VMOlympe Ce que cache le silence Chapitre 14 - Cassie

Chapitre 14 - Cassie

Les mains enroulées autour de ma tasse, je laisse sa chaleur remonter le long de mes bras en vagues apaisantes. Le bar-PMU dans lequel Duval m’a invitée baigne dans une lumière réconfortante. Autour de nous, quelques habitués s’agitent devant un match de rugby, à leur table ou directement au comptoir.

Face à moi, Tony se délecte de son cappuccino. Il ne cesse de m’étonner. Depuis qu’il a baissé sa garde, je découvre un homme fiable, volontaire, et presque agréable. La façon dont il a géré la chute de Mme Umbert m’impressionne. Il s’est montré compétent, assuré et patient. Et il faut une force surnaturelle pour garder son calme face à Germaine. Pourtant, il est resté professionnel jusqu’au bout. C’était… assez sexy.

— Ça ne dérangerait pas ton mec s’il savait que tu prenais un café avec un autre homme ? me demande-t-il.

Il attaque avec des sujets personnels. Mais après tout, c’est une façon comme une autre de se connaître.

— Je n’ai pas de mec.

— Ah oui ? Et Matéo ? Tu ne vas pas me faire croire que c’est ton maraîcher et qu’il se contente de te vendre des fruits et des légumes.

Un éclat de rire m’échappe.

— Non, ce n’est pas mon maraîcher, mais ce n’est pas mon mec non plus.

Il reste interdit un instant avant de comprendre :

— Je vois. Sex friends ?

Il va un peu loin.

— C’est une proposition ? le provoqué-je.

Il pâlit tellement qu’on pourrait le prendre pour un fantôme.

— Bien sûr que non ! s’offusque-t-il. Je parlais de Matéo et toi. Tu ne m’intéresses pas une seule seconde.

— Pas besoin d’être aussi franc, me vexé-je. Je plaisantais. Et c’était ma façon de te dire de t’occuper de tes affaires.

— Ah… désolé. On repart à zéro ?

Je hausse les épaules.

— Tony Duval, fait-il en me tendant la main au-dessus de la table. Je suis sapeur-pompier ; j’adore le théâtre, la natation et la randonnée et j’aurais 28 ans à la fin de l’année.

— À la fin de l’année ?

— Je suis du 31 décembre.

— Ça craint.

— Plus que tu ne le crois.

Je me décide et lui serre la main.

— Cassie Lamarre, avocate. J’adore le yoga, la science-fiction et le chocolat.

Il esquisse un sourire et se dégage.

— Tu ne me dis pas ton âge ? me taquine-t-il.

— Tu le connais déjà.

— Pas vraiment, mais je peux essayer de deviner.

— J’ai 29 ans, cédé-je.

— T’es plus vieille que moi, fanfaronne-t-il à la manière d’un gamin de 5 ans.

Je lève les yeux au ciel, amusée malgré moi.

— Pas tant que ça.

Il m’adresse une œillade faussement convaincue et change de sujet :

— Ça fait longtemps que tu fais du yoga ?

— À peu près 5 ans. Ça m’aide à me canaliser et à garder la ligne.

Son regard dérive rapidement le long de mon corps, pour revenir sur mon visage l’air de rien. L’ombre d’un rougissement se devine sur ses pommettes. J’ignore son instant de faiblesse et enchaîne :

— Tu en as déjà fait ?

— Du yoga ? Non, c’est pas mon truc. Pas assez actif à mon goût.

— Tu sais, ce n’est pas parce qu’on reste sur place que ce n’est pas actif. Tes muscles s’en rendraient compte si tu essayais.

— Mouais… Je lui donnerai peut-être une chance, à l’occasion.

Le silence se réinstalle entre nous. Je meurs de curiosité sur sa vie : ses activités, ses amis, sa famille… mais après la bombe qu’il a lâchée ce matin à propos de ses parents, j’ai peur de me montrer indélicate.

— Tu as des frères et sœurs ? m’interroge-t-il.

Bon sang, il doit être capable de lire dans les pensées.

— Un frère et une sœur, tous les deux plus âgés. Et toi ?

— Une sœur aînée. Elle a dix ans de plus que moi. C’est elle qui m’a éduquée après que… Après.

Aïe. Je me doutais que la thématique de la famille allait faire revenir le sujet de ses parents. Je ne sais pas comment réagir. On est loin d’être proche. Après tout, on commence juste à apprendre à se parler sans avoir envie de s’étriper. J’ai peur qu’il prenne mal la compassion que je pourrais lui montrer.

