Fyctia
Chapitre 5 (1/3)
Je me rappelle que nous avons longé la rivière et avons débarqué alors qu’il faisait encore nuit sur les terres de l’émirat d’Argent. Les images du palais en flammes me donnent l’impression d’encore charrier des odeurs de fumées jusqu’à mes narines.
Une fois que Nouriya eut accepté de se départir de ses bijoux, il fut facile de passer pour des réfugiés fuyant les combats faisant rage dans l’émirat d’Airain.
Cette une étrange sensation que de reprendre à nouveau la parole. Je n’ai pas osé demander quel jour on était. J’avoue avoir hésité avant de suivre ces deux-là hors de ma cage.
En effet, ce fut l’un des supplices qu’Asmar me fit subir au début de ma captivité. Je ne pourrais jamais oublier le moment où il laissa la porte de ma chambre ouverte, l’eunuque avait mystérieusement disparu puisque je ne l’entendais plus donner le moindre signe de vie.
Par signe de vie, je veux dire des bruits de déglutition particulièrement désagréables à l’oreille quand il mangeait des pâtisseries auxquelles je n’avais pas droit, parfois même sous mon nez. Il arrivait aussi qu’il traîne sa respiration sifflante à travers la pièce, ses petits yeux sournois furetant dans les quatre coins de cette dernière.
Inspection, disait-il de sa voix nasillarde amusée quand l'envie lui prenait.
Alors, cette-fois-là, j’ai naïvement cru que je pourrais profiter d’une éventuelle faille dans la sécurité de ma garde pour m’enfuir.
Erreur.
Je me cabre en arrière en repensant à la morsure des coups de fouet qui ont claqué contre mon dos. Je suis conscient que mon mouvement soulève l’incompréhension de Soan et de Nouriya puisqu’ils se regardent tout à coup sans rien dire.
Je ne me sens pas d’humeur à leur expliquer, et je ne ressens pas le besoin d’être compris.
— Qu’est-ce qui fait que je suis une boussole ? demandé-je pour chasser ce désagréable souvenir, premier d’une longue série qui s’imposent par bribes à mon esprit.
Soan se râcle la gorge, puis tire un poignard de sa ceinture et le fait danser entre ses doigts.
D’instinct, je me recroqueville sur mon lit dans la seconde, la boule au ventre.
Nouriya donne un coup de coude au jeune homme à la peau nacrée et le tance de son regard de braise. Il renifle, cesse de jouer avec son arme et se compose un air sérieux.
— Ton sang. C’est le liquide chaud et rouge qui s’échappe de tes veines, C’est ça, ma boussole.
Ils auraient pu me tuer dans ma cage aux barreaux d’étain, au lieu de me faire entrevoir l’illusion d’une liberté à laquelle je ne songeais plus depuis longtemps.
Ma gorge se noue, mais je parviens à articuler ma question :
— Je dois mourir, alors ?
Soan pouffe de rire et je cligne des yeux, étonné de ma propre question. Je dois avoir l’air terriblement stupide, ça va finir par devenir une habitude si ça continue.
— Ne sois pas si dramatique ! Viens là…
Alors qu’il s’avance et que je recule encore jusqu’à ce que mon dos bute contre la tête de lit, Nouriya intervient enfin. Elle se place entre nous deux et défie Soan du regard. Je vois sa bouche se tordre en un rictus alors qu’il la contemple, lubrique.
— Allons Soan, prenons le temps de nous connaître avant de nous demander des choses pareilles, elle minaude, cela ne fait à peine que deux jours que nous nous connaissons.
— Mmh comme tu voudras, princesse.
Il range son khanjar et nous laisse seuls, elle et moi.
Toujours de dos, elle tourne la tête dans ma direction et se mordille la lèvre inférieure. Elle finit par plisser les yeux et son beau sourire se veut joueur :
— Compte sur moi pour te protéger des propositions douteuses de Soan, lâche-t-elle.
Je déglutis et la jauge. Elle reprend son sérieux et se retourne tout à fait pour me faire entièrement face.
— Tu es en sécurité ici. Fais confiance à Soan, il a des manières un peu... rustres et spéciales, mais il va nous sortir de là. D’accord ? Je te laisse te reposer.
Nous sortir de là… D’une chasse à l’homme sans précédent si Asmar est toujours en vie ?
Je ne réponds pas, mais je pense qu’elle a compris qu’elle ne m’a pas convaincu.
Absolument pas convaincu.
Nouriya se retourne à nouveau, sort et ferme la porte à clé derrière elle.
Je suis en sécurité, mais toujours enfermé dans une chambre qui sent le moisi, aux boiseries qui la compose rongées depuis voilà bien des années, assis sur un lit qui ressemble plus à un grabat de camp d’armée qu’à autre chose.
Oh et par-dessus le marché : on veut mon sang.
Mais sinon je suis en sécurité.
Ça me rappelle un peu moi, tout puissant derrière mon bureau, quand j’assurai aux gens qu’ils pouvaient parler sans crainte d’être puni.
Entouré mes parchemins, de mes livres de comptes et de mes assistants, rassuré par la présence des gardes à l’entrée à la simple idée de pouvoir prétendre menacer ou protéger n’importe qui, ou presque.
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Izzie Stern
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Suelnna
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WildFlower
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Suelnna
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novelemimi
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