Fyctia
Chapitre 1.3
-Pardonnez mon retard, Monsieur.
-Peut-on savoir pourquoi vous arrivez seulement maintenant, mademoiselle ?
-Je suis désolée. Je suis nouvelle et il y a eu quelques soucis avec mon dossier d’inscription.
Je n’aimerais pas être à sa place. Arriver en retard le jour de la rentrée, c’était le meilleur moyen de se faire remarquer par le prof. Toutefois, elle ne semblait pas gênée par sa remarque, ni par les gloussements des autres élèves.
-Bon, ça ira pour cette fois, finit-il par dire. Allez vous asseoir à côté du jeune homme qui préfère regarder par la fenêtre plutôt que d’écouter le cours.
Merde, moi aussi je suis grillé, maintenant !
Je me redressai d’un bon. Mon regard tomba pour la première fois sur la retardataire. Le temps sembla se suspendre un instant tandis que mon cœur, lui, s’accélérai dans ma poitrine.
Ce furent d’abord ses yeux qui attirèrent mon attention. Ils étaient d’un vert surréaliste, aussi brillants que deux émeraudes en plein soleil. Le regard de cette fille était tellement envoûtant qu’il était presque impossible de ne pas s’y accrocher. Je ne parvenais pas à détourner le regard. Toutefois, cela n’avait pas l’air de la mettre mal à l’aise. Au contraire, lorsqu’elle se rendit compte que je la regardais, elle planta ses yeux dans les miens et, au final, c’est moi qui finis par baisser la tête.
J’attendis un instant après qu’elle se soit assise pour me risquer à lui jeter un œil à nouveau. Je m’attardai sur ses cheveux. Ils étaient d’un roux éclatant. Le soleil matinal qui se reflétait dessus les rendait brillants. On aurait dit des flammes.
Lorsqu’elle finit par se redresser, son regard croisa à nouveau le miens. Je me remis à fixer le tableau. Il fallait que je me calme. Cette fille devait déjà être mal à l’aise parce qu’elle était nouvelle, inutile d’en rajouter en la dévisageant comme s’il s’agissait d’une bête de foire. Elle risquait de me prendre pour un taré. Mais peut-être que j’en étais un, après tout.
Je n’arrêtais pas de me répéter que j’avais des hallucinations.
Ça ne peut pas être elle. C’est impossible, ça ne peut pas être elle.
Je regardai droit devant moi en essayant de prendre des notes pour m’occuper l’esprit. Heureusement, je parvins à me concentrer à peu prêt sur ce que disait le prof. Et dire que j’allais devoir assister à ce cours toute l’année, tous les lundis matins… Ce n’était peut-être pas la meilleure matière pour commencer la semaine. J’avais l’impression que mon cerveau était déjà à plat. Bon, les profs qui suivirent se montrèrent un peu moins durs que Monsieur Chase. Cela dit, les cours n’étaient pas ce qui avaient retenu le plus mon attention.
Je n’avais pas arrêté d’observer cette fille de loin. Je ne lui avais pas adressé la parole une seule fois, et j’avoue que je me sentais un peu minable. J’aurais au moins pu la saluer, lui souhaiter la bienvenue. En tout cas faire quelque-chose qui ne me fasse pas passer pour un gougea. Peut-être qu’elle l’avait mal pris et pensé que je la snobais.
Plusieurs fois au cours de la journée j’avais eu envie d’aller la voir. On était dans la même classe, les occasions de la croiser ne manquaient pas. L’ennui, c’est que je trouvais toujours une excuse pour me défiler au dernier moment.
Je n’arrêtais pas de me dire que cette fille était la même personne que je voyais dans mon rêve. C’était du délire ! Je ne la connaissais même pas. Je me faisais vraiment des films. Si ça se trouve, c’était juste une coïncidence, et la fille que je voyais dans mes rêves ressemblait juste beaucoup à la nouvelle, sans que je sache expliquer pourquoi.
