Fyctia

Je fais tourner mon verre entre mes doigts.

— Le Dr Peters… elle est en 2e année… je trouve cela étrange…

— Mmmh. Plutôt curieux en effet.

— Est-elle redoublante ?

— Pas que je sache. Elle aurait pris une année sabbatique d’après Velazquez.

Une année sabbatique ? En plein internat ? Quel genre de motif serait suffisamment recevable pour prendre une telle liberté ? Je veille à garder mes émotions calmes. Le cas d’Erine Peters attise de plus en plus ma curiosité.

— Elle avait peut-être envie de changer d’air ? hasardé-je. Le directeur ne l’aurait pas accepté si son dossier n’était pas en béton et que ses anciens titulaires n’avaient pas appuyé sa candidature. Simple supposition.

— Tu dis vrai, confirme-t-il. Elle était dans l’un des meilleurs hôpital d’Austin.

Je bats des paupières, incrédule.

— Mais qu’est-ce qu’une fille du Texas vient faire ici ? En Alaska ?

— Le chef ne veut pas en dire davantage. Il insiste simplement sur son esprit brillant et l’excellence de son dossier, marmonne le Dr Moore. Ça cache toujours quelque chose, tu peux me croire.

Je suis bien d’accord avec vous…

— D’après le Dr Velazquez, c’est une bonne diagnosticienne, dis-je.

— Cette jeune femme vient à peine de quitter l’école, encore heureux, se moque mon mentor. Nous verrons d’ici cinq ans si elle se débrouille toujours aussi bien.

Je ne peux pas prendre le risque de la laisser briller aussi longtemps.

J’avale une longue gorgée de bière pour passer l’amertume de ma pensée. Mais elle est tenace et s’accroche à mon palais.

— Dr Moore, commencé-je en ressentant le besoin de me confier à mon mentor, ne pensez-vous pas qu’elle puisse plus intéresser les directeurs d’établissements privés que moi ?

Ses paupières s’écarquillèrent avant qu’il ne parte en un fou rire éclatant. Malgré tout, sa réaction me réchauffe le cœur, signe que je m’inquiète trop.

— Ne t’en fais pas pour ça, mon garçon. Tu as bien plus d’avance qu’elle dans le domaine. L’expérience, ça ne se rattrape pas. Tu es le meilleur. En attendant, veille à ce qu’elle ne te fasse pas perdre ton temps. Tu as des congrès à préparer. C’est important pour ta carrière. D’ailleurs…

Il sort de sa mallette en cuir une invitation pour le prochain congrès sur les maladies coronariennes et un billet d’avion.

— Je t’ai finalisé la réservation. Nous partons dans deux semaines.

Je manque de tomber de mon tabouret.

— Je n’y croyais plus ! m’exclamé-je en saisissant mon billet. Merci, Dr Moore !

Le vieil homme esquisse un sourire chaleureux et termine sa bière d’un trait.

— Bon, je dois rentrer. Ma femme va encore me passer un savon si je dépasse l’heure.

— Quelle était votre limite aujourd’hui ? demandé-je, soupçonneux.

— 21h.

Nous consultons l’horloge du bar.

21h45.

Je me concentre pour ne pas rire quand je l’entends marmonner en sortant son portable pour appeler son épouse.