Pjustine Coeurs en équilibre Face à face

Face à face

La porte se referme derrière mamie avec un léger grincement. Un silence étrange envahit la pièce, suspendu, lourd de tout ce qui n'a pas été dit. Grand-mère Elizabeth a pris soin de nous laisser seuls. Ses pas, déjà lointains, résonnent encore dans le couloir. Elle n'a pas dit grand-chose, seulement quelques mots, un sourire en coin, avant de nous laisser face à face. Nous laisser l'espace de parler, d'affronter les non-dits.


Edward est là, assis dans le fauteuil, son corps tendu, les yeux fixés sur un point invisible. Il semble hésiter, cherche une entrée en matière. Ses mains, elles, ne sont pas aussi calmes que son regard. Il les entortille, les frottent, un léger tremblement dans ses doigts. C'est curieux, de le voir ainsi, fragile, dans cette maison que je connais si bien. Il est ici parce qu'il a quelque chose à dire. Et moi, je sais qu'il est en train de choisir ses mots avec une précaution maladroite.


Je reste là, les bras croisés et observe les ombres qui dansent autour de lui. Il finit par tourner la tête vers moi, son regard un peu perdu, un peu vaincu. Il cherche les mots, il cherche à réparer ce qu'il a brisé, mais quelque chose dans son attitude me dit qu'il ne sait pas par où commencer.


Je ne veux pas de ces excuses qui se présentent comme des solutions toutes faites. Non, pas aujourd'hui. Pas après tout ça. C'est une partie de moi qui brûle, une autre qui se retire et une voix, tout au fond de moi, qui me dit qu'il est encore possible de réparer, mais pas de cette manière-là. Je ne veux pas de la pitié, je ne veux pas de la culpabilité. Ce que je veux, c'est qu'il me voie enfin.


Je prends une grande inspiration, ferme les yeux un instant. Je lève la tête et je le fixe, sans détourner les yeux, sans fuir.


- Ce n'est pas que ça, le problème, Edward.


Je parle d'une voix calme mais la tension qui brûle à l'intérieur se fait sentir dans mes paroles. Je laisse le silence s'étirer entre nous, un silence lourd, qui pèse comme une menace, avant de reprendre.


- Ce n'est pas que la célébrité, ce n'est pas que la pression médiatique, ce n'est pas que le fait que je sois exposée à tout ça. Ce n'est pas que ça.


Il se redresse légèrement dans le fauteuil, son corps en alerte cherche à comprendre. Il attend un mot, une phrase, une explication. Il n'y a plus rien d'évident entre nous. Le visage d'Edward, toujours aussi beau, aussi angélique, semble maintenant marqué. Il est l'un des plus grands écrivains contemporains, mais ce qu'il a oublié, c'est que, parfois, même les plus grands ne savent pas comment être simplement humains.


- Qu'est-ce que tu veux dire ? murmure-t-il, presque sur un ton de supplication.


Sa voix est plus faible qu'à l'accoutumée. Je le regarde sans bouger, sans céder à la tentation de lui accorder un pardon. Non. Il doit comprendre. Je me tais quelques secondes, les mots me brûlent les lèvres, avant de les laisser s'échapper.


- Le problème, Edward, c'est la manière dont tu m'as traitée. Cette interview... Ce moment où tu m'as réduite au néant. Tu m'as vue comme une autre facette de ton histoire et tu as parlé de moi comme si je n'étais qu'une moins que rien, méprisable, misérable.


Il ouvre la bouche, prêt à répondre, mais je l'interromps. Je suis trop fatiguée pour écouter une excuse. Pas maintenant. Pas encore.


- Je n'ai pas besoin de ta protection. Pas comme ça. Je n'ai pas besoin que tu m'épargnes ce monde, Edward. C'est à moi de le gérer, à moi de m'y confronter. Mais pas comme ça. Pas en me cachant derrière des décisions que tu as prises seul, sans même me demander ce que je voulais.


Je vois son regard se remplir de gêne, une gêne qui se transforme en quelque chose de plus fort. Peut-être de la culpabilité, peut-être du regret.


Il prend un moment, ses doigts effleurent nerveusement le bras du fauteuil. Il semble chercher, encore, une réponse. Il finit par souffler. Il a beau être un écrivain brillant, il n'a pas toujours les mots pour exprimer ce qu'il ressent.


- Je n'ai jamais voulu te faire de mal, Mia. Je voulais juste... t'épargner. J'ai vu ce qu'il se passait autour de nous, j'ai vu les paparazzis, l'invasion. Et j'ai cru que c'était le seul moyen de te protéger. De nous protéger.Cette interview, ces questions, je les ai vues comme une aubaine de t'éloigner de tout ça. Je me suis bien trompé.


Je sens un frisson me parcourir, léger mais persistant. C'est étrange, mais son discours me touche, me fait l'effet d'une caresse dans la douleur. Oui, il avait peur. Il avait peur de tout perdre. Il avait peur de voir ce que tout cela pourrait nous faire. Et moi, j'avais peur aussi. Mais pas de la même manière. Pas de la même façon.


- Mais tu n'as pas le droit de choisir pour moi, Edward. Ce n'est pas ta place. Je ne suis pas ton personnage. Je ne suis pas dans l'un de tes romans. Je ne suis pas une marionnette que l'on agite quand on le souhaite.


Il baisse la tête, puis la relève, et pour la première fois, il me regarde vraiment. Ses yeux sont lourds, non pas de larmes, mais d'une fragilité qu'il n'avait jamais montrée. Ce regard me fait mal, mais il est aussi la clé. La clé de ce qu'il cherche à me dire.


- Je sais, murmure-t-il. Et je m'en veux. Je... j'ai mal agi. Mais tout ce que je voulais, c'était te protéger de tout ça, de ce système qui ronge l'intimité, répète-t-il.


Je me lève lentement et me dirige vers la fenêtre. Dehors, tout semble plus calme. Pourtant, tout est fragilité, tout est équilibre précaire. Le bruit des oiseaux qui chantent résonne fort dans cette pièce et me rappelle que la vie continue, même dans les pires tempêtes.


Je tourne à nouveau mon regard vers Edward. Et, cette fois, je vois qu'il ne fuit plus. Il ne me fuit plus.


- Tu n'as pas compris, Edward. Ce n'est pas l'intention qui compte, c'est l'effet.


Je marque une pause. Puis je laisse mes mots flotter dans l'air, avant de m'avancer vers lui.


- Et l'effet, Edward, c'est que, pendant tout ce temps, je me suis sentie seule. Seule dans un monde que tu croyais pouvoir contrôler pour moi.


Un silence lourd s'installe entre nous mais ce silence, cette fois, ne me fait pas peur. C'est un silence de vérité. Un silence de paix. Je sais qu'il a été sincère, dans son désir de me protéger. Mais ce n'est pas ce que je voulais.

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6 commentaires

aurora.R

-

Il y a 3 mois

😉

lorrely

-

Il y a 3 mois

à jour 🌹

Ally P

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Il y a 3 mois

🫶

M.B.Auzil

-

Il y a 3 mois

Soutien 💜

Salma Rose

-

Il y a 3 mois

Petit échange de likes ! 🌹🌹

NICOLAS

-

Il y a 3 mois

🤩💕🫶
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