Fyctia
Chapitre 11 - ERINE (1/2)
[Make it out – Boundary run]
Cette première journée ne s’est pas exactement passée comme prévu.
Le fonctionnement d’un hôpital de la campagne est nettement différent de celui d’une ville. Je n’avais jamais imaginé que cela pourrait changer à ce point. Ne restons-nous pas tous des médecins ? Notre devoir n’est-il pas de soigner tout patient au maximum ?
Même si je comprends les revendications du Dr Walter sur le temps et la priorisation des urgences, je ne tolère pas ceux du rendement.
Je débadge en vitesse, la tête pleine de cases et de lignes à remplir au secrétariat. Je ne veux pas m’attarder un instant de plus ici. Moi qui avais choisi un vol au plus proche de mon heure de début de service afin d’éviter de me retrouver seule dans mon nouvel appartement, je ne souhaite à présent que le retrouver.
Mais c’était sans compter le Dr Velazquez.
— Dr Peters ? m’interpelle-t-il à la sortie du vestiaire. Avez-vous un instant ?
Naturellement…
Le bureau du directeur de l’hôpital est doté d’une de ces immenses baies vitrées que j’ai pu observer à l’extérieur. Une vue imprenable sur les montagnes tapisse tout le mur du fond. Je peux y apercevoir les étoiles, dix fois plus nombreuses qu’à Austin. Je sens que le spectacle est juste magnifique et je me fais la promesse de m’y rendre un jour.
Le mobilier, quant à lui, inspire la modernité. Blanc, épuré, la seule touche de couleur est cette plante grasse qui siège au milieu du bureau.
— Je vous en prie, asseyez-vous.
Le Dr Velazquez me désigne un siège en similicuir blanc.
— Votre journée s’est bien passée ? s’enquiert-il.
Un enfer…
— À merveille.
L’homme croise les doigts et s’enfonce dans son siège.
— Je vois. Vous avez de grandes capacités de réflexion et une très bonne mémoire, Dr Peters. Vos précédents titulaires ont toujours pointé ces qualités. C’est ce qui, je dois dire, a penché la balance en votre faveur. Vous attirerez beaucoup de jalousies, sachez-le. Surtout tant que vous n’aurez pas obtenu votre examen final.
La médecine est un monde de requin, j’en ai bien conscience. Et je viens d’en faire l’expérience.
— Je vous remercie, Dr Velazquez. Puis-je vous poser une question ?
Comme il m’invite d’un geste, je poursuis.
— Votre hôpital a fait la Une du Journal of the American Medical Association, vous avez obtenu un financement conséquent pour construire cet endroit. C’est un projet particulièrement fabuleux auquel je suis fière de participer aujourd’hui. Pourquoi n’avez-vous pas pu embaucher plus de titulaires ? À ce que j’ai vu, les différents services manquent de personnel.
— C’est le nerf de la guerre pour tout hôpital, neuf ou non, répondit-il avec un sourire triste. L’argent ne fait pas tout. Encore faut-il appâter les jeunes talents. Et un hôpital perdu au milieu de l’Alaska n’attire pas grand monde. En tout cas, pour le moment. Je dois m’assurer de lui maintenir une réputation digne de s’élever. À ce stade, la moindre petite erreur, et tout peut s’écrouler.
Il désigne une photo sur le mur. Il y pose avec un homme âgé aux lunettes rectangulaires et aux yeux perçants. Je le reconnaîtrais entre mille. Pointure dans le domaine de la cardiologie, le Dr Moore est pour moi ce qu’une star mondiale est pour le reste du monde.
— Le Dr Moore exerce ici ?
Ma voix se tord en un cri suraigu. Comment a-t-il pu… ? Il ne répond pas, mais il n’en a pas besoin. Je devine aisément qu’avec un bon gros chèque mensuel, le vieil homme n’a pas eu de mal à accepter pour pouvoir profiter plus tard de ses beaux jours.
Le Dr Velazquez hausse un sourcil.
— Je pensais que vous le saviez, compte tenu de votre lettre de motivation appuyant sur votre choix de chirurgie cardiovasculaire.
Mince.
Je m’oriente vers un terrain glissant. Je le sais.
— Dites-moi, Dr Peters, qu’est-ce que vous amène exactement en Alaska ? Nous n’en avions pas plus parlé que cela au téléphone. Mais je dois dire que je suis curieux. Vous êtes brillante, jeune et talentueuse. Que peut bien vous apporter notre hôpital ?
Mon cœur se met à battre fort dans ma poitrine. Si fort que j’ai peur qu’il ne l’entende. Mes mains commencent à poisser et je me dois me contenir pour ne pas les essuyer contre mon jean.
— Le Twin Lakes Hospital possède un matériel dernier cri, notamment les dernières machines de pointe en matière de robotique cardiovasculaire. Ajouter une maîtrise de ces outils dans mon CV est un vrai plus pour ma carrière. Je ne doute pas que votre établissement figurera bientôt parmi les plus réputés du pays et je tiens à me mettre à votre disposition afin d’atteindre ces objectifs.
Mes phrases toutes faites, parées pour ce genre de questions, ne sont pas très loin de la réalité. Le matériel robotique du bloc me fait de l’œil et j’espère pouvoir bientôt m’en servir.
Le directeur tapote contre son bureau, pensif. Je reste impassible. Il faut qu’il me croie, parce que je n’ai pas d’autres arguments.
Je suis fatiguée.
Affamée.
Épuisée mentalement.
Je n’ai vraiment pas la force de débattre plus longtemps.
De grâce, laissez-moi partir.
— Bien. C’est un réel plaisir de savoir que votre motivation est vive, Dr Peters.
Je le remercie d’un hochement de tête…
... et pâlis quand il sort un document dont les premières lignes déclenchent en moi une vague de froid.
20 commentaires
Elvira_Lyre
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Il y a 3 mois
1847heaven Séverine Gomez
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Il y a un an
Eleanor Peterson
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Il y a un an
AJ Broochmitt
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Gwenaële Le Moignic
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Andrée Martin
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AJ Broochmitt
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Paupipauline
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AJ Broochmitt
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Il y a un an