— Tu veux me raconter ? lui proposé-je d’une voix douce.

— Pas aujourd’hui, et pas ici, refuse-t-il sur le même ton, son regard tout de même reconnaissant. Parle-moi plutôt de tes frangins.

Je lui accorde sa demande et lui narre les aventures d’Adrien, et surtout Pauline, dans un récit haut en couleur.

— C’est dommage qu’ils ne se parlent plus, conclut-il à la fin de mon histoire.

La peine s’insinue dans mon esprit. Je la chasse vite.

— Oui. Déjà qu’ils vivent à l’autre bout de la planète, leur querelle complique davantage l’opportunité de les voir.

Il m’observe de longues secondes, puis déclare :

— Je ne m’imagine pas une seule seconde vivre éloigné de ma sœur. Sans elle dans ma vie, je crois que je m’écroulerais.

Une tendresse touchante a envahi ses prunelles noisette aux reflets d’or. Je ne les ai jamais vu aussi belles… aussi troublantes.

— Bref, se reprend-il en rompant le charme, un trader, une hippie et une avocate. Des profils très différents. Personne n’a l’air de travailler dans la branche judiciaire dans ta famille. Qu’est-ce qui t’a fait choisir le droit ?

— Batman.

— Pardon ?

— Il répare les injustices. J’ai voulu le faire à ma manière, et dans un cadre légal.

Il m’examine comme si j’étais un rubik’s cube.

— J’ai du mal à déterminer si tu es sérieuse ou non. C’est tout de même pas un superhéros qui t’a fait endurer des cours de droit ?

Je fronce les sourcils, intriguée. Il est toujours si négatif quand il parle de mon métier.

— Je ne comprends pas, Tony. Si tu détestes tellement le droit et tout ce qui y est lié, pourquoi prends-tu des cours du soir ?

Il s’abat contre le dossier de sa chaise et pousse un long soupir.

— Tu sais pourquoi. J’en ai parlé au premier cours.

— « Tony Duval, pompier. Je suis là parce que l’État a décidé que j’avais besoin de ces conneries pour faire mon travail. » Ce sont les mots de ton introduction.

— Tu as appris ma présentation par cœur ?

— Il n’y avait pas grand-chose à mémoriser, mais tu détournes le sujet.

Il grimace, puis révèle :

— Je veux passer le concours de lieutenant. Il me permettra d’être plus décisionnaire dans la vie de la caserne, d’être plus performant lors des interventions. Le concours contient une épreuve sur le droit public, le fonctionnement de l’État, les différents rouages à graisser, etc. C’est ma bête noire. Je n’arrive à rien tout seul. Les cours m’aident à comprendre. Tes cours m’aident.

Je reste silencieuse. Il paraît presque désespéré. Pourquoi se met-il une telle pression ?

— À ce propos, reprend-il. Vu que ta pédagogie me correspond, et que j’ai peur que les cours du soir ne soient pas suffisants… je me suis dit que tu pourrais me donner des cours privés.

Il est sérieux ? Pour quelqu’un qui ne supportait pas ma compagnie il y a quelques heures, il la recherche de plus en plus. Mais, en ce qui me concerne, c’est une idée déplorable. Mes semaines sont déjà bien remplies ; je n’ai pas envie d’y rajouter d’autres activités professionnelles.

— Quand est ton concours ?

— Dans 6 mois.

— Ça te laisse encore le temps. Pour les cours privés, c’est non. Mais j’intensifierai les cours du lundi. Juste pour toi.

Une lueur terrifiée s’allume dans son regard.


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14 commentaires

Elisa Antoine

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Il y a 10 mois

Ho, j’aime bien comme tout coule de source. Ils ont crevé l’abcès et, à présent, ils reprennnent les bases en s’envoyant toujours quelques joutes, mais rigolotes cette foi... j’aime beaucoup l’évolution de leurs échanges. Et cette proposition ? Non, Tony, pas bien... enfin, si... mais non ! Lol

Carl K. Lawson

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Il y a 10 mois

;)

VMOlympe

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Il y a 10 mois

Merci 😊 !

Anaïs Di Giuseppe

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Il y a 10 mois

Merci pour ton passage 😊

VMOlympe

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Il y a 10 mois

De rien, merci à toi également 😊

Diane Of Seas

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Il y a 10 mois

💚

VMOlympe

-

Il y a 10 mois

Merci 😊 !

Laryna

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Il y a 10 mois

💜

VMOlympe

-

Il y a 10 mois

Merci 😊 !
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