Othily Rimbold Ça va ? Oui.. Tu mens ? Oui. Tout ce qui vole.

Tout ce qui vole.

Je lève les yeux vers le ciel espérant apercevoir l’avion qui passe non loin de la clinique. Ces engins – inventé par un fou – ne volent pas toujours assez près pour que je puisse les admirer. Il n’y avait que des fous pour penser que de la taule pourrait un jour voler. A présent ces monstres de fer font rêver l’enfant que je suis restée.

J’ai une passion pour les objets et les animaux volants. Celle-ci s’est créée pendant mon internement ici. Elle n’est pas difficile à comprendre. Je ne suis pas psy mais je sais pourquoi je les aime tant. Eux, ils sont libres contrairement à moi. Je reporte ma soif d’indépendance sur les oiseaux, les montgolfières ou les avions. J’imagine la vie des passagers et leur destination.

C’est mon grand rêve. Je n’ai encore jamais pris l’avion et ne le ferais sûrement jamais. "Tu n’as que vingt-deux ans. Tu as encore le temps." « Sauf si je reste coincée ici jusqu’à la fin de ma vie, Isely » Celle-ci fait une grimace en entendant ma réponse. Elle n’aime pas mon côté négatif.


J’ai très envie de me lever et aller presser mon visage contre la vitre dans l’espoir de l’apercevoir. Paralysée par ma timidité, je reste assise ayant trop peur de bouger sous le regard de mon psychiatre.

Le bruit s’éloigne, il se fait plus silencieux avant de s’effacer. L’avion n’est pas passé devant la fenêtre. J’aurais sans doute pu le contempler si je m’étais levée. Si j’avais mis de côté les règles de savoir vivre. Ce que je n’ai pas fait. Ce que je n’ose jamais faire, même si entendre cet avion sans le voir, éveille un sentiment de tristesse et de négativité dans mon esprit.

Mon visage n’exprime aucune de ces émotions. Je sais les contrôler depuis le temps. Ça à toujours été ainsi, et de ce fait personne n’a vu ma détresse, celle-ci même qui m’a attirée sur ce pont.

- Vous n’êtes donc pas sûre de sortir ?


« Évidement, que je ne sais pas. » Je ne dis rien, sa question est idiote. Il sait très bien que je ne peux pas sortir seule. Il n’est pas dit qu’une des infirmières ait le temps de m’accompagner aujourd’hui. Elles sont souvent très occupées le dimanche.

Je sais que je ne bougerai pas. Je ne veux pas les déranger dans leur travail. Je n’irai pas réclamer une sortie si l’on m’oublie. Je continuerai tout bonnement à rêver en silence devant ma fenêtre, sans gêner le personnel et les autres patients en bonne compagnie.


Ces mêmes patients qui sont en ce moment même dehors alors que moi je suis coincée à l’intérieur à répondre à des questions sans queue, ni tête. Les regarder se promener, réveille en moi un sentiment de jalousie. Je hais cette boule de colère et de rage qui prend vie dans mon estomac. Cet apitoiement qui est bien capable de me faire pleurer pour une broutille.

Isely peut bien me sortir toutes les phrases optimistes qu’elle connaît, je ne vois rien d’autre que ces fous qui marchent dans les jardins sans se rendre compte de la chance qu’ils ont.

Ils respirent de l’air et peuvent ressentir les effets du soleil ou de la pluie sur leur visage. Je ne sais depuis combien de temps je n’ai pas senti les larmes d'un nuages sur ma peau.

Si j’étais autorisée à sortir quand bon me semble, plus jamais je ne rentrerais. Qu’il pleuve, qu’il vente, qu’il neige, je resterais assise sur un banc à contempler le ciel matin et soir. J’admirerai les avions voler au-dessus de ma tête. Et les oiseaux chanter et virevolter autour de moi.

Jamais seuls, toujours en groupe, les oiseaux sont avec le même partenaire à vie. Je le sais puisque parfois, dans de rare moment et seulement quand la télé parle de quelque chose de volant, je la regarde depuis mon fauteuil.


- Non


La première fois que j’ai eu un rendez-vous dans le bureau de Monsieur Psy et que celui-ci m’a posé des questions, mon long silence de réflexion a été traduit par un refus de répondre. Il avait enchaîné sur une autre et encore une autre sans que mon cerveau n’arrive à en choisir une seule. Celui-ci était resté sur la première question posé.

