Fyctia
Chapitre 1
Ce devait être un des derniers week-end en famille avant le départ de mon frère, Thaïs, pour le Canada où il devait passer une année d'étude. Mes parents, amoureux comme au premier jour, avaient loué un chalet en montagne pour fuir la chaleur étouffante de la ville en cette fin août.Mon père, allergique aux nouvelles technologies, avait refusé de prendre un gps, argumentant que rien ne valait une bonne vieille carte routière. Il avait juste omis de préciser qu'il n'en n'avait pas utilisé depuis des années et qu'à priori la petite ville que nous traversions en lisière de forêt n'apparaissait pas sur la dite carte.
- Arrêtes toi sur le côté, et trouvons un hôtel pour ce soir, la nuit commence à tomber et je penses que nous sommes perdus. conseille ma mère.
- Nous ne sommes pas "perdus", nous sommes momentanément égarés sur un itinéraire alternatif ! pouffe mon père.
- Itinéraire alternatif ou pas, il va falloir que l'on s'arrête manger quelques part et j'ai pas l'impression qu'il y ai un mcdo dans le coin...marmone Thaïs en scrutant les alentours par la fenêtre. Tu veux pas au moins demander à quelqu'un notre chemin ? Ou faire demi-tour et revenir à la civilisation ?
- Je vous trouve extrêmement négatifs ! Il nous reste des chips et de l'eau ! Tout n'est pas perdu, mais vous avez gagné, on va demander notre chemin au jeune homme là-bas."
Je jette un oeil au jeune homme en question. Environ mon âge, un corps musclé moulé dans un tshirt blanc, des cheveux noirs coiffés en bataille, et de magnifiques yeux bleus. Exactement le genre de mec avec qui je n'aurais jamais une chance, pour qui je serais invisible.Semblant lire dans mes pensées mon frère me glisse :
"- Tu sais Kal, si tu arrêtais de te dévaloriser et que tu te mettais un peu au sport tu aurais toutes tes chances avec n'importe quel mec... ceci étant, si tu pouvais attendre que je reviennes pour t'y mettre... je préfères avoir un oeil sur les zozos qui courreront après ma grande soeur.- Tu m'as regardé ? Je suis invisible... tu n'as pas de soucis à te faire... c'est pas demain la veille que "des zozos me courreront après"..."
Il leve les yeux aux ciels et reporte son attention sur le jeune homme que mon père vient d'interpeller. La relation entre Thaïs et moi a toujours était ainsi. Le petit frère agissant en grand frère. Lui solaire et moi effacée. Il a toujours su tirer le meilleur parti du prénom original que mes parents ont eu la bonne idée de nous donner, décrétant que son prénom le rendait aussi incroyable que l'était sa personnalité. Pendant qu'il devenait la coqueluche du collège, puis du lycée, je peinais à me faire des amis, me réfugiant dans la lecture, l'écriture et mes études. La faible différence d'âge entre nous m'avait permis d'avoir pour identité "la soeur de Thaïs", me rendant à la fois invisible et invisible et intouchable, et me permettant d'échapper sans doute au harcèlement scolaire qui s'abat sur les personnalités un peu à part comme la mienne.
- Excusez moi ! Bonjour ! Vous êtes du coin ? Je penses que nous nous sommes égarés... il y aurait un endroit ici où nous pourrions manger et passer la nuit.
- Houlà...vous devriez faire demi-tour, la première ville est à vingt minutes et vous trouverez tout ce que vous cherchez, notre village n'apparait sur aucune carte c'est dire ! C'est même étonnant que vous soyez arrivé jusqu'ici...vous alliez où ?
- Nous allons à Bourgueux, nous avons loué un gite là bas, et selon ma carte si nous prenons la route qui traverse la forêt nous devrions pouvoir y arriver...
- Ne prenez pas la route de la forêt, la nuit va tomber et cette route est dangereuse même quand on la connait...rebroussez chemin, allez jusqu'à Dracourt et suivez Belves puis Epissis, puis Bourgueux, il y a des panneaux, tout est indiqué.
- D'accord merci pour ces renseignements, bonne soirée !"
Mon père remonte sa vitre sans attendre de réponse, il redémarre sans prendre la peine de faire demi tour et prend la direction de la forêt. Le beau brun qui nous a indiqué le chemin nous suit du regard avant de faire brusquement demi tour et de partir en courrant.
- Il t'a dit de rebrousser chemin...le sermone ma mère.
- Oui mais ma carte me dit que si l'on traverse cette foret nous atteindrons Bourgueux ce soir, un repas nous attends au gîte, ce serait dommage de louper une nuit.
- Il a dit que la route est dangereuse...lui rappelle ma mère.
- Tatata, je suis un pilote ! s'amuse mon père en caressant le volant. J'irais doucement chérie, on arrivera entier c'est promis."
Il se penche pour déposer un baiser sur la joue de ma mère qui lui lance un regard tendre.La forêt dans laquelle nous nous enfonçons est sombre, mais la route sembleen bonne état et jusqu'ici je ne vois pas en quoi elle est dangereuse. Je m'étire, la fatigue commençant à me gagner. Mon frère me tend un de ses écouteurs et m'offre son épaule pour y reposer ma tête.Il s'est toujours comporté avec une grande douceur et de façon très attentionné envers moi. Malgré nos caractères opposés, il a toujours su respecter ma sensibilité, m'apporter son soutient et sa bienveillance.
- Profites-en...la prochaine fois que papa décidera de vous perdre dans le trou du cul du monde je serais de l'autre côté de l'atlantique."
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