Fyctia
San Juan Island
San Juan Island, située dans l'État de Washington, est un joyau caché de l'archipel des San Juan. Une terre sauvage et préservée, captivante par sa beauté brute et la variété de ses paysages. Ici, l'île semble taillée par la mer et le vent. Falaises escarpées, plages de sable doré, forêts de conifères et prairies verdoyantes se succèdent. Un tableau vivant où les couleurs se transforment selon l'heure du jour et des saisons.
Je traverse l'un de ses villages typiques. Avec ses maisons en bois et ses façades pastel, il donne l'impression de sortir tout droit d'un conte. Les volets blancs, verts ou bleus tranchent sur le ciel et sur l'océan tout proche.
Je poursuis mon chemin vers les côtes de l'île. Le côté ouest, exposé aux vents puissants du détroit de Juan de Fuca, présente des falaises abruptes et spectaculaires. En longeant les rochers de Lime Kiln Point, d'énormes blocs de pierre sculptés par les vagues, j'aperçois le passage de baleines au loin. Une large variété d'oiseaux, aigrettes, cormorans et sternes, trouvent refuge ici et se nichent dans les crevasses.
Je descends de la vieille bicyclette rouge de mamie. Elle grince et porte la rouille de ses années passées au bord de la mer. Ses poignées écaillées et sa chaîne ballante témoignent de nombreuses heures de balade. Mais malgré ses défauts, je lui suis reconnaissante d'être encore fonctionnelle.
Face à l'océan, j'observe l'horizon. C'est ici que la mer prend des teintes profondes. Ce côté de l'île est sauvage, impressionnant, presque irréel. Comme aime à le répéter ma grand-mère, c'est l'endroit idéal pour peindre et trouver l'inspiration. C'est aussi à cet endroit, à côté de ce vieux banc de granit blanc, que mon grand-père Charles lui a demandé sa main, des décennies auparavant. Entourés et enlacés par cette eau aux nuances infinies de bleu, de vert et même de gris, ils se sont promis l'un à l'autre.
Après quelques minutes passées sur ce lieu qui a marqué l'histoire de ma famille, je remonte sur ma bécane et me dirige cette fois vers le littoral est de l'île. Des tapis de bruyère rose et pourpre recouvrent les collines, tandis que les ajoncs jaunes et les genêts dorés illuminent le paysage. J'aperçois aussi des primevères et des marguerites sauvages. Des touches de coquelicots et de bleuets colorent les prairies. Le long des sentiers côtiers, des buissons de romarin, de thym et de lavande libèrent leur parfum. Je prends une profonde inspiration. Je ne peux nier que cela me change de la pollution de la ville.
Au fil de mon parcours, les côtes deviennent plus douces, plus accueillantes. Les plages, comme celle de South Beach, dévoilent des eaux cristallines aux reflets turquoise et de longues étendues de sable clair, parfaites pour la baignade, la plongée et le kayak.
Je consulte l'heure sur mon téléphone. Il est 5:07, je suis partie depuis plus d'une heure. Loin des urgences de la vie citadine, le temps semble s'accélérer. Étonnamment, mamie ne m'a pas encore contactée.
Je décide de revenir à Friday Harbor, le port principal de l'île et certainement l'un des plus charmants de tout l'archipel. Les maisons colorées longent le quai et leurs façades se reflètent dans l'eau calme. Je gare mon vélo près d'un petit bistrot pour faire une pause et boire une boisson fraîche. Sur le quai, des pêcheurs, vêtus de leurs vestes en caoutchouc et de bottes, déchargent leurs prises du jour. L'odeur salée de l'océan se mêle à celle du poisson frais. Les bateaux de pêche, amarrés en rangs serrés, bougent lentement au rythme des vagues.
À l'intérieur de l'établissement, le décor est simple mais chaleureux : les étagères débordent de livres, les tables en bois sont usées, les chaises dépareillées et les tableaux aux murs, probablement des œuvres de peintres locaux. Je m'installe à une table près de la fenêtre et observe les allées et venues des habitants de l'île. Certains se saluent avec un sourire familier, d'autres échangent sur la météo et les dernières nouvelles.
Un serveur, un jeune homme aux cheveux bruns légèrement ébouriffés et à l'accent bien local, me tend un verre d'eau pétillante. Puis il reste là, l'air espiègle et ses yeux plantés dans les miens.
- Vous n'êtes pas d'ici vous, je me trompe ? dit-il, un sourire en coin.
Je rougis et jette un coup d'œil autour de moi. Oui, il s'adresse bien à moi.
- Si... enfin, non pas vraiment. Je viens de Seattle, dis-je, un peu hésitante.
Il hoche la tête, l'air amusé et son sourire s'élargit.
- Ah, c'est ce que je pensais, plaisante-t-il. On remarque vite ces choses-là. Vous êtes... on va dire, un peu plus élégante que les gens d'ici. Ça se voit que vous venez de la ville, ajoute-t-il, comme s'il craignait de m'avoir offensée.
Je baisse les yeux vers ma tasse de café, espérant secrètement qu'il retourne à son travail.
- En tout cas, si vous cherchez un guide, je me ferais un plaisir de vous faire visiter l'île, madame, ajoute-t-il avec un sourire entendu et en me dévisageant d'un regard un peu trop insistant.
Son regard me met mal à l'aise et... Madame ?! Je me fige, surprise par ce mot et me demande si j'ai vraiment l'air si âgée que cela. Je regarde ma tenue : un short en jean, un débardeur et des baskets blanches. Rien de très élégant et rien de très "madame".
- Merci, mais ça ira. Et, au fait, ce n'est pas très poli de regarder les dames comme ça, dis-je d'un ton un peu sec.
Le serveur rougit à son tour et balbutie des excuses confuses avant de s'éclipser pour enfin retourner à son comptoir. Je pousse un soupir de soulagement et avale ma boisson d'un trait. Il est temps de partir.
Après avoir réglé, je récupère mon vélo, prête à me remettre en selle. Mais dès le premier coup de pédale, je sens une résistance étrange, accompagnée d'un cliquetis désagréable.
- Oh, non, la chaîne ! m'exclamé-je en constatant qu'elle est bloquée.
Je descends, m'accroupis et tente de la réparer. Mais rien à faire, mes connaissances en mécanique sont plus que limitées. En plus de cela, mes doigts sont couverts de graisse et le vélo refuse de coopérer.
- Besoin d'un coup de main ?
Cette voix, je l'ai déjà entendue quelque part. Je lève la tête, mais le soleil m'éblouit et m'empêche de distinguer les traits de l'inconnu. Je plisse les yeux et place une main en visière sur mon front pour mieux voir. Lentement, la silhouette se révèle et mon cœur fait un bond.
Edward Johnson.
8 commentaires
Petit Guillaume
-
Il y a 4 mois
Samantha Beltrami
-
Il y a 5 mois
Pjustine
-
Il y a 4 mois
Estelle Miccoli
-
Il y a 5 mois
Pjustine
-
Il y a 5 mois