Fyctia
Chapitre 23 - ERINE (1/2)
[Radioactive - Imagine Dragons]
Je pousse la porte d’acier et inspire à grandes goulées l’air frais de l’extérieur. Le toit me cache des regards indiscrets tandis que je tente de me reprendre. Mon cœur cogne contre ma poitrine et mon souffle semble douer de sa propre volonté. J’essaie de le calmer, d’apaiser son rythme effréné, mais il me résiste et me donne l’impression de manquer d’air.
D’étouffer.
Que je peux m’évanouir d’une seconde à l’autre.
Respire. Respire.
Je tremble. Je sens les grosses gouttes de sueur perler sur mon front. Mes genoux s’enfoncent contre le béton irrégulier du sol.
Respire, putain. Respire !
Les images de l’opération me reviennent en pleine face. Le thorax ouvert, le cœur ouvert sur la table d’opération, les scalpels précis qui incisent la chair, le sang… le sang.
Je suis à deux doigts de rendre mon déjeuner. À deux doigts de perdre connaissance, je le sens.
J’ai tenu l’opération à la seule force de ma volonté.
Quatre heures. Quatre longues heures à lutter contre le mal qui m’assiège depuis un an. Si les deux premières avaient été plutôt abordables, les deux dernières m’avaient semblé durer une éternité. Mon bouclier mental de représentation de tuyauterie n’a pas fonctionné aussi longtemps.
Les flashs de l’accident reviennent et la bile monte dans ma gorge, acide. La voiture est sur le bas-côté. Le pare-brise est défoncé. Le sang macule le verre.
Non, putain, non, pas ça.
Jackson est étendu sur la route. Le sang coule. Partout. Du sang partout.
Non… non… pitié…
Je ne sais pas si je l’ai murmuré ou pensé. Tout est flou. La réalité commence à se distordre et se mêler à mes souvenirs.
Je ne vois que le sang.
Le sang. Le sang. Le sang. Le sang. Le sang. Le sang. Le sang. Le sang. Le sang. Le sang. Le sang. Le sang. Le sang. Le sang. Le sang. Le sang. Le sang. Le sang. Le sang. Le sang. Le sang. Le sang. Le sang. Le sang. Le sang. Le sang. Le sang. Le sang. Le sang. Le sang. Le sang. Le sang. Le sang.
Le sang. Le sang. Le sang. Le sang. Le sang. Le sang. Le sang. Le sang. Le sang. Le sang. Le sang.
Le sang. Le sang. Le sang. Le sang. Le sang. Le sang. Le sang. Le sang. Le sang. Le sang. Le sang.
— Dr Peters ?
Je n’ai pas le temps de lever le nez que deux bras solides me soutiennent fermement. Un parfum boisé de pin et de cèdre me rattache au présent et dissipe ce flottement désagréable.
Le Dr Walter m’étudie, une ride inquiète entre ses deux sourcils blonds.
— Ça va, ça va, réussis-je à articuler.
— De toute évidence, ça ne va pas du tout.
Un cercle glacé appuie contre ma poitrine. Il a sorti son stéthoscope et commence à m’ausculter.
C’est à cet instant que je me rends compte qu’il est définitivement proche. Très proche.
L’odeur de cèdre et de pin vient de sa peau. Son eau de toilette très certainement. Les gestes de mon titulaire sont professionnels, ses doigts n’effleurent jamais ma peau, il prend soin à ne pas croiser mon regard ou mon décolleté pour me laisser une bulle d’intimité. Ces manœuvres automatisées et mécaniques provoquent pourtant en moi une sensation de chaleur intense et irrationnelle.
— Votre rythme cardiaque est extrêmement haut, commente-t-il.
Son souffle glisse sur ma peau et déclenche une série de frissons. Je remarque que cette petite ride entre ses yeux se fronce davantage quand il écoute les battements de mon cœur. Ça donne un air un peu plus sévère à ses yeux vert intense.
Est-ce une couleur qui existe vraiment ?
On dirait qu’ils sont irisés selon l’inclinaison de la lumière.
Ah oui, je dois répondre.
— Je n’ai juste pas assez mangé ce matin.
Excuse de merde, je l’accorde, mais c’est la seule que j’aie en réserve.
À cet instant, son regard accroche le mien. Ou plutôt, il me surprend à l’observer depuis tout à l’heure. Je prie tout ce que je peux pour que le feu irradiant mes joues ne les colorent pas trop.
Manquerait plus qu’il pense que je le contemple. Son égo est déjà assez gros comme ça.
— Ce n’est pas très prudent pour une chirurgienne, gronde-t-il en rangeant son stéthoscope.
Il m’aide à me redresser et garde ses bras à une distance raisonnable, au cas où je chuterais.
— Dans combien de temps se termine votre shift ? demande-t-il.
— J’ai terminé.
Je souffle cette phrase avec soulagement. L’opération a été particulièrement difficile et je suis plutôt ravie de rentrer me prélasser dans mon canapé, emmitouflée dans mon plaid, à dormir… juste dormir.
— Parfait, dit-il. J’ai une proposition à vous faire.
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