Fyctia
Chapitre 14 (1/4)
Nouriya
Ils ont l’air d’être plusieurs. Que vais-je bien pouvoir faire, avec un simple poignard ? De plus, je suis à peu près certaine que je le brandis comme une paysanne effarée qui n’a jamais tenu une arme entre ses mains. Si je n’étais pas aussi mortifiée, je me ferais presque honte.
Garder le feu aussi longtemps allumé était une erreur, me blâmé-je intérieurement, mais j’étais si fatiguée.
Les pas se rapprochent toujours plus, si jamais ce devais être autre chose que des êtres humains, ce seront plusieurs animaux qui nous attaqueront.
Est-ce que les loups se déplacent en bande pour ramener de la nourriture ? Mais je n’en sais rien moi !
Inutile de regarder Altaïr, la seule chose qu’il ait jamais chassé est le pouvoir. Et maintenant je ne sais même pas après quoi il court, étant donné qu’il ne veut même plus sa vengeance.
Nous même n’avons plus le temps de fuir, d’autant plus que mon compagnon d’infortune est cloué sur place par la peur.
Le feuillage des arbustes de devant s’écarte avec dynamisme. J’espère de tout mon cœur, et ce, pour la première fois que nous sommes en fuite, voir apparaître Soan.
Mais à la place du jeune homme blond que je veux à tout prix, c’est un homme à la barbe hirsute et au teint mat qui me fait face. Il a les yeux écarquillés, présente des égratignures sur le visage.
Une silhouette se précise derrière son crâne dégarni et j’ai le temps d’apercevoir le bâillon qui lui entrave la bouche avant qu’il ne trébuche contre la lampe et ne parte en avant.
Abasourdie, c’est avec justesse que je parviens à m’esquiver sur le côté avant qu’il ne m’écrase avec lui au sol. Ses gémissements plaintifs sont déformés par la bande de tissu nouée à l’arrière de son crâne.
— Vous en faites une de ces têtes, vous deux, s’esclaffe une voix, celle de la silhouette, de plus en plus distinguable, un son que je ne reconnais que trop bien.
Depuis le début de notre cavale, elle est pour la première fois synonyme de soulagement à mes oreilles. Je me détends, rassurée, mais je conserve une mine sévère.
— C’est ce que tu appelles un « nouvel ami » ? le réprimandé-je.
Soan hausse les épaules et renifle en regardant l’homme qui se tortille par terre comme une chenille. Il donne l’impression d’avoir accompli un effort physique considérable pour amener – contre son gré c’est évident – cet inconnu jusqu’à nous.
Je laisse mon regard glisser sur ce dernier. Il a les mains liées dans le dos et s’aide de ses jambes et de son bassin pour pouvoir nous faire face.
Au lieu de l’aider, Altaïr se redresse et interroge à son tour Soan en silence.
Je secoue la tête, exaspérée.
Il faut vraiment tout faire à votre place, c’est incroyable, me retins-je de leur faire remarquer.
Je m’avance en me penchant pour aider l’homme, personne ne devrait être traité de cette façon.
— Arrête, malheureuse ! proteste Soan.
— On ne va pas le laisser là comme ça à avaler de la terre !
— Si ? répond-t-il simplement.
— Si ? répété-je pour être sûre d’avoir bien entendu.
Même si connaissant Soan, il est évident qu’il vient bien de dire que cet homme doit continuer à s’étouffer dans son bâillon tout en essayant de se relever.
— Pourquoi cela ? questionne Altaïr.
Soan hausse les épaules et écarte les bras, apparemment surpris de notre réaction empreinte d’un peu trop d’empathie à son goût.
— Ne me regardez pas comme ça. Hasan est un voyageur et il connait le désert comme sa poche. Il nous mènera sans encombre au prochain caravansérail, explique Soan.
— Tu as dit que le caravansérail était à une journée seulement de l’orée du désert, m’insurgé-je.
Soan m’offre un regard désolé.
— Tu as menti, soufflé-je.
Je regarde Altaïr, qui baisse les yeux et désigne l’homme du menton :
— Il m’a tout l’air ravi de coopérer, dis donc.
Les lèvres de Soan s’étirent jusqu’à presque ne plus former qu’une fine ligne rosée, assombrie par la nuit. Sa bouche demeure scellée un instant pendant qu’il dévisage Altaïr.
J’en profite pour tout de même me pencher afin d’attraper le bras de l’homme et le soutenir pour qu’il se redresse. Il parvient à s’asseoir pour nous faire face.
— Je me moque du fait qu’il soit ravi ou non, Altaïr. Il sait qu’il va crever en plein milieu de ce désert s’il ne veut pas coopérer.
Altaïr acquiesce en hochant la tête et passe sa langue sur sa lèvre inférieure. Puis il se penche à son tour et se met à scruter le visage effrayé de l’homme. Avant qu’il n’ouvre la bouche pour exprimer le fond de sa pensée, Soan s’esclaffe et Altaïr me jette un regard en coin.
— Je sais à quoi tu penses mon brave, mais j’ai une solution pour remédier à ça.
Mon cœur s’emballe, mais je tente de garder la tête froide.
Alors que Soan fait volte-face vers son sac, il s’arrête devant la lampe. Après un moment à rester là sans rien faire, il s’accroupit et soupire en la prenant dans ses mains pour l’épousseter. Il l’inspecte sous tous ses aspects, comme pour vérifier qu’elle n’est abimée nulle part.
Il finit par déposer la lampe à l’endroit sans le creux de sa main et tend son bras, d’abord dans ma direction et je me crispe instantanément en reconnaissant l’objet.
Il fait pivoter son bras vers Altaïr, qui ne bouge pas, avant de revenir à moi. L’expression peinte sur son visage est indéchiffrable, inquiétante.
— Lequel d’entre vous deux a touché à ça ? demande-t-il, sérieux.
Je déglutis. D’un côté, je refuse de dénoncer Altaïr, mais de l’autre je m’avoue que n’ai pas non plus le désir de payer pour son imprudence. Surtout que les punitions de Soan sont quelque peu imprévisibles, et plutôt désagréables.
— Moi, avoue tout à coup un Altaïr déterminé.
Les révélations sur son passé qui ont resurgi par mégarde dans mon esprit sont éclipsées par cet élan de courage. Étonnée, je le considère : il ne cille pas et fixe Soan. Je suis impressionnée qu’il assume de lui-même, un peu fière, aussi.
Soan plisse les lèvres et fait la moue.
— Remets-là à sa place si tu l’empreinte de nouveau, déclare-t-il, neutre.
Mes épaules s’affaissent. Je m’attendais à ce qu’il perde son calme, même si je le redoutais. Altaïr lui non plus n’a pas compris la réaction de Soan, puisqu’il cligne des yeux et se racle la gorge.
— Oui, bien sûr. Tu as ma promesse.
Il fronce les sourcils et pince les lèvres. Ses poings sont fermés et ses pouces frottent nerveusement ses index. Je suis certaine qu’il se questionne, tout comme moi, sur la santé mentale de Soan. Ce dernier dépose la lampe dans le sac et semble chercher après quelque chose. Lorsqu’il se redresse, il s’adresse à Altaïr, amusé :
— Tu peux t’en servir quand tu veux, juste toi. Pas Nouriya, précise-t-il.
— Pourquoi ? questionne de nouveau Altaïr, suspicieux.
7 commentaires
Jehan Calu de Autegaure
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Il y a 8 mois
Vinnie Catz
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Il y a 8 mois
Jessica Goudy
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Il y a 8 mois
EdeneMontagnol
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Il y a 8 mois