Fyctia
7 - Rite de passage
Cette relation épistolaire des temps modernes m’excite. Depuis plusieurs semaines maintenant, Basile et moi échangeons par messages. Nous avons couvert tous les sujets que je pensais imaginables sur cette terre. Quelques textos peuvent vite se transformer en réelles conversations. Son voyage en Tanzanie de l’année dernière ; mon rêve d’y aller pour découvrir les grandes plaines que surplombe le majestueux Kilimandjaro ; mon amour pour la littérature romantique, sa connaissance fine des certains grands philosophes ; sa vision des relations interpersonnelles, mon envie de le revoir. Nous étions partis sur de mauvaises bases lui et moi. Avoir peur de se faire trucider par un bandit qui rôde dans la cour d’une église de nuit n’est pas une entrée en matière très commune. Aujourd’hui, nous en rions !
Depuis que j’échange avec Basile, je ne regarde plus ma montre. Il me fait voyager, rêver et sa façon de m’écrire me charme, m’excite même. Cette brèche dans l’espace-temps me fait du bien. Ne plus penser à Samuel est salutaire, je reprends ma vie en main et réalise que je suis une personne à part entière, et non pas la deuxième partie d’un couple. J’ai d’ailleurs commencé « le tri » chez moi. Ou « Mission Tri » comme aime l’appeler Juliette. « Mission Tri » n’est autre que la phase où il devient nécessaire de tout empaqueter ou jeter les affaires qui n’ont plus raison d’être dans mon salon. Samuel est parti depuis plus d’un mois, il est grand temps de respirer un bon coup et réaménager mon cocon.
Entre un texto de Basile et un article pour mon rédacteur en chef sur un crash-test de crèmes hydratantes, je débarrasse les bibelots éparpillés dans l’appartement. Serais-je vraiment en train de passer à autre chose ? Huit années en couple balayée en une après-midi de cartonnage ? Les relations humaines sont étranges. Il nous faut parfois un éclair pour que notre cœur s’accroche à celui d’un inconnu, des mois voire des années à connaitre la personne, pour de former qu’un. Puis un virement peut s’opérer du jour au lendemain si l’un change de direction. Et fini. Une caisse, un chiffon à poussière, et au suivant. Est-ce que Basile n’est qu’un pansement ? Pourtant, en y repensant, une chaleur prend d’assaut mon corps. Je frissonne, sans avoir froid. Je ne l’ai aperçu que dans l’obscurité pourtant, et l’effet qu’il me fait est sans pareil. Les sensations de l’interdit ? « Ouvre tes ailes au vent et amuse-toi ! C’est le moment de lâcher les chiens ! » la voix de Juliette résonne dans ma tête.
Assise sur le coin d’une commode, je fais glisser sous mes doigts une écharpe que Samuel a fait broder de mes initiales. Le coton bio couleur écru est souple et soyeux. Des petites peluches se sont formées par endroits, marqueur des années passées et du bonheur d’avoir porté cette étoffe au creux de mon cou. Des souvenirs de mes débuts avec lui resurgissent malgré moi.
Adolescents, nous découvrions l’amour à deux. Les premiers bisous, les premiers rendez-vous, les premières caresses. C’était doux, timide, et maladroit. Les années ont passé, nous avons découvert ensemble les joies de quitter le nid familial pour se lancer dans la vie active. Je me souviens encore de l’excitation du grand saut dans la vie d’adulte. Un premier job, un premier loyer, des premières querelles. Si l’engagement lui faisait peur, je voulais m’y jeter à corps perdu. C’était lui, c’était le bon et le seul.
Je replie l’écharpe et la dépose délicatement au fond du carton. Un sourire triste aux lèvres. Je la réutiliserais peut-être un jour, mais pour le moment, loin des yeux loin du cœur.
Et maintenant, place aux nouvelles aventures surtout ! Je connecte mon téléphone aux enceintes du salon et lance une playlist Pop des années 2000. J’hurle à tue-tête par-dessus les voix des divas américaines au nombril percé. La décompensation après une phase « Tri », il n’y a rien de mieux !
1 commentaire
iris monroe
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Il y a 2 ans