Fyctia
Chapitre 7 : Cléo
Je sais que j’ai été vache en lui imposant la présence d’Arthur sans même lui demander son avis. Elle n’a pas arrêté de me dire à quel point mon activité de location la mettait mal à l’aise, j’aurais dû me douter que ça ne passerait pas comme une lettre à la poste. Elle s’inquiète toujours de savoir qui entre dans ma vie et mon appartement, de peur que l’un ou l’une de mes colocataires ne me fasse du mal. Elle ne me l’a jamais dit de manière aussi franche, mais je sais qu’elle me trouve trop confiante, trop ouverte aux autres. Peut-être qu’elle a raison. Moi, je n’ai jamais eu peur. Les gens entrent et sortent de ma vie, et ça me va comme ça. Je ne garde que les plus importants à mes yeux : Charlie, Marc et Sélène.
Sélène, ce n’est pas juste ma meilleure amie. C’est la sœur que j’ai toujours rêvée d’avoir. Elle a été là pour moi dans chaque moment important de ma vie, les bons, comme les mauvais. Nous n’avons jamais perdu cette complicité quand elle est partie s’installer à Lyon avec Paul. Je l’admire depuis nos quinze ans, pour sa confiance en elle, son charisme, sa passion pour son travail. Mais depuis sa rupture brutale avec Paul, elle n’est plus la même. Elle doute d’elle en permanence, se rabaisse, s’efface. Comme si elle n’avait plus le droit d’exister autrement qu’en restant à l’écart. Avant, elle riait plus fort, s’énervait moins vite, vivait plus intensément. Aujourd’hui, elle se cache derrière un sourire discret, fuit tout ce qui pourrait la blesser de près ou de loin. Je la vois faire, et ça me rend malade. Elle ne se rend même pas compte qu’elle s’oublie. Elle refuse de croire qu’elle mérite mieux. C’est comme si elle portait encore sur les épaules tout le poids de son passé, incapable de s’en défaire.
Je reporte mon attention sur ma meilleure amie, toujours sur le qui-vive, prête à mordre. Elle cherche encore à piquer Arthur. Ce n’est pas juste de la méfiance, c’est une barrière qu’elle dresse pour se protéger, pour garder le contrôle. Comme si elle préférait l’attaquer plutôt que de risquer de s’attacher.
Arthur, lui, ne se démonte pas. Il se contente de la regarder, amusé, sans jamais vraiment entrer dans son jeu. J’aime bien ce type. Ses yeux pétillent quand il parle. Sa barbe, dense et parfaitement taillée, masque ses lèvres, mais pas son sourire. Il a l’air beaucoup plus sûr de lui, que Sélène ne l'est. Pourtant, leur histoire est similaire, mais ça, ma meilleure amie ne le sait pas encore. Elle le fusille du regard pendant qu’il tente de se faire accepter dans son cercle privé. Au fond, il souhaite juste se changer les idées à l’approche des fêtes de fin d’année. Il n’est pas responsable du cafouillage du site internet. Moi non plus d’ailleurs. Mais je ne pouvais pas le laisser repartir chez lui, pas après qu’il m’a expliqué la raison de sa présence ici.
Alors j’ai sorti l’argument ultime. La date la plus importante de notre carnet, balancée par texto, comme une grenade dégoupillée. Un coup bas, un chantage odieux dont je ne suis pas fière. Bien sûr que je n’ai pas hésité un seul instant à parcourir mille kilomètres pour lui permettre de dire adieu à son père. Je suis prête à tout pour elle et je recommencerai s’il le faut. J’ai hésité avant d’appuyer sur « Envoyer ». Juste une seconde. Une toute petite seconde où j’ai entendu sa voix dans ma tête, où j’ai su qu’elle m’en voudrait. Mais j’ai fermé les yeux et j’ai appuyé quand même.
Et quitte à me repentir, je dois avouer que j’ai soufflé l’idée à Arthur de rester un peu plus longtemps pour participer au triathlon de Noël. Il ne le connaissait pas avant que je ne lui détaille tout le programme, avec l’enthousiasme d’un guide touristique un peu trop passionné. J’adore Noël et tout ce qui s’y rapporte. Je suis une enfant d’Éverestelle, et ici, c’est presque un rite de passage : tout bon habitant du pays participe au moins une fois aux épreuves avant de passer le flambeau aux nouveaux venus. La plupart sont des touristes intrigués par cette tradition, qui ont entendu parler de l’événement par le bouche-à-oreille.
— Cléo !
La voix de Sélène me sort de mes pensées. J’ai assisté à leurs échanges comme une simple spectatrice.
— Hmm ? je marmonne.
— Je vais avoir besoin de mon double de clé pour mon nouveau locataire.
— Je lui ai déjà donné, je réponds sans réfléchir.
Elle me lance un regard noir qui me cloue sur place. Apprendre à tourner sept fois ma langue dans ma bouche, en voilà un conseil qui peut m’être utile. Je suis certaine qu’elle va noter cette date sur le carnet et ne pas hésiter à la retourner contre moi à la première occasion.
— Je vois… Je n’avais pas vraiment mon mot à dire dans cette histoire, n’est-ce pas ?
— Je savais que ton côté altruiste te ferait accepter. Tu serais incapable de laisser un chiot dormir dans la rue.
— Je ne suis pas un chiot ! s’insurge Arthur.
Un point pour lui, j’ai peut-être exagéré dans ma comparaison. Mais tout le monde aime les chiots, ce n’est pas une insulte, juste une image adorable. Du coin de l’œil, je vois Sélène esquisser un sourire. Il lui a promis de chercher une nouvelle location avant la fin du triathlon et d’être le plus discret possible.
Alors, qu’est-ce qui pourrait mal se passer dans cette cohabitation improvisée ?
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Louisa Manel
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Il y a 3 jours
Laetitia B
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Il y a 5 jours
Scriptosunny
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Assmag
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Natia Kowalski
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Il y a 8 jours