Fyctia
CHAPITRE 7 - PARTIE 3
- Merci pour la leçon de vie, la sortie c’est par là, souffle-t-elle en désignant la porte d’entrée.
Je fouille dans ses yeux une faille, mais n’y trouve que le néant. Au final, elle est comme je l’imaginais, une coquille vide, sans réelle vie. Elle s’accroche aux autres, pour se donner du sens, mais elle sait déjà que ceux autour d’elle n’auront bientôt plus besoin de ce qu’elle peut offrir. Elle est seulement résignée.
- Tu es tout aussi inutile que moi, rétorque-t-elle soudainement. C’est pour ça que tu es là. Parce que tu veux te convaincre que tu as une seconde chance offerte. Mais laisse moi te dire quelque chose beau gosse…les secondes chances ne sont pas faites pour tout le monde.
Je déglutis, nullement en accord avec la tournure que prend la conversation. Elle inspire profondément, s’éloigne en direction de sa cuisine, et sort deux verres, puis une bouteille de whisky. La surprise doit se lire sur mon visage, parce qu’elle sourit faiblement, pendant qu’elle verse le breuvage ambré.
- Tu parles sans savoir…
Ma voix n’est plus aussi assurée que tout à l’heure, je suis certain qu’elle s’en rend compte. Elle boit son verre, tout en me toisant. De mon côté, je ne fais aucun mouvement, pas certain de ce qui se passe.
- Tu crois ?! Les secondes chances, c’est seulement pour te convaincre de continuer d’avancer. Ne dit-on pas que l’espoir fait vivre ? Pour moi, les secondes chances sont souvent de faux espoirs. Tu crois que tu pourras faire les choses en mieux, mais tu finiras pas reproduire les mêmes erreurs, encaisser les mêmes souffrances, en pire peut-être cette fois-ci. La preuve, tu aurais pu attendre demain matin, venir me voir au garage, t’excuser…au lieu de ça tu t’es introduit chez moi, en pensant qu’en me terrifiant légèrement, je me tairais.
Mon sang se fige dans mes veines, quand ses mots résonnent dans mon crâne. Bordel.
Ses yeux se teintent d’une lueur si brûlante, que je sais qu’elle a conscience qu’elle vient de remporter cette victoire. Putain, comment fait-elle ça ? J’acquiesce lentement, résigné, alors qu’elle incline doucement la tête. Peut-être que j’aurais pu faire différemment, mais visiblement certaines habitudes ont la vie dure, surtout quand la nécessité se fait sentir. La faim justifie les moyens, mais parfois il vaut mieux réfléchir avant d’agir. Je n’ai fait qu’aggraver mon cas, et en essayant de me sauver, je n’ai fait qu’user mes forces pour sortir la tête hors de l’eau.
Elle me dévisage, nullement inquiète de mon silence si soudain. Evidemment, elle vient de faire mouche. Sans un commentaire, elle se rend à sa porte d’entrée et l’ouvre, je frissonne quand l'air frais vient me percuter.
Je vais me faire virer, je vais tout perdre. Encore. Je ferme quelques secondes les yeux, avant de sortir de chez elle. Je fais un léger volte-face pour plonger mon regard dans le sien. Elle soupire, son bras s’appuie contre la porte, elle déglutit, avant d’hausser les épaules.
- Tout le monde a ses problèmes, si tu crois que les tiens seront la priorité des autres, tu risques de rapidement gâcher cette seconde chance à laquelle tu sembles tant tenir.
Sa voix est soudainement plus douce, mais pas moins douloureuse.
- J’avais presque oublié combien l’être humain peut-être égoïste, lâché-je.
Elle sourit, comprimant quelque chose dans ma cage thoracique.
- Certains…d’autres sont obligés pour survivre. Tu devrais t’y mettre si tu comptes aller loin.
Sans attendre que je lui réponde, elle me claque la porte au nez. Je reste quelques secondes figé là, avant de me rendre à ma voiture. Je repars bredouille, mais au moins, j’ai compris qu’elle ne serait pas une alliée. Ça m'aurait été utile pour conserver un train de vie sain, mais il semblerait que la protégée de mon patron soit réellement une sombre connasse. Je ne pourrais rien y changer. Donc je vais devoir jouer moi aussi, parce que je ne subirais pas une énième humiliation, encore moins face à elle.
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