Fyctia
Chapitre 1 :
J’étais planté là, assis dans le sable mouillé, sur la plage de Santa Monica, à regarder les vagues minuscules s’échouer lamentablement. Et en plus, je réfléchissais à me rompre un éventuel anévrisme. Où en étais-je ? Ah oui, il me manquait quelque chose. J’étais en perpétuelle quête de ce qu’il était censé me manquer, et à chaque fois que j’obtenais ce quelque chose, je passais au manque suivant. C’est un peu cela le bovarysme.
L’année dernière je me suis acheté une voiture de collection de 1967, un caprice de cinq cent chevaux inconduisible à cent quatre vingt mille dollars. Tous ceux qui trouveraient ça un peu puérile, voire débile, auraient probablement raison, mais bon, elle correspond à l’idée que je me fais d’une voiture, et elle en jette. Elle trahit également mon goût immodéré pour toutes les choses des années 70, vous l’avez compris. Mon bonheur quand je me suis glissé la première fois derrière le volant est indescriptible.
Bref, cette bagnole était un des manques que j’avais comblé, et chaque jour qui passait me confortait dans l’idée que j’avais vu juste. Ce truc manquait à ma vie, et je ne comprenais pas comment j’avais pu m’en passer avant cela.
Le hic, c’est que moins de trois mois plus tard, je me suis rendu compte que cette voiture indispensable était fatigante à conduire tous les jours, et que plus je l’utilisais, plus son aura fondait comme neige au soleil. Or, je n’avais pas l'intention que le rêve s’efface d’un coup d’embrayage trop dur, ou de consommation excessive. Alors je me suis acheté une vulgaire voiture lambda à crédit pour rouler dans un confort moderne tous les jours (vous verrez plus loin que les américains considèrent le crédit comme un truc aussi vital que l’oxygène), et j’ai remisé mon jouet dans le garage pour ne le sortir qu’en de rares occasions.
C’est un des exemples du drame de ma vie. Il me faut une chose qui me parait indispensable, et à chaque fois, je dis bien à chaque fois, je me rends compte que j’aurais pu m’en passer.
Je suis quelqu’un qui a des rêves, et je m’emploie jour après jour à tenter d’en réaliser certains. Mais dès que c’est fait, je passe au suivant. C’est fatiguant. Epuisant même. Et c’est pareil pour tout. Le bovarysme entraine une certaine instabilité chronique. Moi qui suis déjà une véritable pile électrique, je n’avais pas besoin de ça.
Tiens revoilà la petite blonde. Cindy, ou Sandy, bref un nom en y, se pointe de sa démarche chaloupée dans un contre jour presque trop parfait. Sa silhouette sublime se détache en ombres chinoises devant l’éclairage de la piscine de Ted, située à deux pas de la plage. Ayant une fois de plus oublié son prénom (vous verrez que cela m’arrive souvent avec les femmes que je rencontre, et je n’ai pas encore trouvé de nom à cette maladie), je me contentais d’un :
- Ca va toi ?
- Moi oui… mais toi, tu as l’air dans un drôle d’état.
Cette petite garce essayait de me faire croire qu’elle s’intéressait à moi. J’avais ramé toute la soirée comme un galérien pour lui montrer tout mon intérêt, et je n’avais reçu que du mépris en retour.
- Non ça va, je te remercie. Je suis juste atteint de bovarysme.
Que venait foutre le bovarysme là-dedans ? Mon objectif était de ramener cette poulette chez moi, pas de lever le voile sur les recoins sombres de mon âme.
- C’est quoi cette maladie ?
Et voilà ! La question inévitable à laquelle il allait falloir répondre. Mais qu’est ce qui m’a pris ?
Il faut être honnête cette nana était plus qu'attirante, elle avait un véritable charme. Mais je n’avais qu’une idée en tête, l’honorer dans les plus brefs délais. Cela dit, j’avais encore le choix de la renvoyer dans ses buts, ou de composer avec mon humeur exécrable et lui expliquer un tout petit peu ce que je ressentais. J’avais choisi la deuxième solution. Je vous passe le baiser langoureux moins de dix minutes plus tard, et la nuit qui suivit.
Je mentirais si je disais que je m’y attendais, et je préfère vous dire que je ne comprendrai jamais rien aux femmes. La petite avait été attendrie par ma sensibilité cachée, et ma facilité à parler de mes problèmes. Je n’étais plus le monstrueux dragueur qui révisait mentalement le Kamasutra en ne prêtant qu'une attention limitée à ce qu'elle disait, j’étais devenu en quelques minutes le gendre idéal. Avec le résultat escompté, ramener cette superbe petite femelle dans ma tanière.
J’ai un peu honte à parler d’elle en ces termes, sachant que cette fille était beaucoup plus intelligente et attachante que je ne l’avais imaginé de prime abord. Et cela fait maintenant quatre ans que je vis une histoire passionnante avec elle. J’y reviendrai.
Mes états d’âme injustifiés sur la plage de Santa Monica avaient une origine. Et pour bien comprendre tout cela, il fallait revenir aux sources.
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