Après deux semaines de conversations décousues – moi répondant à celle du début, lui déjà à la cinquième – il avait fini par comprendre que j’avais besoin de temps. Il le sait à présent. Il a aussi remarqué qu’un petit rien peut me faire rêver et oublier où je me trouve.

Il a appris à travailler avec moi et à suivre mon rythme lent et parfois incohérent.


- Enfin une vérité, nous progressons ! S’exclame-t-il comme un père fier de sa fille.


Je n’arrive pas à voir le progrès que je viens de réaliser. Je n’ai rien dis de différent comparé aux autres jours depuis que je suis arrivée. J’ai prononcé des mots d’une à trois syllabes. Ce n’est pas nouveau.

Bien que sa joie me laisse perplexe, je ne tourne pas la tête dans sa direction.

Du coin de l’œil je distingue mon psychiatre se réjouir de la vérité que j’ai émise. Nous savons tous les deux – il est bête mais pas con – que le reste de la conversation n’a été qu’un énorme mensonge.

Même en sachant que je ne dis pas la vérité, il continue de me poser des questions sans me faire part de ses doutes et ses interrogations. Il est psy, il doit savoir s’y prendre avec moi et ses autres.


- Mais vous, vous voudriez sortir ?


Je serre les dents. Je ne m’exprime pas parce que je suis polie et timide. Je ne lui crache pas au visage la réponse qui me vient à l’esprit. Je reste impassible. Je me force à desserrer la mâchoire au cas où il parvienne à distinguer mon subtil changement. Mes mains sont à plat sur mes cuisses. Ma tête ne bouge pas dans sa direction.

Je sais qu’il cherche à me faire parler. Je ne rentre pas dans son jeu.

Surtout pas pour une question aussi irréfléchie. Bien évidemment que je veux sortir. J’aimerais surtout ne plus jamais avoir besoin de rentrer. "Mais tu ne dis rien parce que ça serait te plaindre et…" « Et d’autres ont un sort plus triste encore. Je sais. » J’ai un toit sur la tête et un plat devant moi matin, midi et soir.


Mon haussement d’épaules est léger, presque imperceptible. Je ne suis pas sûre que Monsieur Psy l’ait vu, et je m’en fous. Il devrait connaître ma réponse rien qu’à la façon dont je regarde les autres dehors.

Un vieux monsieur rondouillard, il n’y a pas de mannequin ici, court dans le jardin en hurlant.

Deux jeunes femmes, l’une plus âgée que l’autre, le regarde, le visage remplis de chagrin. Cet homme n’est pas mort, mais quelque part s'est presque le cas. Tout comme moi.

"Mais toi tu vas revivre, je te le jure." Je ne réponds pas à Isely, de peur de lui faire mal en exprimant la vérité comme je la vois. "Je la connais. Je suis dans ta tête. Mais je n’y crois pas." « Tu devrais. » C’est elle qui ne répond plus à présent. Elle préfère se détourner de moi. Je l'ai blessée avec ma pensée négative. Je m’en excuse silencieusement.


- Vous m’avez l’air d’aller moins bien contrairement à ce que vous m’avez avoué en début de séance.


Parce qu’un jour il a trouvé que j’allais mieux ?! Qu’il me dise quand, car je n’en ai pas le souvenir.

Tu as aimé ce chapitre ?

4 commentaires

Othily Rimbold

-

Il y a 7 ans

J'aimerais savoir ce que tu n'arrive pas à comprendre chez Georgia, ça pourrais m'aider pour la suite. ^^

You_Style1

-

Il y a 7 ans

Il faut dire que ton histoire m’intrigue. Je n’arrive pas à comprendre Georgia et c’est déstabilisant. Mais je vais continuer à lire pour en savoir d’avantage. :)

Othily Rimbold

-

Il y a 7 ans

Te perturber dans le bon sens ? ;) Et bien j'espère que d'ici là ton cerveau cherchera lui même des idées pour l'avenir de Georgia :3

Caro Handon

-

Il y a 7 ans

Ton histoire me perturbe mais par curiosité je viendrais lire la suite :) Parce que j’ai hâte de savoir ce qu’il peut se passer pour elle :)
Vous êtes hors connexion. Certaines actions sont désactivées.

Cookies

Nous utilisons des cookies d’origine et des cookies tiers. Ces cookies sont destinés à vous offrir une navigation optimisée sur ce site web et de nous donner un aperçu de son utilisation, en vue de l’amélioration des services que nous offrons. En poursuivant votre navigation, nous considérons que vous acceptez l’usage des cookies.