Fyctia
L'épreuve du temps
Quatre heures du matin. La sonnerie du réveil a toutes les peines du monde à extirper Sandrine des bras de Morphée. Sandrine finit par ouvrir un oeil, puis l'autre. Elle s'étire lentement sous les couvertures. Elle se sent toute engourdie par les vapeurs d'alcool qui l'entourent. Dehors, les frimas de décembre et la nuit d'ébène lui donnent envie de se recoucher, dormir encore un peu. Oui, mais la distillation n'attend pas : si elle ne se lève pas, ce sont des hectolitres d'eau-de-vie qui vont se perdre. Elle doit se faire violence pour sortir du lit - décidément, elle ne s'y fera jamais. Mais c'est elle qui a choisi cette nouvelle vie.
Sandrine manipule la chaudière de l'imposant alambic avec assurance. Voilà, c'est fait, elle peut retourner dormir. Mais au lieu de ça, elle reste debout, pensive, seule dans la nuit, dans cette grande salle de distillation aux murs de briques. Cinq ans ! Cinq ans déjà qu'elle s'est reconvertie dans la viticulture, ici à Cognac, avec Jérôme. Cinq ans durant lesquels elle n'a plus remis les pieds à Paris - pourquoi retourner dans un endroit qui ne lui apporte rien d'autre que du stress ?
Bien sûr, comme pour toute reconversion, il y a eu des hauts et des bas, des crises de doutes, des larmes, des difficultés financières, d'autres larmes, une récolte perdue à cause des intempéries et de son manque d'expérience, encore des larmes, des remises en question profondes... Mais Sandrine n'est pas du genre à lâcher le morceau, et Jérôme a toujours été à ses côtés pour la soutenir.
Elle a toujours gardé en mémoire les préceptes de Jean Monnet, apôtre de la patience, ainsi que la fameuse phrase de François Mitterrand, autre Charentais célèbre: "il faut laisser le temps au temps". Elle ne met pas pour autant de politique dans son cognac, mais elle a trouvé dans les mots de ces grands hommes la sagesse tranquille qui lui avait fait défaut à Paris la frénétique.
Aujourd'hui, quand elle se promène dans Cognac, les murs de la petite ville envahis de champignons microscopiques ne lui paraissent plus si noirs. Sandrine Cissé a fini par faire la paix avec son passé. Le liquide qui coule de son alambic n'a jamais si bien porté son nom : l'eau de vie. Celle-là même qui l'a faite revivre.
13 commentaires
Ashley Moon
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Il y a 4 ans
Tomochili
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Il y a 4 ans
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Il y a 4 ans
Azilizaa
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Tomochili
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Tomochili
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Lyaminh
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Christopher Llord
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Il y a 4 ans