Ce n’est qu’après le dernier cours de la journée que je trouvai enfin le courage d’aller la voir. Dès que la sonnerie retentit, je me dépêchai de la rattraper dans le couloir.
-Eh, attends ! l’appelai-je.
Je n’étais pas certain qu’elle ait compris que c’était à elle que je m’adressais mais, apparemment, si. Elle se retourna vers moi et je fus de nouveau sous l’emprise de son regard. J’avais même complètement oublié ce que je voulais lui dire.
-Tu voulais me parler ? me demanda-t-elle.
-Euh…
Silence.
-Est-ce que j’aurais oublié quelque-chose dans la salle ? tenta-t-elle de m’aider.
-…
J’avais beau essayer de dire quelque-chose, je n’y arrivais pas. J’étais incapable de mettre les idées en ordre dans ma tête.
-Toi, en revanche, on dirait que tu as oublié ta langue, dit-elle.
Bon sang, mais parle ! J’étais en train de passer pour un débile. Il fallait que je dise quelque-chose et vite. N’importe quoi serait toujours mieux que de rester là à la fixer comme je le faisais.
-Eh, désolé, dis-je enfin. Nan, t’as rien oublié, c’est juste que…euh…
-Tu… ? m’encouragea-t-elle.
Bon aller, il fallait que je me ressaisisse avant qu’il ne soit trop tard et qu’elle ne me mette dans la catégorie des abrutis.
-Eh bien…je me disais que, puisque tu es nouvelle, je…je pourrais peut-être te faire visiter le lycée. Enfin si tu veux, je te force pas.
Voilà que je me mettais à bafouiller. Finalement j’aurais peut-être dû la fermer.
-C’est gentil à toi, je te remercie, me dit-elle, mais ça devrait aller. Je suis venu faire du repérage lors de mon inscription, je devrais pouvoir me débrouiller. Cela dit, c’est très aimable à toi d’avoir proposé de me servir de guide.
-Oh, bah de rien, c’est normal. C’était dur pour moi aussi quand je suis arrivé au lycée.
-C’est vrai que l’établissement est assez grand.
-Ouais. Oh, mais au fait, moi c’est Max, dis-je en lui tendant la main.
Je sentis ridicule de faire ça mais elle tendit la sienne pour la serrer.
-Hayden, dit-elle.
Je me crispai instantanément et sentis le sang quitter mon visage. Une vague de froid envahit tout mon corps.
-Est-ce que tout va bien ? me demanda-t-elle, l’air inquiet.
Je repris mes esprits. Je constatai que je n’avais toujours pas lâché sa main, aussi je m’empressai de la libérer et reculai d’un pas.
-Je… Ouais, tout va bien, dis-je. La journée a été un peu longue et avec toutes les infos qu’on nous a donné, j’ai un peu mal au crâne. Rien de grave.
-La reprise est toujours difficile après deux mois de vacances.
-C’est ça. Je crois que j’ai juste besoin de dormir un peu.
-Sans doute, oui. D’ailleurs, je pense que je vais en faire autant.
-Bien sûr. J’ai…été ravis de te rencontrer. On se voit plus tard, j’imagine ?
-Oui. C’était un plaisir de discuter avec toi, Max. Et encore merci pour ta proposition.
Elle se pencha légèrement en avant, comme si elle s’apprêtait à faire la révérence. Je la vis rougir juste avant qu’elle ne tourne les talons et s’éloigne sans rien dire, disparaissant au milieu des autres élèves.
Je restai planté là, le regard dans le vide, essayant de calmer mon rythme cardiaque.
Elle s’appelle Hayden. Comme la fille de mon rêve.
Soit j’avais déjà rencontré cette fille avant et je ne m’en souvenais pas, soit je venais de découvrir que j’avais des prédispositions à la voyance.
2 commentaires
Amphitrite
-
Il y a 3 ans