Fyctia
Chapitre 6 : Carter (2/2)
Je me doute qu’ils ne sont pas venus me faire la conversation, mais je ne dis rien. Depuis l’accident, je suis aigri, ce qui me rend désagréable, même auprès du personnel qui prend soin de moi. J’envie ceux qui sont déjà passés par ces épreuves, et que leur force de caractère a sauvés. Certains arrivent à faire de l’humour, ou simplement à se concentrer sur la chance qu’ils ont d’être en vie, d’autres sont dans le déni et font bonne figure. De mon côté, je suis incapable de me raccrocher à quoi que ce soit. Aucune lumière au bout du tunnel ne m’apparaît. Chaque jour je sombre un peu plus.
— Il va falloir retirer le pansement, insiste-t-elle avec empathie.
Soudain je comprends où elle veut en venir et ça me tétanise. Il m’est impossible d’aligner deux pensées cohérentes, l’espace d’un instant j’aimerais retrouver la tranquillité de mon coma, lorsque je n’avais pas conscience de ce qu’il m’était arrivé.
La chirurgienne s’approche jusqu’à se trouver à moins d’un mètre, il lui suffit de tendre le bras pour ôter l'adhésif qui couvre mon visage.
— Vous êtes prêt ?
Non ! Et je ne le serai sans doute jamais. Peut-on vraiment se préparer à voir son corps mutilé ? Je ne suis pas certain de pouvoir répondre à voix haute, alors je hoche lentement la tête.
Son soupir à peine dissimulé prouve qu’elle n’est pas dupe, sa question ne sert qu’à obtenir mon consentement. En réalité, mes états d’âme ne sont pas son problème, son rôle est de gérer la mécanique, rien de plus.
Le contact froid de ses doigts me fait tressaillir. Je clos mes paupières et prends une profonde inspiration avant de sentir la compresse se séparer de ma peau. Grâce aux médicaments, la douleur est supportable. J’ai l’impression de me délester d’un poids, néanmoins, j’ai conscience que ce n’est pas suffisant, qu’il s’agit simplement de la première étape.
— Maintenant vous devez ouvrir les yeux, monsieur Rosnik, m’invite la doctoresse d’une voix ferme et douce à la fois.
Elle ne me presse pas, toutefois, je ressens comme une urgence. Il faut que je voie ce qui m’entoure, que j’observe, découvre. Alors, je descelle mes paupières et… rien. Je ne sais pas à quoi je m’attendais, sans doute espérais-je encore qu’un miracle se produise. Non. Du côté droit, je ne perçois que du vide et le noir. La coupure n’est pas nette, mon champ de vision ne se termine pas à l'arête de mon nez, sauf qu’il y a toute une partie qui n’existe plus.
Mon souffle s’accélère et je ne parviens pas à maîtriser les battements de mon cœur qui s’emballent, il est prêt à exploser. La panique me saisit, mon corps s’agite. J’ai envie de me lever, arracher les tubes reliés à mes veines pour partir loin d’ici.
Le docteur Collins et son acolyte me retiennent l’un me presse le bras en signe d’avertissement tandis que le second s’assure que je n’enlève pas ma perfusion en me jetant un regard sévère, mais rien n’y fait, je ne veux pas rester là.
— Monsieur Rosnik, si vous quittez cet hôpital, vous n’aurez aucune chance d’amélioration, lance le second médecin. Vous ne retrouverez jamais votre œil, mais la rééducation peut permettre à votre cerveau de compenser.
Ses mots ont le mérite de me calmer. Ce type vient de m’offrir une bouffée d’oxygène, sans doute qu’il m’en faudra une autre par la suite, mais ses paroles me poussent à rester en place. Du mieux est possible, à force de travail, cet état n’est pas définitif. Cette pensée fait tilt, alors il est temps que je me retrousse les manches et que je devienne acteur de la situation si je veux sortir de ce cauchemar au plus vite.
— Je peux avoir un miroir ? demandé-je.
À leur tête, je devine qu’ils n’approuvent pas mon choix, pourtant l’un d’eux entre dans la petite salle d’eau attenante pour revenir, un petit rectangle entre les mains.
— Je vous déconseille de faire ça, tente la chirurgienne. Vous en êtes qu’à un stade transitoire, et ce n’est pas le meilleur. D’ici quelques semaines nous allons vous poser un œil de verre et rehausser votre pommette pour recréer la symétrie de votre visage. Vous risquez de vous faire du mal pour rien.
C’est un avertissement. Cependant, une fois encore, je n’en fais qu’à ma tête et récupère le carré qu’elle me tend. Je ne réfléchis plus, au cas où je me décourage et positionne la glace face à moi afin de contempler mon reflet.
Sauf que c’était une erreur, une de plus…
16 commentaires
Cécile Marsan
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Il y a 3 mois
Sabrina PAUGAM
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Il y a 3 mois
Emma Berthet
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Il y a 3 mois
Lyla_s3
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Emma Berthet
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Il y a 3 mois
Nina Fenice
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Il y a 3 mois
Lily_D
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Emma Berthet
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Zatiak
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Il y a 4 mois
Emma Berthet
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Il y a 4 mois