’éloigne sans attendre en me disant « non, non, et non ! ». Je ne lui laisse pas le temps de s’éloigner davantage et lui jette la poignée que j’ai attrapée. Elle crie et se met à courir, mais j’ai déjà saisi une deuxième fournée et je l’atteins dans la nuque, elle se détourne et prend à son tour un peu de farine. Nous passons les minutes qui suivent à courir bêtement autour de l’îlot central à nous envoyer autant de farine que possible en riant. Je finis par la rattraper et à l’enlacer par la taille le temps de lui en mettre sous le tee-shirt via son col.
- Voilà une punition à la hauteur, fanfaronné-je.
Elle se tourne vers moi, alors que je la tiens toujours et sa tête est à mourir de rire : choquée, la bouche figée en un O parfait.
- Tu...
- Oui ? fais-je innocemment.
- Tu as osé !
Je confirme d’un signe de tête et nous restons figés dans cette position pendant quelques secondes. Je meurs d’envie de l’embrasser, mais je sais qu’elle n’est pas prête. À moins que ? J’approche mon visage d’un centimètre, la laissant faire le reste et donc prendre la décision. Elle approche la sienne aussi, nos bouches ne sont plus qu’à trente millimètres.
- Mais que s’est-il donc passé ici ?
Nous sursautons tous les deux et nous nous séparons, comme deux gosses pris en faute. Carène se trouve à l’entrée et a l’air mi-choqué, mi-amusé. Ce n’est pas tellement le fait d’être proche qui pose problème, après tout on est censé être en couple, non c’est plutôt le décor autour de nous. Toute la pièce ou presque est blanche.
- Heu... Commence Manon. Eh bien, heu... C’est... Julien !
Ah ben sympa !
Je laisse échapper un bruit de gorge, nerveux.
- Non ! Enfin si, mais... Je suis tombé.
- Ah bon ? s’exclame Manon, qui oublie sans doute qu’elle est censée être témoin de la scène.
Je regarde Carène et le moins qu’on puisse dire c’est qu’elle est loin d’avoir l’air convaincu. Sa tête joue au ping-pong entre Manon et moi.
- Oui. Eh bien, heu, je suis tombé sur le plan de travail, juste sur le sac de farine et heu... Boum, fais-je avec un large geste de mes bras, la farine a explosé dans toute la pièce.
Il y a quelques secondes de silence avant que je n’entende Manon pouffer derrière sa main – elle ne perd rien pour sa prochaine punition – et que Carène me regarde, perplexe, ses sourcils touchant presque ses cheveux.
- Boum ? répète-t-elle.
- Boum, fais-je.
- Tu te moques de moi ?
- Non ! Je n’oserais pas.
- Vu que j’ai une fille de vingt-cinq, j’en ai déjà entendu des excuses qui ne tiennent pas debout, sourit-elle, mais celle-là bat toutes les autres.
Je respire, elle n’est pas fâchée, je me rends même compte qu’elle nous a laissé nous enfoncer dans nos explications vaseuses pour rire de nous.
- Je vous prierai, cher gendre, de me nettoyer ça et vite, dit-elle d’une voix mielleuse, qui ne laisse pas de place à la réplique.
Si on avait un doute de qui tient Manon, on en a plus maintenant. C’est dit gentiment, avec calme, mais on sent qu’il y a intérêt à ce que ce soit fait. Toutes les deux prennent plaisir à me faire tourner en bourrique ! Carène sort de la pièce et au même instant Manon éclate de rire.
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Soleil Cricri Wttpd
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Angelicestreasures
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D.B Ludo
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lili59
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patochepeluche
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