Fyctia
Lettre au lieutenant
Comme chaque lundi, le sergent était en retard. Et comme chaque matin, il viendrait avec une boîte de donuts dans les bras. La moitié aurait bien entendu disparue. Lorsque le lieutenant Marcellin lui avait dit que ça faisait cliché, son supérieur lui avait répondu, d'une voix qu'il voulait philosophique:
- Le meilleur moyen de tordre le cou aux clichés est d'y céder.
Marcellin n'avait pas rétorqué, préférant cacher son dépit derrière un dossier.
Mais ce matin était différent. Le sergent n'avait apporté avec lui qu'une haleine à décoller le papier peint, et une grosse gueule de bois. Marcellin avait à peine ouvert la bouche que le regard de son chef lui rabattu le caquet. C'était le regard 'pas de questions si tu tiens à l'intégralité de ce qui se trouve dans ton caleçon'.
- Arrête de me regarder comme ça! Y a du taf pour toi. Lis ce que j'ai trouvé dans ma boîte aux lettres perso ce matin.
Le lieutenant s'empara de l'enveloppe que son chef lui jetait. Du kraft, pas d'adresse, pas de nom. Il l'ouvrit délicatement, même si elle avait déjà été souillée par les mains grasses du sergent. Le papier provenait certainement d'une imprimante. L'écriture était manuelle, d'une encre rouge agressive.
Fouillez le passé de Mr Stéphane Ratord. Vous trouverez des choses édifiantes. Mais dépêchez vous, sinon...
- Thomas, envois ça au graphologue. Je vais chercher ce qu'on a dans notre base de données. Et qu'on analyse le papier et l'enveloppe, fissa!
Des heures durant, le lieutenant Marcellin avait consulté des fichiers à la recherche d'informations sur Stéphane Ratord. Voilà les quelques éléments qu'il a pu glaner:
Stéphane Ratord est le fils de Mr Ratord Philippe, le créateur de Ratord and cie. L'entreprise pesait des millions à la mort du père. Stéphane l'a revendu au plus offrant, et s'en sont suivies des vagues de départ à la retraite forcés, et des plans sociaux. Il a dilapidé l'héritage dans sa lubie d'écriture. Père d'un garçon adolescent, et fraîchement divorcé. Casier judiciaire vierge. Un pv pour stationnement gênant.
C'était un bien maigre dossier. Aucun squelette à déterrer. Pas de scandales. L'affaire allait être rapidement classée. Il restait cependant le problème de l'expéditeur de la lettre. Qui d'une part connaissait l'adresse personnelle d'un gradé de la police; et qui avait également proféré des menaces.
Le lieutenant Marcellin buvait un énième café en se grattant la tête. C'est ce qu'il faisait à chaque fois qu'il stressait. Il espérait réellement que ce soit une fausse piste. Il ne se sentait pas d'entrer dans la peau du mentalist, à la poursuite d'un dangereux déséquilibré. Mais son instinct de limier entraîné lui soufflait que cette affaire allait lui donner du fil à retordre. S'il avait su à quel point il voyait juste, le lieutenant Marcellin aurait certainement prit une année sabbatique. Mais, n'ayant pas de pouvoirs extralucides, il s'affaira à ce nouveau dossier, en bon policier qu'il était encore pour quelques mois.
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June
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